Le dossier de l'affaire du trafic des cartes grises de «grosses cylindrées», dont les ramifications s'étendent à travers plusieurs régions à l'est du pays, qui fut dévoilé récemment, sans pour autant livrer tous ses secrets, et ce après une longue et minutieuse enquête menée par les éléments de la Gendarmerie nationale, sera sur la table des magistrats du pôle judiciaire spécialisé siégeant à Constantine le 26 avril prochain. Pour rappel, ce dossier a été au départ transmis au procureur de la République près le tribunal correctionnel de Ziadia, devant lequel devaient comparaître le 2 avril dernier près de 95 personnes entre témoins et accusés dans cette affaire, mais celui-ci jugera après avoir pris connaissance des tenants et aboutissants de cette histoire que «le crime» relève plutôt de la compétence du pôle judiciaire spécialisé siégeant à Constantine, saisissant à ce propos le ministère de la Justice (par le biais de sa hiérarchie) et renvoyant dans ce sillage, ce jour-là, toutes les auditions des témoins et accusés. Genèse d'une piraterie du réseau informatique des cartes grises à Constantine. La mise à nu de tout ce trafic, d'une ampleur insoupçonnée, a commencé au début de l'année écoulée, lorsqu'un échange d'informations entre les directions de la réglementation et des affaires générales (DRAG) des wilayas de Constantine et Skikda révèle des anomalies sur «le bulletin de confirmation» de données concernant un véhicule de marque «Mercedes». La wilaya de Skikda ayant requis ce «bulletin de confirmation» à la suite d'une demande de changement d'immatriculation du véhicule en question déposée à son niveau par un acheteur (la Mercedes étant initialement immatriculée à Constantine), découvrira des «anomalies» dans les renseignements fournis par les services de la DRAG de Constantine. Le dossier du véhicule est ainsi renvoyé à Constantine, avec une demande expresse de vérification profonde des renseignements communiqués sur le «bulletin de confirmation». Mais à la stupeur générale, quand on s'introduira à nouveau dans le fichier informatique pour les besoins d'une vérification des données, toute trace de ces renseignements aura complètement disparu ! Dès lors se posait une lancinante interrogation: qui a frauduleusement procédé à la manipulation, ou l'effacement, des informations liées à cette voiture de luxe ? «On aura essayé de remonter cette manipulation afin d'identifier les codes d'accès au fichier, détenus exclusivement par les employés dûment autorisés à intervenir dans le réseau informatique des cartes grises, mais vainement», nous a confié le DRAG de la wilaya de Constantine. N'ayant pas pu dévoiler qui se cache derrière ce trafic, celui-ci avisera le wali de Constantine sur la nécessité d'un dépôt de plainte contre «X». Chose faite au début du mois de février de l'année 2008, date à laquelle sera immédiatement enclenchée une vaste enquête de la Gendarmerie nationale, qui s'étalera jusqu'au mois de décembre de la même année, et passera au peigne fin près de 600 dossiers de cartes grises de véhicules «grosses cylindrées». «La délivrance des cartes grises sera bloquée durant toute cette période des investigations», indiquera le DRAG de la wilaya de Constantine, qui s'est constitué partie civile dans cette affaire. Des gendarmes experts en informatique seront alors appelés à la rescousse d'Alger, et l'on découvrira ensuite d'autres fichiers de cartes grises ayant subi ce trafic, dont les véhicules ont cette particularité de «grosses cylindrées». «15 véhicules luxueux seront dans ce contexte saisis par les éléments de la Gendarmerie nationale, avec la découverte de ramification dans les wilayas d'Annaba et de Jijel», nous a confié une source judiciaire. D'après les premiers éléments de l'enquête que nous avons pu obtenir, il ressort que le réseau informatique des cartes grises a été piratée par des mains expertes, ou des personnes bien initiées qui posséderaient assez d'éléments d'informations techniques sur le réseau informatique. L'ex-directeur des transmissions de la wilaya de Constantine et deux autres informaticiens de son service, qui avaient naguère participé à la conception technique et à l'installation du système informatique de gestion des cartes grises, ont été sollicités par les enquêteurs pour mettre la lumière sur cette affaire. Dans ce sillage, on apprendra que la trace de plusieurs autres dossiers «authentiques» de cartes grises a été complètement effacée du fichier informatique... La cybercriminalité nous livre l'ampleur de ses abus.