Il fallait s'y attendre, la crise économique née des errements des secteurs financiers américain et européen a fini par toucher l'Europe et cela à l'heure où les banques occidentales continuent de pleurnicher en demandant une rallonge en matière de plan de sauvetage et où, plus obscène encore, les patrons des grandes banques européennes s'accorderont des bonus pour 2008 ! La situation est, semble-t-il, plus grave que ce l'on craignait il y a quelques semaines encore. Les projections de la Commission européenne sont en effet sans aucune ambiguïté : en 2009, Bruxelles prévoit un repli de l'activité économique de 1,8% pour la zone euro avec un taux de chômage qui va flirter avec les 9%. La Commission prévoit aussi une explosion des déficits publics destinés à compenser les baisses de rentrées fiscales. En clair, la récession est bel et bien là malgré les discours plus ou moins optimistes des pouvoirs politiques. L'Espagne, au cœur de la crise La situation est plus préoccupante pour certains pays dont l'Espagne qui vient de voir sa note dégradée par l'agence de notation Standard & Poors et pour qui Bruxelles prévoit un chômage à 19% (!) en 2010, c'est-à-dire le double du taux actuel avec ce que cela signifie comme tensions internes pour ce pays qui a largement ouvert ses portes à l'émigration qu'elle soit d'origine maghrébine ou sud-américaine. Avec un arrêt brutal du secteur de la construction qui représentait le poumon de la fabuleuse croissance ibérique de ces dernières années (supérieure à 4%), l'Espagne se retrouve ainsi face à ses contradictions. Durant des années, alors que l'économie était au beau fixe, les experts espagnols n'ont cessé de répéter qu'il fallait absolument modifier la structure de la croissance économique et faire en sorte qu'elle soit moins dépendante du bâtiment et bien plus des productions et services à haute valeur ajoutée. Plusieurs plans avaient été élaborés, notamment par les socialistes, pour impulser ce changement stratégique mais la crise financière est arrivée trop tôt pour qu'ils puissent produire un effet notable. Du coup, après avoir joué le rôle enviable de locomotive de la croissance européenne, l'Espagne est désormais considérée comme le maillon faible de la zone euro (avec la Grèce qui constitue un autre cas d'inquiétude). Mais dans cette tourmente annoncée, Madrid a néanmoins la chance de faire partie d'une zone monétaire solide ce qui lui offre une relative protection contre la fuite de capitaux qui n'aurait pas manqué de survenir si le Royaume en était resté à la peseta. L'euro, bouclier jusqu'à quand ? Il est en effet indéniable que la monnaie unique européenne représente une réelle garantie aujourd'hui. Grâce à elle, le spectre des dévaluations compétitives (on pense notamment à celles de l'Italie dans les années 1980 et 1990) est éloigné. Pas de bataille monétaire, pas d'attaques de la part de spéculateurs contre une monnaie nationale fragile, les avantages de l'euro en cette période troublée sont précieux. Mais la question légitime que l'on peut se poser est : jusqu'à quand ? Cette crise représente en effet un test majeur à propos de la cohésion de la zone euro. L'explosion des déficits publics européens va-t-elle saper la valeur de l'euro qui commençait à peine à prendre de l'ascendant sur le dollar américain mais aussi sur la livre sterling ? Pour l'heure, l'effet bouclier joue à plein et un eurosceptique comme Silvio Berlusconi se mord aujourd'hui la langue pour avoir menacé il y a quelques années de quitter la zone euro. De même, les candidats à l'adoption de la monnaie unique européenne se multiplient dans l'Europe de l'Est. C'est peut-être le signe que la grande épreuve financière actuelle va installer l'euro dans son rôle de monnaie la plus sûre et la plus attractive en ce début de XXIe siècle mais rien n'est joué pour autant.