, Le calme est revenu et les Algériens, méfiants mais sereins, reprennent le cours de la vie. La société civile inquiète reste attentive aux évènements historiques que la Tunisie connait. Au moment où Me Zehouane nous donne son analyse sur les émeutes du 5 janvier, la nouvelle de l'arrestation d'un syndicaliste, membre militant de l'Association des libertés syndicales (ALS), avant-hier, à la sortie d'une réunion qui a regroupé différents représentants de la société civile sur les derniers événements, est venue crisper d'avantage l'atmosphère. « L'Algérie a les potentialités d'éradiquer la crise profonde de la jeunesse qui s'est manifestée le 5 janvier dernier d'une manière violente et qui a mis en crise toute la société», a souligné Me Zehouane, président de la Ligue des droits de l'Homme. Pendant plusieurs jours, le mouvement de révolte de la jeunesse a mis en émoi les Algériens qui continuent, aujourd'hui, d'être attentifs à ce qui se passe en Tunisie et ailleurs dans le reste du monde. «L'Algérie est riche par sa rente pétrolière et l'Etat peut éradiquer la crise du chômage pour les cinq années à venir, à condition bien sûr de mettre en place les garde-fous constitutionnels pour réaliser à la fois la stabilité gouvernementale et prévenir les risques d'émergence d'un mouvement liberticide comme observé en Allemagne», a souligné Me Zehouane. La révolte du 5 janvier dernier s'est traduite par la condamnation historique des barons de l'informel, mais elle a, aussi, permis de mettre à nu les contradictions d'un système économique face à la mondialisation dont les retombées sont destructrices à plus d'un titre. Me Zehouane souligne qu'il faut interroger autrement la réalité par delà les apparences immédiates pour appréhender les causes profondes parce que structurelles de «l'impasse sociale algérienne». Ce pays présente, selon ce militant des droits de l'Homme, un cas de figure unique. L'Algérie est un pays rentier qui dépend exclusivement des revenus pétroliers, le voilà qu'il cultive le paradoxe de produire de l'exclusion et de la détresse sociale élargie au moment où il accumule des réserves financières sans précédent. Quant à la situation pessimiste et le désordre dans tous les domaines de la vie sociétale, il prévient : «Le sentiment de la majorité des Algériens est que leur pays est riche, mais ils subissent justement des conditions de vie éprouvantes. Même si tous les Algériens se partageaient le produit de la rente pétrolière, la rente ne constitue pas une richesse en soi ! La richesse provient des capacités créatrices du peuple et de la mise en condition optimale des facteurs de production par toute la société. Il faut utiliser ce facteur financier pour irriguer notre tissu socioéconomique et impulser une dynamique de production et de reproduction élargie de capital social. C'est ce qu'on appelle le développement.» L'Algérie a été paralysée le 5 janvier dernier et a mis en contradiction et en crise toute la société civile, car de l'avis de maitre Zehouane, «la dégradation des conditions socioéconomiques des travailleurs, le désarroi, le désespoir social sont le produit de ce blocage. Que des ramifications, des protestations multiformes s'expriment parfois avec violence signifie que cette dégradation a atteint un seuil inquiétant d'intolérabilité. Cela requiert toute la vigilance de ceux qui ont en charge d'encadrer ces mouvements pour conjurer les risques de dégradation et de déperdition. La jeunesse qui arrive sur le marché du travail est poussée vers l'informel et l'exode vers l'étranger. Les couches moyennes sont inexistantes et l'impasse sociale sévit dans un contexte où toute perspective de débouchée est devenue quasiment inexistante. L'Algérie offre aujourd'hui l'image d'un pays qui a beaucoup d'argent, un marché avec une très forte demande dans tous les secteurs d'activité économiques et qui accumule le chômage, la pénurie de logements, la déshérence de la jeunesse poussée dans des tentatives d'évasion à périr en pleine mer dans des embarcations de fortune. «Il nous faut un standard social minimum pour tous pour reconfigurer une société agrégée et stable qui met en synergie toutes ses facultés créatrices. Les jeunes fuient leur pays, dans l'espoir de retrouver une citoyenneté ailleurs. Mais en vain, ils meurent en mer dans des embarcations de fortune. Ces vérités s'imposent, n'en déplaise à tous les cachottiers qui font commerce avec les valeurs des droits de l'homme. Pour cela un standard minimum qui protège contre les dérives archaïques des traitements inhumains est d'actualité.», précise-t-il. L'assistance et la protection que l'Etat algérien doit à ses citoyens, et en toute circonstance et en tout lieu, doit s'exprimer au niveau de l'exigence de leur garantir un droit à la défense conforme à un standard universel reconnu par la communauté internationale». L'image violente d'un pays qui cultive le paradoxe d'être riche, et qui n'assure pas à sa jeunesse l'espérance, la joie de vivre et de s'y construire, est tout à fait à la mesure de la violence dans le contexte de la mondialisation où de nouveaux enjeux nationaux et internationaux ont déstabilisé la jeunesse algérienne.