La sardine algérienne s'est fait faire des moustaches. Oui, la belle sardine, bien effilée, entre gris et bleu terne, mince et ruisselante de cet effluve marin qui vous donne l'eau à la bouche, s'est mise sur son 31 ces dernières semaines. Au kilo, son prix a frôlé les 400 dinars à Alger, les 300 dinars à Oran et dans la plupart des villes côtières. Un niveau jamais atteint par un des démersaux les moins chers de la planète. A Alger, on ne s'étonne plus de cette extraordinaire progression des prix de la sardine, tant le marché des poissons évolue dans sa propre dimension. Celle de la loi entre l'offre et la demande d'un poisson très difficile à capturer par mauvais temps. Non, le prix de la sardine est tout simplement une insulte pour les ménages algériens, de surcroît ceux qui consomment à longueur d'année une viande qu'ils ont depuis toujours acheté à bas prix. D'autant que ce poisson a toujours fait partie de la gastronomie des gens de mer, de ceux qui n'ont pas les moyens de s'acheter chaque jour de la viande (blanche ou rouge, peu importe), de ceux qui aiment ce délicieux poisson. Et, si les prix de la viande la moins chère montent en flèche, il y a vraiment de quoi se poser des questions sur cette filière, son fonctionnement, les gens qui tiennent le marché et les services de contrôle des prix. Ben oui, car après la pomme de terre à plus de 20 dinars/kg, l'huile au alentours des 300da, et la baguette de pain à 10 dinars, il y a comme un sentiment que beaucoup d'Algériens se font rouler chaque jour dans la farine. Sinon comment expliquer cette inflation galopante des prix à un moment où les réserves de changes culminent à plus de 140 milliards de dollars. Il y a vraiment anguille sous roche, d'autant que c'est la même flottille qui pêche la sardine, hier comme aujourd'hui, d'El kala à Beni Saf. Après les fruits et légumes, est-il venu le temps de la sardine pour montrer aux Algériens qu'ils doivent s'attendre à des lendemains moroses, à l'ombre d'une crise économique mondiale qui lamine comme un rouleau compresseur toutes les économies, grandes ou petites ? L'exemple de la sardine qui vend chèrement sa peau illustre parfaitement que le circuit commercial national n'obéit d'abord à aucune règle ou norme, ensuite que l'économie nationale est vraiment entrée dans l'économie de bazar, même si des banques étrangères se sont installées chez nous. Il n'est pas concevable pour l'Algérien qui voit le prix du baril de pétrole monter malgré la crise économique qu'une baguette de pain revient à 10 dinars, un kg de pomme de terre à 40 da et le sachet de lait à 25 da, lorsque les plus bas salaires oscillent autour de 10.000 dinars. L'Algérien en est ainsi réduit à voir passer le temps, à le regarder et ne pas le sentir. Et, ainsi des années se sont passées sans que l'on n'y prête attention à cette catastrophe nationale, assommés que nous étions par la langue de bois sur la baisse de l'inflation et l'amélioration de la production agricole, jusqu'à ce qu'on s'aperçoive, comme le dit ce vieux dicton algérois, que �''la sardine est sortie prendre un bain de soleil du côté de Kaa Essor'' (petite plage près du Bastion 23 à Alger). Nous avons parlé de la sardine, l'anchois, lui, a disparu depuis longtemps des étals des mareyeurs !