Les forces démocratiques n'ont pas rendez-vous qu'avec eux-mêmes. Mais aussi avec la société algérienne. C'est pourquoi, il faudrait choisir une méthode efficace pour porter la voix de l'opposition et édifier une société à large consensus débarrassée des idéologies. Sur le fond, les démocrates sont unanimes à travers leurs appels respectifs : le rassemblement est une bonne idée. C'est son opérationnalité qui pose problème voire désole un nombre non négligeable de citoyens militants de la société civile qui appréhendent non sans raison, les futurs contacts avec les partenaires politiques du camp démocratique. Plusieurs initiatives de rassemblement on été lancées, toutes pertinentes et de bonne foi, mais sans succès, une sorte de malédiction qui rôde autour des démocrates, qui accentue leur individualisme et leur susceptibilité à vouloir absolument être dans le peloton de tête. Il est patriotiquement urgent de réagir, il ne peut être désormais question que de résistance, d'union, de consensus et enfin, d'une opération permanente de dialogue, avec du souffle et de la nouveauté, voici les conclusions lancées ces derniers temps par certaines personnalités, formations et dynamiques politiques. Une de ces dynamiques organisées en comité d'initiative et de vigilance citoyenne va encore plus loin, et pose le problème ences termes: «Comment définir une véritable stratégie pour les forces patriotiques et démocratiques ?». Une problématique fondamentale qui nécessite pour sa résolution, la définition d'une méthode et de tout un système de définition conceptuel, cette méthode semble être en panne et en semble convaincu, sans l'avouer, que sa pratique n'est pas encore acquise. Aussi, la problématique semble se construire autour d'un complexe diptyque malencontreusement enchevêtré : » Comment se rassembler-Autour de quoi se rassembler». Comment se rassembler Cette première question est considérée comme la pierre angulaire du rassemblement, elle traite des objectifs du rassemblement et elle débouche sur le thème du consensus qu'on a souvent tendance à utiliser d'une manière fâcheuse qui a gravement obscurci la notion du vocable, le consensus se trouve bien placé chez les démocrates comme un terme fétiche d'emploi très fréquent, c'est dire qu'il s'apparente même à la définition de la politique : «L'art du compromis productif». Sa définition la plus élaborée est de reconnaître la légitimité partielle des arguments des autres ou la reconnaissance de la légitimité des différences et des dissonances, c'est enfin la réduction des divergences en arrivant à une certaine communauté de vue. En revenant sur l'actualité de la scène politique algérienne, on constate des velléités positives pour la constitution d'un vrai partenariat politique débarrassé des individualismes et des luttes politiciennes, en somme des velléités consensuelles, la dernière déclaration du Dr Ahmed Benbitour va dans ce sens : «La probabilité d'un échec d'un tel rassemblement viendrait plus d'une absence de volonté réelle de se départir d'une partie de ses prétentions politiques au profit d'une action collective que de la capacité du système en place à organiser une résistance au changement». Nous comprenons aisément à partir de cette déclaration que les partenaires politiques doivent s'engager à s'associer par des procédures négociées qui limitent méthodiquement les prétentions de chacun, autrement dit, l'identification du chef ou du leader n'est pas un préalable au rassemblement, elle interviendra certainement après la construction de l'organisation et toujours par consensus des pairs autour d'une personnalité charismatique, en mesure de synthétiser les courants de pensées des uns et des autres. Cette question du leadership est essentielle et épineuse, si elle est réglée, la cohésion du groupe peut se trouver renforcée et la tentative d'union et de rassemblement sera gérée avec adresse. Cette initiative et non sans risque et le consensus peut se dégrader en conformisme d'indifférence et de résignation entrainant une ruineuse guerre de positions et d'antagonismes, le danger apparaît lorsque les «valeurs communes» s'effritent ou donnent le sentiment de s'effriter, lorsqu'il existe une incertitude à mettre en œuvre pour réaliser des fins collectives dès que ces fins sont complexes-et elles le sont généralement dans notre cas, d'où l'urgence d'un minimum de consensus sur les valeurs à défendre entre démocrates. Pour y arriver, la primauté des experts et des politiques sur les doctrinaires et les idéologues est impérative. Autour de quoi se rassembler Cette deuxième question traite des buts de l'organisation, sa traduction la plus simplifiée serait le questionnement du pourquoi se rassembler et avec quelles propositions? Il est de notoriété publique que les démocrates veulent s'exprimer et être en phase avec l'actualité politique du pays, il veulent aussi passer leurs propositions sous la forme de messages politiques, sociétaux et réellement donner la volonté d'un changement. Le changement, voilà à quoi chacun aspire. Mais ce changement, est-il apprécié en termes de «vaste mouvement», comme une composition d'actions salutaires, une finalité du rassemblement des forces démocratiques, des dynamiques et de la société civile ou comme une mystérieuse mécanique du système ? Initié unilatéralement en dehors du régime ou comme l'a déclaré l'ancien Premier ministre M. Mouloud Hammrouche lors du forum des débats d'el Watan : «Un changement initié en dehors du régime ne peut aboutir, mais un processus de démocratisation ne peut s'élaborer en vase clos en dehors de la société et sans son contrôle. Le processus de changement doit venir simultanément de l'intérieur du régime et de la société». Nous pensons que les deux optiques sont justes selon qu'on se positionne préalablement dans une perspective de produire une solution consensuelle pour dépasser la crise, puis ultérieurement, dans une perspective d'exercice du pouvoir. D'autres propositions sont à mettre aussi à l'actif des démocrates, il s'agit des solutions de sortie de crise et plus précisément de la question de la transition, quelle est son inscription dans le temps et dans la durée ? Interviendra-t-elle hypothétiquement après une vacance de pouvoir ou est-elle pensée dans un processus régulier de prise de pouvoir ? Plusieurs pistes sont susceptibles d'intéresser les démocrates afin de trouver un minimum de consensus dans les premières heures du rassemblement et ce, en évacuant les dogmatismes inconciliables et en travaillant sur les questions du changement et de la démocratisation de la société. Pour répondre à ces questions, nous pensons qu'un dialogue interpartisan et une communication sincère avec les personnalités politiques et les dynamiques sont nécessaires et urgents, il est aussi nécessaire de positiver et d'adopter une conception du changement qui avance l'idée de ruptures cycliques et d'alternances de la puissance des solidarités communautaires et rentières du système de leur décomposition.