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Une tradition millénaire
Oléiculture dans la wilaya de Bouira
Publié dans La Nouvelle République le 09 - 02 - 2011

Il faut, par ailleurs, rappeler que la cueillette des olives représente tout un art en Kabylie, du gaulage en passant par le stockage et enfin l'extraction. Tous ces paramètres doivent être maîtrisés pour obtenir une huile de bonne qualité. Une famille entière est parfois réunie autour d'un même arbre, pour ramasser ses fruits si impatiemment attendus. Les oliviers situés sur des terrains abrupts ne dissuadent pas les villageois, encouragés par l'importante production de cette année. Au niveau de la région, l'incontournable tradition de produire de l'huile façon maison, en écrasant la drupe avec les pieds est préservée. A l'huile qui en est extraite, on attribue des vertus thérapeutiques inégalables. Gageons seulement que des mesures de protection de ces oliveraies contre les incendies seront prises.
Les feux ont ravagé des hectares d'oliviers
Par ailleurs, la campagne oléicole bat son plein dans les villages de la Haute-Kabylie. Les hommes et les femmes sont à l'œuvre, ils prennent le chemin des oliveraies de très bonne heure malgré le froid la pluie et la neige. Dès le lever du jour, sur les routes qui mènent vers la commune de M'chedellah, marchant en groupes silencieux emmitouflés dans des châles, des corbeilles de roseau ou d'osier à la main. Qui n'a pas vu ces braves hommes et femmes se diriger vers l'une de ces nombreuses oliveraies dessinées sur les reliefs du nord ?
Une fois sur les lieux, ils grimpent, courageusement, sur les arbres, alors que les autres s'arment de gaules et le travail commence. D'un olivier à un autre, on entend alors les doux chuintements des mains fermées glissant le long des rameaux chargés de fruits et le crépitement feutré des olives qui tombent au fond des paniers. Et pendant qu'ils sont sur leurs arbres, recueillent ce qu'ils arrachent dans la corbeille qu'ils portent passée au bras, les autres, au sol, s'affairent avec leurs longs bâtons, secouant les branches. Quand le sol se couvre, ils abandonnent leurs gaules et se mettent à glaner les olives et à les recueillir dans des sacs.
À certains endroits, on étend préalablement une grande pièce de bâche ou de plastique sous les arbres, ce qui facilite l'opération de ramassage. La journée de travail est immanquablement marquée d'une collation prise sous les arbres et d'une courte pause, à la mi-journée. Le soir, ils reprennent le chemin du retour, chargés de paniers, de seaux ou de sacs remplis d'olives. Parfois, ils se surchargent d'un fagot de branches pour des besoins domestiques. Toutefois, la tâche ne s'arrête pas là : la production de l'huile et son long processus font également partie de leur travail.
Ferhat, un fellah de la région, nous dira : «Je me rappelle bien de ces moments-là ou avec mes sœur ma mère, c'était la course à qui remplirait le plus de paniers pour se faire récompenser par les aînés. On n'y allait avec plaisir, qu'il neige, qu'il vente ou qu'il gèle. On se remémore ces moments-là avec beaucoup de nostalgie. Ce sont des moments de bonheur, de complicité qu'on a eu la chance de vivre en famille.»
Importante production
Des milliers de sacs sont entassés dans toutes les huileries de Kabylie. Il faut attendre parfois des semaines, pour avoir son huile. Même si la plupart des huileries sont modernes et tournent 24 heures sur 24. Toutes les huileries, mêmes les plus traditionnelles, qui étaient à l'arrêt depuis des années, ont repris du service. Toutefois, malgré la surproduction de cette année, le prix de ce produit si précieux (400 DA le litre) ne sera pas revu à la baisse. Cela ne peut être que compréhensible, quand on voit le travail laborieux qu'il y a autour de la cueillette. Une activité pénible et dangereuse à la fois. En effet, des dizaines d'accidents dont plusieurs mortels ont été signalés un peu partout en Kabylie. Le prix élevé a encouragé le retour, ces dernières années, des habitants à l'entretien de l'arbre, au greffage et l'implantation. Il est peut-être temps de moderniser la cueillette pour éviter ces drames et optimiser la récolte. Faute de moyens, une partie de la production pourrit sur place.
En attendant une aide de l'Etat
Ils réclament surtout l'ouverture de pistes agricoles. Au village Thiksighidhene, dans la commune d'Aghbalou, nous avons visité l'huilerie de Larbi Ahcène, Thisirth ouzemour el baraka, géré par la famille Larbi Ahcène. D'ailleurs, ce dernier nous dira que «l' huilerie fonctionne depuis 1890. Il y a un changement par rapport aux années précédentes. Depuis 1988, notre huilerie est devenue une semi-chaîne. La pression nécessaire à cette opération provient de la rotation, à partir du haut, concernant l'eau chaude, elle provient d'une grande citerne placée sur une grand cheminée, avec un compresseur, un tapis, deux baladeurs et un malaxeur et autres. Nous travaillons 24 heures sur 24 et toute la semaine pour satisfaire tout le monde. Les olives seront placées dans une sorte de grand malaxeur, elles seront broyées jusqu'à devenir une pâte fine.» Par ailleurs, son fils, Maâmar, nous dira qu'il existe actuellement des huileries bien équipées, elles remplacent peu à peu celles traditionnelles qui n'ont d'autre choix que de faire de l'huile de bonne qualité. Cette année, considérant la bonne récolte, tout le monde aura sa part. La cueillette n'est pas encore terminée, elle continuera jusqu'à la fin févier, à notre grand bonheur. Dans les huileries modernes à chaîne continue, où toutes ces opérations se font sans discontinuer, on utilise d'autres procédés de broyage et malaxage et la centrifugation requiert beaucoup d'eau pour obtenir une pâte fluide. Une température trop élevée nuit à la qualité du produit. Mais les rendements en huile sont meilleurs.
L'addition massive d'eau gomme les caractères organoleptiques du produit et lui font perdre son goût, son arôme et son onctuosité qui sont propres aux produits du terroir.
On obtient une huile plate, sans consistance, pas encore appréciée des consommateurs montagnards. Il reste que l'huile de nos montagnes a un taux assez élevé d'acidité et est donc moins bénéfique pour la santé. La cause réside dans les longs délais de stockage mais aussi dans l'utilisation, maintenant généralisée, de sacs où les olives fermentent.


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