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Les dernières mesures du gouvernement algérien seront-elles efficaces sans vision stratégique ? (II) Inflation, corruption et dominance de la sphère informelle
A cet aspect se sont greffés la fraude fiscale, la corruption et les détournements des fonds publics. 3) Quel est le poids de la sphère informelle ? En matière d'emploi, la part qui revient à l'économie informelle, d'après le bilan du CNES établi pour l'année 2004, est de 17 % de l'emploi total, soit quelque 1.300.000 personnes. Sur ce chiffre, 35 % reviennent à l'activité commerciale non déclarée et le taux de la population exerçant dans le secteur informel s'accroît annuellement d'environ 8 %, selon la même source, ce qui nous donnerait en 2009 un taux annoncé récemment par le ministère du Travail de plus de 25 % de la population active avec une contribution dans la formation du PIB (produit intérieur brut) hors hydrocarbures de 20 à 25 %. L'Office national des statistiques (ONS) a par ailleurs mis en relief le 20 juillet 2010 un rapport relatif à une enquête du second semestre 2009 selon lequel la moitié de la population occupée n'était pas affiliée à la sécurité sociale au quatrième trimestre de l'année écoulée, soit un taux de 50,4 % de l'ensemble des travailleurs occupés. Et que 69,1 % des salariés non permanents et 80,1 % des travailleurs indépendants n'étaient pas affiliés à la sécurité sociale durant la même période. Plus précisément, sur les 9 472000 travailleurs occupés recensés, 4.778.000 ne sont pas affiliées au régime de la sécurité sociale, soit un occupé sur deux. La proportion des occupés du monde rural qui ne sont pas affiliés à la sécurité sociale représentante 60,1 %, tandis qu'elle est de 46,3 % dans le monde urbain. Concernant justement l'évasion fiscale due à la sphère informelle il y a plusieurs estimations contradictoires. Pour l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), dans une déclaration le 19 mai 2009 reproduite par l'agence officielle APS, le manque à gagner induit par l'évasion fiscale dans les transactions commerciales en Algérie dépasse 200 milliards de dinars annuellement, soit au cours actuel 2,6 milliards de dollars, une différence de taille, tout en précisant que 80 % des transactions commerciales se font sans aucune facturation, alors que 70 à 80 % des transactions utilisent le cash comme moyen de payement, que près de 900 000 sur les 1,2 million de commerçants inscrits au CNRC ne payent pas leurs cotisations à la Casnos et que l'approvisionnement des deux tiers de la population provient de la sphère informelle. A travers l'ensemble du territoire national, toujours selon cette institution, il y a environ 1,25 million de commerçants qui exercent dans la sphère légale, mais ce nombre est dépassé par celui de ceux qui travaillent dans la sphère informelle et qui est estimé à près de 1,5 million. Plus de 50 % du marché algérien est occupé par le secteur informel et plus de la moitié du chiffre d'affaires des activités commerciales échappe au Trésor public, qui contrôle environ 40 % de la masse monétaire en circulation hors banques (avec une intermédiation financière informelle limitant la politique monétaire globale de l'Etat), mais beaucoup plus si l'on inclut les transactions en nature et l'on soustrait la rente de Sonatrach. Cela a un lien avec la corruption. 4) La sphère informelle et la politique socio-économique La lutte contre la mauvaise gestion et la corruption qui se généralise et qui tend à être socialisée implique avant tout l'efficacité des institutions et une moralisation de la pratique des structures de l'Etat au plus haut niveau, niveau de dépenses en contradiction avec les pratiques sociales malgré des discours moralisateurs, avec cette montée de la paupérisation qui crée une névrose collective. C'est seulement quand l'Etat est droit qu'il peut devenir un Etat de droit Quant à l'Etat de droit, ce n'est pas un Etat fonctionnaire qui gère un consensus de conjoncture ou une duplicité provisoire, mais un Etat fonctionnel qui fonde son autorité à partir d'une certaine philosophie du droit, d'une part, et d'une assimilation consciente des besoins présents de la communauté et d'une vision future de ses perspectives, d'autre part. Dans ce cadre, la sphère informelle en Algérie est favorisée par l'instabilité juridique et le manque de visibilité de la politique socio-économique. Les entrepreneurs, qu'ils soient nationaux ou étrangers, demandent seulement à voir clair, du moins ceux qui misent sur le moyen et le long terme (investissements inducteurs de valeur ajoutée contrairement à l'importation, solution de facilité). Or, ils sont totalement désemparés face aux changements périodiques du cadre juridique, ce qui risque de faire fuir le peu de capitaux surtout en cette période de crise qui montre le rapatriement massif vers les pays d'origine et d'orienter les nationaux vers la sphère informelle. Que nos responsables visitent les sites où florissent l'informel de l'est à l'ouest et du nord au sud et ils verront que l'on peut lever des milliards de centimes à des taux d'usure, mais avec des hypothèques car il existe une intermédiation financière informelle. Le gouvernement ne peut empêcher cette pratique, comme d'exiger un chèque pour un montant supérieur à 500 000 dinars puisque cette mesure a achoppé lorsqu'il a instauré dans un passé récent l'exigence d'un chèque pour 50 000 dinars puisqu'il existera un contrat moral (la confiance) entre le vendeur et l'emprunteur dans les règles de l'art. Les mesures autoritaires bureaucratiques produisent l'effet inverse et lorsqu'un gouvernement agit administrativement et loin des mécanismes transparents et de la concertation sociale, la société enfante ses propres règles pour fonctionner qui ont valeur de droit puisque reposant sur un contrat entre les citoyens, s'éloignant ainsi des règles que le pouvoir veut imposer : pour exemple, les transactions au niveau des frontières pour contourner les myopies des bureaucraties locales, agissant sur les distorsions des prix et des taux de change et le droit coutumier dans les transactions immobilières. On ne peut isoler la sphère réelle de la sphère monétaire. Le cours du dinar sur le marché parallèle en ce mois de novembre 2010 dépasse 120 dinars pour un euro et le fait qu'avec la crise mondiale l'épargne de l'émigration a été affectée (diminution de l'offre) n'explique pas tout, l'explication essentielle étant le grossissement de la sphère informelle (accroissement également de la demande). Le constat est donc amer pour les petites bourses. En l'absence de mécanismes de régulation et de contrôle, les prix des produits de large consommation connaissent, comme de coutume, notamment à la veille de chaque fête, des augmentations sans précédent, les discours gouvernementaux et les organisations censés sensibiliser les commerçants ayant peu d'impact car prêchant dans le désert, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques. Un grand nombre d'intermédiaires entre le producteur et le consommateur (agriculture et industries tant pour la production locale que pour les importations) prend des marges non proportionnelles aux services rendus, ce qui fait que le contrôle sur le détaillant ne s'attaque pas à l'essentiel. Or, la sphère informelle contrôle quatre segments clés : celui des fruits et légumes et de la viande, celui du poisson pour les marchandises locales et pour l'importation, le textile et les chaussures. Concernant la détérioration du pouvoir d'achat de la majorité des citoyens, il faudra analyser les liens entre l'accumulation, la structuration du modèle de consommation et la répartition des revenus par couches sociales, enquêtes inexistantes en Algérie. L'enquête de septembre 2007 du CNAEP montre que 70% des revenus vont aux besoins essentiels, mais, avec le retour de l'inflation à la fin de 2006 (4/4,5% en 2007/2008, plus de 5% en 2009/2010, selon l'officiel, selon nos enquêtes par échantillonnage 80 % du revenu moyen des ménages vont à cette sphère et, donc, la renforce. (A suivre)