On n'échappe pas à sa destinée. Le jeune Abdelkrim Bendjemil a failli devenir judoka puis footballeur. La première discipline, il l'a pratiquée durant cinq ans chez maître Lacombe, «la» référence à l'époque. Et puis, comme tous les enfants, il a été attiré par le football et a même effectué des essais au sein du club de l'EGA, l'Electra. Sa taille l'aurait prédestiné à un poste de stoppeur, libero ou avant-centre. Il se trouve que l'entraîneur des jeunes de l'Electra, Berras Lahouari, n'était pas du même avis. «J'ai été déçu et je me suis intéressé au handball», dira Bendjemil. Or, le stade des Castors et le CEM Benzerdjeb étaient justement les viviers de la petite balle. Mais ce n'était pas gagné d'avance, loin de là, puisque Abdelkrim a dû subir un second test pour être retenu par Tilmatine, séduit par son gabarit. Après quelques séances seulement, sa progression était évidente, ce qui le propulsa d'ailleurs au rang de capitaine de l'équipe minime du CEM Benzerdjeb. Il faut préciser que Bendjemil montrait un enthousiasme étonnant pour un jeune de son âge. «Je ne faisais que ça et je ne pensais qu'à ça», souligne-t-il. La pertinence de Tilmatine allait se justifier, puisque le CEM Benzerdjeb enlèvera le championnat national minimes. En cadets, c'est au sein du CRFO/SNS Oran qu'on retrouvera la future ossature du club, avec les Bendjemil, Doballah, Harrat Djamel, Boulil Hadj, Habbiche, Ghezzar, Aourak, Guendouz et Messaï, sous la férule du coach Mokrani. En cadets, ce sera Malek, puis Mekki Djillali, tous d'excellents techniciens à qui la discipline doit énormément. Les titres régionaux et «civil» et en scolaires ne se comptant plus pour cette équipe qui passera sous la bannière du MPO, lors de la réforme sportive de 1977. Et c'est Boukhobza - un autre grand nom de la discipline - qui a été chargé de monter l'équipe du Mouloudia. La suite est de notoriété publique, avec des titres nationaux et continentaux, tant avec le MPO qu'avec l'équipe nationale, dont Bendjemil sera l'un des piliers durant de nombreuses années, avec la distinction de capitaine pendant quatre saisons. Bendjemil a sillonné de nombreux pays d'Afrique, d'Europe, d'Asie et même le continent américain, en faisant preuve d'une constance remarquable qui lui permet de rester au top niveau bien plus longtemps que ses coéquipiers. Il faut dire, qu'au départ, il avait le feu sacré, car il était conscient de ses potentialités dès sa plus tendre enfance. Mais ceci n'explique pas cette extraordinaire réussite. La vérité, c'est que Bendjemil a tout donné au hand, sacrifiant ses études et hypothéquant même son avenir. Combien de souffrances a-t-il supporté ? A combien de contraintes s'est-il plié ? Combien de blessures a-t-il subi ? Car, au-delà de la «vitrine» rutilante de la célébrité, il y a du travail, des sacrifices, des efforts et beaucoup de sueur. C'est le prix à payer, et Bendjemil s'en est acquitté parfaitement. Lorsque longévité rime avec professionnalisme Il a fait partie de la fine fleur du handball algérien et son nom est intimement lié à la gloire de l'équipe nationale et du MPO. Tous les sportifs ont encore en mémoire les épopées du hand algérien à travers son équipe nationale et ses clubs. Une flopée de grands joueurs ont marqué de leur empreinte, cette époque dorée qui s'est étalée sur plusieurs décennies. Il est impossible de les citer tant ils sont nombreux. Néanmoins, il sont quelques-uns qui ont surclassé leurs coéquipiers, à l'image des Lamdjadani, Bouzezar, Amara, Hamiche, Azeb, Hachemi, Benmaghsoula, Mokhnache, Doballah et Bendjemil. Ce qui distingue Abdelkrim Bendjemil, c'est sa longévité dans une discipline dont on sait qu'elle est très éprouvante sur les plans mental et physique. Un athlète de haut niveau, comme lui, est «happé» aux dépens de ses études et même de son existence d'être humain. C'est simple : Bendjemil, après les années passées comme athlète de performance au MPO, est devenu un professionnel de la discipline à l'étranger, au Quatar et en France, à Montpellier, à Toulouse et à Marseille. A chaque fois, il a dû remettre à plus tard sa retraite de joueur. A 31 ans, il s'est dit «ça suffit». Et voilà qu'on la relance. L'amour de la discipline, sa classe et son sérieux ont fait le reste. Cette longévité est exceptionnelle et se serait prolongée sans des entraves d'ordre physique. Trop sollicitées, les jambes ont envoyé un signal d'alarme. Les spécialistes ont évoqué, une sorte d'arthrose ayant entamé le cartilage. Une opération des ménisques a fait le reste. Il avait 37 ans et un parcours dont il peut être légitimement fier, avec plus de 150 sélections en équipe nationale avec le brassard de capitaine durant quatre années, des titres, des coupes, des accessions, et des distinctions de toutes sortes. «Si c'était à refaire, je referais la même chose», dit-il. On le comprend, car le handball lui a apporté la notoriété, une aisance financière et, surtout, des joies inestimables. Ce bonheur, Bendjemil le conserve jalousement dans son coeur et sa conscience. Et personne ne pourra le lui enlever.