Le soldat Steven D. Green, instigateur et auteur présumé d'atrocités à Mahmoudiya, est jugé par un tribunal civil du Kentucky (centre-est) et risque la peine de mort. En 2006, à la suite d'une soirée arrosée de whisky, le soldat Green de l'armée des Etats-Unis avait décidé de se payer du bon temps. Avec quelques copains, ils ont violé la jeune Abir Janabi, âgée de quatorze ans, avant de l'abattre avec toute sa famille. Un crime de plus dans la litanie des horreurs commises par l'armée américaine. Le soldat Green risque la peine de mort. L'opinion publique mondiale est prise à témoin, la justice des Etats-Unis fait son travail et punit sans frémir - n'est-ce pas ? - les « boys » qui portent atteinte à la splendide réputation de l'armée la plus civilisée de la planète. Cette armée dont les faits d'armes, du Viet-Nam à l'Irak, portent tous l'uniforme de l'infamie et du déshonneur. De Mi-Lay à Abou-Ghraïb, établir un état des atrocités nécessiterait bien plus qu'une série d'articles de presse. Nulle américanophobie dans le propos, l'armée américaine est une armée d'occupation comme les autres. La caractéristique commune de ces armées dévoyées dans des guerres « asymétriques » est de traiter la population civile comme un exutoire. Le soldat Green n'avait sans doute jamais entendu parler de l'Irak avant d'y être envoyé dans l'armée d'invasion néoconservatrice. Dans son pays, il n'aurait probablement pas dérogé au code social et, plutôt que d'agresser une enfant avec une épouvantable bestialité, il aurait sans doute invité une jeune fille à boire un milk-shake dans le coffee-shop du coin. Il est aujourd'hui face à un tribunal qui décidera de sa vie ou de sa mort. En réalité, quel que soit le verdict, le sort du soldat Green de l'armée des Etats-Unis n'a aucune importance. Sa pendaison, qui ne fera pas revenir la jeune Abir et ses parents, ne redore pas le blason de l'armée américaine, pas plus qu'elle n'honore la justice de ce pays. Car si, effectivement, ce soudard aviné a commis un crime atroce, comme bien d'autres de ses collègues, en est-il le seul et vrai coupable ? Et c'est précisément à cet égard que la justice américaine se déshonore à son tour. Car elle ne juge que des lampistes. Ces soldats frustes et brutaux que l'on envoie « pacifier » des régions lointaines dans des guerres illégales seraient-ils seuls à porter le fardeau de l'opprobre ? Sont-ils seuls coupables ? A l'évidence, non. Ceux qui ont décidé de l'envoi de troupes, ceux qui ont donné les ordres en sont responsables au premier chef. La stratégie démente mise au point par les idéologues de la toute-puissance militaire américaine s'articulait bien autour de l'écrasement de l'Irak par un déluge de feu. Cela s'appelait « Shock and awe » (Choc et stupeur), et ses concepteurs, à la Maison-Blanche, au département de la Défense, au Conseil de sécurité nationale, coulent des jours tranquilles dans le business ou dans une retraite dorée. Ceux qui ont autorisé les services de renseignements à pratiquer la torture et les enlèvements arbitraires, comme cette ancienne secrétaire d'Etat ou cet ex-secrétaire à la Défense, ne seront pas jugés par un tribunal américain. Mais ils sont déjà jugés par l'Histoire et par l'Humanité tout entière. Paix à l'âme de la petite Abir Janabi et à toute sa famille.