Farniente «N?est-on pas bien ici ?», s?interroge le père d?une famille nombreuse attablée à l?une des crémeries de l'esplanade d?Aïn Turck, capitale par excellence de la corniche oranaise. Ils sont très nombreux à partager cet avis. Dès 16 heures, même s?il fait encore chaud, c?est l?affluence à la place d?Aïn Turck qui surplombe une magnifique baie visible jusqu?à Mers El-Kebir. Les enfants jouent, les petits courent sur l?esplanade, sans cesse rattrapés par les parents, tandis que les adolescents font d?interminables va-et-vient sur la plage pour nager ou jouer au basket. Ils sont presque tous chaussés de Nike et Reebok dernier cri. La corniche oranaise, l?esplanade d?Aïn Turck est devenue, depuis 10 ou 11 ans le passage obligé pour le farniente des familles. Une ambiance bon enfant s?y installe dès les premières heures de l?après-midi jusqu?au petit jour. Au fil des heures, la place grouille de monde, les crémeries et grill-rooms sont pleins. L?odeur de chiche-kebab et de grillades embaume l?air iodé. Des troupes folkloriques apparaissent inopinément et jouent aux rythmes de la ghaïta et du gallal, sous l??il ravi des visiteurs. Sur les trottoirs défile le microcosme de la famille algérienne. Un régal pour le sociologue, mais un dénominateur commun : l?insouciance et la liberté pour les grands, la joie de vivre et le bonheur de jouer pour les enfants. Le soleil et l?air parfumé de la matinée sont au rendez-vous, bien sûr. Depuis plus d?une décennie, des millions d?Algériens convergent de toutes parts pour passer leurs vacances sur la corniche oranaise. Les habitants de cette coquette ville balnéaire ont la réputation d?occulter leurs problèmes pour faire bonne figure aux visiteurs. Cette année, malgré les insuffisances en matière d?accueil, ses habitants sont à la hauteur de leur réputation. Aïn Turck, Bousfer plage, Paradis plage, Bouisseville, les Coralès, Cap Falcon, les Andalouses, Bomo plage, l?Etoile pullulent de monde, de voitures de tourisme et de caravanes. Les plages sont pleines, on s?y promène sans complexe entre jeunes de tous sexes. Des magasins haut de gamme ont ouvert leurs portes. Sol en marbre, portes de verre et de cuivre, climatisation, musique douce ; tout y est. A l?intérieur, des produits, importés le plus souvent, de qualités diverses, quelquefois de belles pièces luxueuses et attrayantes, mais pas encore à la portée de toutes les bourses. Les mentalités dans le domaine de l?offre et la demande changent aussi. Le commerçant est plus respectueux et le client plus à l?aise pour n?acheter parfois que le plaisir des yeux? La société de consommation s?installe insidieusement, changeant les habitudes vitales de toute la famille en vacances. Les promeneurs s?étonnent, cette saison surtout, du défilé des «belles étrangères» qui vont et viennent sur leur boulevard préféré, Mercedes rutilantes, BMW dernier cri, Alpha Romeo, toute la gamme européenne de la voiture de luxe se fait admirer. Avec les arbres et sa vue panoramique sur la Méditerranée, l?esplanade d?Aïn Turck entretient le plaisir et la joie de vivre même si l?écart social se creuse chaque jour un peu plus. Pour les veinards attablés aux belles terrasses, une bonne glace en famille suffit à les rendre heureux. Ainsi, la Corniche oranaise constitue pour les uns comme pour les autres un lieu de prédilection où se rencontrent les familles. Le plus souvent, les émigrés, qui s?y arrêtent pour souffler, profitent de leur séjour pour visiter les principales artères d?Aïn Turck, «belles et paisibles», avant de regagner leur wilaya d?origine. Cet important flux de non-résidents est remarqué surtout au niveau des marchés et des grands locaux commerciaux où sont exposés différents produits traditionnels. Compte tenu de la douceur du climat qui prévaut à Aïn Turck dès le mois d?avril, le déplacement des piétons ? malgré l?absence d?un plan de circulation ? est perceptible dès les premières heures de la matinée et ce, jusqu?au crépuscule. Cette dynamique notable est visible dans les rues menant vers l?esplanade, lesquelles étouffent parfois en raison de la bousculade de badauds qui vont dans les magasins où sont vendus toutes sortes de vêtements importés ou locaux, ou encore des bijoux et ornements nécessaires pour les jeunes mariées. La dense circulation dans la ville d?Aïn Turck constitue l?autre aspect du flux des touristes, engendrant des embouteillages. Cette situation cause, par ailleurs, un manque considérable en carburant, notamment en sirghaz, au niveau des stations-service de la corniche où l?on remarque, parfois, de longues files de véhicules en attente. Les cafés d?Aïn Turck enregistrent, pour leur part, une activité singulière en début de soirée, avec l?arrivée de beaucoup de jeunes et moins jeunes, et ce, en raison de l?absence d?autres loisirs. Cette ambiance constatée tout au long de la semaine, à travers la corniche oranaise, est cependant fugace les vendredis où les villages balnéaires plongent dans un profond sommeil.