Ni poètes, ni historiens, ils ne sont même pas gangsters, car, dans ce domaine aussi, il est fait appel à la science. Le spécimen (car c'en est un) est jeune, nous disait Otchimine. Jeune et habillé du dernier cri. Notre gars gare, sans crier gare, sa voiture rutilante Mercedes devant le magasin bien achalandé. Très décontracté, il salue le marchand comme s'il le connaissait depuis des lustres, l'appelant de son prénom, car l'enquête sur sa victime a été faite auparavant. Il le met ainsi en confiance, avant de commander. Il prend le pot d'ananas, le renverse pour contrôler la date de péremption, tout en demandant trois kilogrammes de bananes. - Vous savez, yal Hadj, il ne faut pas faire trop confiance aux produits qui nous viennent d'Italie, ils sont capables du pire. Zidni quelques pommes golden. - Combien? Un kilo? - Bof! Mettez-moi zouj, fizouj, dans deux sachets différents. Echouabine, vous savez, ces petits détails leur font chaud au coeur! - Que Dieu nous pardonne si nous leur avons fait du mal, répond le marchand, tout en faisant son boulot... Et avec ça? - Au fait, le CEM en face, le directeur c'est toujours...? - Il n'a pas changé. Si El-Habib, rajel, l'interrompit le commerçant, content de trouver une connaissance commune... - Vous lui direz que je passerai demain pour le devis... Chouf li un peu de fromage et quelques tablettes de chocolat... Et l'addition! - Cela fait trois mille huit cents...» Notre escroc fait mine de chercher son portefeuille, qu'il a sûrement oublié. Il sort un petit billet de cinq cents dinars de sa petite poche de veston qu'il remet au commerçant. - «Bon, vous gardez le sac et ce billet, le temps de passer au bureau récupérer mon argent... - Oualou! Vous chargez votre marchandise, vous la déposez à la maison. Demain, quand vous passerez chez si El-Habib, vous faites un crochet chez moi...». Notre escroc ne se fait pas prier. Il remet le billet en poche, le commerçant dans la poche, il charge et accélère. Le lendemain, point de Mercedes. Informé, Si El-Habib, le dirlo, n'attendait personne pour un devis. Notre escroc n'en était pas à sa première opération, nous dit le vieux Otchimine. Chez un autre commerçant, il a fait la même chose, mais cette fois-ci, il y avait des enfants avec lui, qui chargeaient les sacs au fur et à mesure. Au moment de régler, il sort un portefeuille, le marchand faisait son calcul, il le dépose et el-hmam tar... Le portefeuille était, bien sûr, bourré de rien du tout.