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Une assurance récession
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 21 - 01 - 2009

Olivier Blanchard, économiste en chef du Fonds monétaire international, et de nombreux économistes du FMI ont proposé dans un récent article que les gouvernements proposent ce qu'ils nomment une "assurance récession."
Les entreprises et/ou les particuliers achèteraient des polices d'assurance, paieraient régulièrement une prime et toucheraient une allocation si une mesure de l'économie, la croissance du PIB par exemple, tombait en deçà d'un certain seuil. Une telle assurance, pensent-ils, aiderait les entreprises et les personnes à gérer "l'extrême incertitude" de l'environnement économique actuel.
L'assurance récession pourrait en effet contribuer à soulager la crise économique en réduisant l'incertitude. Après tout, le vrai problème auquel nous sommes actuellement confrontés est celui de la paralysie : l'incertitude a mis en veille de nombreuses décisions de dépenses – par les entreprises (sur une augmentation de la production) et par les consommateurs (sur les articles produits par les entreprises). Réduire l'incertitude pourrait augmenter l'effet, voire être plus efficace que des programmes d'incitation fiscale, car cela s'adresserait aux origines de la répugnance à dépenser.
En outre, une assurance récession pourrait, contrairement à la politique fiscale, ne rien coûter aux gouvernements, car en stimulant la confiance, elle préviendrait le risque contre lequel elle assurerait. La capacité du gouvernement à offrir une telle assurance à une échelle suffisante pour qu'elle ne coûte rien est une raison de favoriser un plan public plutôt que des assureurs privés.
Blanchard et ses collègues soulignent que les banques pourraient soumettre leurs prêts aux entreprises à des conditions d'achat d'assurance récession, ce qui pourrait aider les marchés de crédit à mieux fonctionner, résolvant un grave problème de fond de la crise actuelle. Ils avancent qu'agir ainsi créerait "une vision basée sur le marché des productions futures et de la probabilité de chocs graves" sans expliquer comment ce marché serait structuré.
En effet, il n'existe pas de marché pour d'autres assurances liées au marché fournies par le gouvernement, comme les assurances chômage, vieillesse ou handicap. À la place, le gouvernement se contente d'établir une prime d'assurance qu'il force tout le monde à payer.
Les auteurs du FMI ne sont pas en train d'affirmer que les gouvernements doivent faire la même chose avec l'assurance récession, ils veulent peut-être dire que les gouvernements vendraient les polices aux enchères, ce qui créerait un prix de marché. Mais le prix de marché dépendrait essentiellement du volume d'assurance qu'un gouvernement déciderait de mettre en vente, car l'offre influerait sur le prix à la fois de façon directe et par le biais de l'effet de l'assurance sur les risques de récession sous-jacents.
Les gouvernements sont en bonne position pour créer de nouvelles politiques de gestion des risques, et peuvent ensuite instaurer un exemple à suivre par les assureurs privés. Mais, en alternative à la proposition du FMI, il pourrait y avoir une assurance récession purement privée.
Ce genre d'assurance existe déjà à petite échelle sous la forme d'assurance-chômage crédit. Une entreprise de New York, Assura Group, travaille depuis quatre ans sur un projet de lancement d'assurance-chômage complémentaire pour tous. Ses polices couvriraient les programmes d'assurance-chômage américains, ce qui permettrait à Assura d'éviter de se mêler aux histoires de contrôle.
L'un des problèmes des polices basées sur le marché est l'adoption et l'annulation stratégiques. Le risque lié au PIB est un risque à long terme. Le prix de l'assurance devrait être ajusté régulièrement pour s'adapter à la connaissance publique variable de la probabilité d'une récession, et les gens ne seraient pas autorisés à annuler leurs polices, et à arrêter de payer, quand l'horizon économique s'éclaircirait.
Assura Group devait obtenir l'autorisation du New York State Department of Insurance pour bénéficier d'un dépôt des taux dynamique, ce qui signifie qu'il fixera les prix en fonction d'une formule plutôt que selon un taux fixe, afin que ceux-ci varient en répondant rapidement aux changements des conditions économiques.
Dans un récent article, Mark Kamstra et moi-même proposons que les gouvernements émettent des parts de leur PIB, et que chacune soit équivalente à un billionième du PIB. Ces parts aideraient chaque pays à gérer les risques liés au PIB. Nous pensions que les émetteurs de ce genre de titres bénéficieraient en effet d'une forme d'assurance récession.
Une autre façon de créer un prix de marché pour le risque de récession consiste à proposer les MacroShares que mon entreprise MacroMarkets a lancées. Nos premières MacroShares concernaient les risques inhérents aux cours du pétrole, mais des projets concernant des risques liés au PIB sont en cours d'élaboration. Ces titres sont offerts par paire – un long et un court – et, contrairement à un programme dirigé par un gouvernement, dans les quantités demandées par le marché, quelles qu'elles soient.
Une fois que nous avons un prix de marché pour l'assurance récession ou des produits similaires, la question suivante se pose : sera-t-il si élevé que seules quelques rares personnes voudront l'acquérir ? Nous savons que nous sommes sans doute en récession en ce moment, et peut-être pour un bon moment, les pertes envisagées sont donc énormes. Par conséquent, les gens pourront reculer devant les prix et ne pas vouloir acheter ces assurances. La seule assurance que le public pensera être en mesure de s'offrir pourrait comporter une grosse franchise, et dans ce cas, elle ne serait pas très susceptible de rassurer les gens.
Toute nouvelle proposition comporte son lot d'incertitudes. Mais celle du FMI est une initiative importante, car elle aborde le problème essentiel auquel nous sommes confrontés aujourd'hui : les craintes à propos de l'avenir de l'économie deviennent une prophétie qui se réalise. Il ne faut pas que nous tournions un œil désapprobateur vers une telle politique à cause de ses insuffisances potentielles.
La crise économique mondiale actuelle est l'occasion de se livrer à de nouvelles expériences qui non seulement pourraient déboucher sur sa résolution, mais également mettre en place des institutions qui aideraient à éviter de futures crises. L'assurance récession est une idée de cette nature.
Traduit de l'anglais par Bérengère Viennot
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* Enseigne l'économie à l'université de Yale,
il est économiste en chef de MacroMarkets LLC.


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