L'appréciation du yuan, la monnaie chinoise, contribuera à la croissance économique américaine mais ne résoudra pas les problèmes de celle-ci, a estimé lundi l'économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI) Olivier Blanchard. M. Blanchard a fait ces remarques lors d'une interview exclusive avec l'agence de presse Xinhua. Une appréciation de 20% du yuan, assortie d'une appréciation similaire dans d'autres économies asiatiques émergentes contribueront à une croissance d'environ 1% du produit intérieur brut (PIB) américain, a prédit M. Blanchard, répercutant une prévision du FMI. "Cela est une bonne nouvelle pour la croissance américaine. Mais il est évident que ce n'est pas suffisant pour que les Etats-Unis puissent maintenir la croissance par eux-même", a ajouté l'économiste en chef du FMI. Le taux de change du yuan face au dollar est depuis longtemps au centre d'une polémique aux Etats-Unis et dans certains pays européens. Certains hommes politiques de ces pays déclarent que le yuan, sous-évalué selon eux, porte atteinte aux emplois de leurs pays, et compromet ainsi leurs économies. Cependant, M. Blanchard a affiché d'autres points de vue. L'appréciation du yuan n'est pas une panacée pour les Etats-Unis ni pour le reste du monde, a-t-il récemment indiqué dans une autre interview. Lundi, M. Blanchard a souligné de nouveau qu'une discussion sur la politique macroéconomique chinoise devait se concentrer sur le taux d'épargne, mais non sur le taux de change. "Il est généralement convenu que le taux d'épargne en Chine est trop élevé et que cela reflète l'insuffisance des assurances sociales pour les ménages, des problèmes de gouvernance des entreprises et un faible accès financier", selon lui. L'économiste français a indiqué qu'il est "très désirable" que la Chine prenne des mesures dans les domaines des soins médicaux, du système de retraite et de la distribution des profits des entreprises et des institutions financières, ajoutant que le gouvernement chinois avait déjà pris des mesures dans ces domaines. M. Blanchard est convaincu qu'avec l'application de ces mesures et l'augmentation de la demande intérieure chinoise, la Chine "aura besoin de réallouer ses ressources à cette demande intérieure accrue et d'éviter la surchauffe". Tandis que la Chine s'efforce de réduire son taux d'épargne, les Etats-Unis doivent réduire leur déficit budgétaire, a indiqué M. Blanchard. "Dans le cadre du redressement, le gouvernement américain doit peser le pour et le contre entre la réduction du déficit et la nécessité de maintenir sa croissance. Le gouvernement américain sera réticent à réduire son déficit avant que la demande intérieure ne soit suffisamment forte pour maintenir la croissance", a-t-il estimé. Une augmentation des exportations des Etats-Unis rendra plus facile au gouvernement américain la réduction de son déficit. "Dans ce sens, ce qui se passe aux Etats-Unis et en Chine est interconnecté", a confié M. Blanchard. Le gouvernement américain a récemment proposé un budget de 3.830 milliards de dollars pour l'exercice 2011 avec un déficit anticipé de 1.560 milliard de dollars en 2010, un nouveau record de déficit budgétaire. En 2009, les Etats-Unis ont connu un déficit de 1.410 milliards de dollars. Quant à la tendance de l'économie mondiale, M. Blanchard a fait savoir que la récession avait pris fin et que les pays asiatiques émergents se redressaient à un rythme plus rapide que les pays développés. "La principale difficulté est de garantir que la croissance des pays développés soit durable", a-t-il averti, "sinon, le reste du monde souffrira de même". Aussi, miser sur une réévaluation du yuan chinois n'est peut-être pas une très bonne idée. Certes, la décision de la Banque populaire de Chine de relever les réserves obligatoires des banques aura ravivé l'intérêt des spéculateurs. Cela se voit déjà sur le marché des options, où les prix des contrats à un mois sur le dollar-yuan ont grimpé en flèche au cours de la semaine passée. Le taux d'inflation en Chine s'est révélé moins élevé qu'escompté, mais les statistiques sur le crédit semblent justifier la volonté de la banque centrale chinoise de commencer dès à présent à resserrer sa politique monétaire. Par le passé, l'un des moyens utilisés aurait été de laisser le yuan s'apprécier, afin de réduire les tensions inflationnistes grâce à une baisse du prix des importations. Mais selon Steve Barrow, stratégiste devises de Standard Bank à Londres, les principaux outils de politique monétaire auxquels les autorités chinoises devraient cette fois-ci avoir recours seront les exigences de réserves obligatoires des banques et les relèvements de taux. L'ancrage de la devise chinoise sur le dollar pourrait donc être maintenu dans la même fourchette étroite qu'au cours des 20 derniers mois. Le redressement de l'économie mondiale n'étant pas aussi rapide qu'espéré, la Chine pourrait ne pas être encore prête à ce qu'une appréciation du yuan réduise la compétitivité de ses produits.