En Iran, c'est le branle-bas de combat : tous les limiers du pays ont été mis sur la piste de l'introduction frauduleuse sur le marché local de produits agricoles israéliens. Il s'agit plus précisément d'agrumes, de pomélos et d'oranges. A Téhéran, tout le monde est perplexe. Comment des produits israéliens ont-ils pu pénétrer le marché iranien, malgré l'interdiction, entrée en vigueur en 1979, au lendemain de la chute du régime du Shah ? En fait, Téhéran, l'un des plus farouches adversaires de l'entité sioniste dans la région, ne s'explique pas la présence de ce genre de produits agricoles sur son marché, à plus forte raison d'origine israélienne. Ainsi, la presse iranienne s'interroge sur la découverte faite la semaine dernière de pomelos, une sorte de pamplemousse que l'on ne trouve qu'en Méditerranée, portant la marque Jaffa sweetie-Israel-PO. Ces fruits se trouvaient dans des cartons portant l'inscription «produits de Chine». Selon le webzine iranien Tabnak, ce n'est qu'une fois les cartons ouverts que les commerçants ont découvert la marque Jaffa. Immédiatement, les autorités iraniennes ont déclenché une enquête et ordonné la fermeture des épiceries ayant présenté les fruits à la vente. Mais, selon la presse israélienne, qui a rebondi sur l'affaire, il n'est pas certain que les fruits soient véritablement israéliens, car Israël aurait vendu la marque Jaffa à des producteurs d'autres pays, et les fruits en question ont donc probablement été récoltés en Chine. Mais il est aussi possible que les Chinois aient réexporté vers l'Iran des agrumes en provenance d'Israël. L'affaire a ainsi pris une tournure tragi-comique. D'après la BBC, ces fruits portaient bien le label Jaffa mais ils ne provenaient pas d'Israël pour autant et auraient été importés de Chine. Les négociants chinois auraient sciemment falsifié les étiquettes. Avant la révolution islamique, qui a mis un terme aux échanges commerciaux entre les deux pays, les Iraniens appréciaient fort les produits israéliens qui étaient importés. Le secrétaire de l'organisation des producteurs israéliens d'agrumes, Haï Binyamini, qui s'est dit étonné du stratagème, ne voyait pas l'intérêt de falsifier des étiquettes d'un fruit pour le vendre dans un pays où il était indésirable. «Le label Jaffa est très apprécié mais pas dans cette région, il est en revanche très demandé en Europe occidentale, en Russie et au Japon», selon lui. Par ailleurs, toute cette campagne médiatique autour de l'arrivée de «fruits défendus» en Iran est une autre facette de cette guerre psychologique que se livrent Israël et Téhéran. Car, si d'un côté, le spectre de l'arrivée dans la région d'une autre puissance nucléaire est un danger réel pour l'équilibre des forces dans cette partie du monde, il y a également le danger de l'hégémonie de la puissance militaire sioniste qui pèse sur les pays limitrophes. Téhéran n'a pas, pour le moment, fait le geste que les pays occidentaux attendent, celui bien sûr de l'arrêt de toute activité de production et d'assemblage de centrifugeuses, car il s'estime dans ses droits de disposer du nucléaire à des fins pacifiques et scientifiques. Israël, de son côté, a peur si demain l'Iran pourra disposer de l'arme nucléaire. Cela changerait absolument toutes les données géopolitiques dans cette vaste partie du monde, par où transite 40 % de la production pétrolière mondiale. Quant aux oranges ou aux pomélos de jaffa, elles auront l'arrière-goût amer d'une défaite... commerciale. Même si elles ont été introduites par quelques rusés commerçants écumant le détroit d'Ormuz.