«A toute diminution de la liberté de la presse correspond une diminution de la civilisation ; là où la presse libre est interceptée, on peut dire que la nutrition du genre humain est interrompue», (Victor Hugo). Le 3 mai, le monde célèbre la Journée mondiale de la liberté de la presse. Comme à l'accoutumée, les journalistes, leurs syndicats, les organisations internationales professionnelles, les autres ONG défenseurs des libertés et droits humains... marqueront cette journée par des bilans, des classements, des appels aux gouvernants pour tout ce qui concerne la liberté de la presse. Cela traduit bien combien la liberté de la presse demeure, non seulement exposée à tout moment à l'arbitraire des despotes, mais peut en tant que redoutable outil de propagande servir à son tour, soit le despote à réprimer la liberté de penser et de dire, soit servir le pouvoir démocratique à sauvegarder la justice et la paix. Que ce soit dans la proclamation de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, amendée en 1793 et 1795 ou dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme de l'Onu en 1948, ou encore dans les Constitutions nationales de tous les pays du monde, la liberté de la presse est revendiquée, mise sur piédestal, sacralisée. Et pourtant... jamais la liberté de la presse n'a été aussi menacée, instrumentée, utilisée par bien des pouvoirs à des fins non avouées qu'en ces temps modernes, où les nouvelles technologies de la communication et d'information ont ramené le vaste monde à la dimension d'un « village », où tout se sait et où tous se parlent. Les théoriciens classiques lui ont attribué le rang de quatrième pouvoir (aux côtés de ceux législatif, judiciaire et exécutif) dans l'organisation des sociétés démocratiques. Ont-ils eu tort ? Non. La liberté de la presse, lorsqu'elle est acquise et exercée avec responsabilité, est incontestablement un puissant levier de progrès et de renforcement de la démocratie et des autres pouvoirs de l'Etat que sont le judicaire, le législatif et l'exécutif. Elle participe ainsi à l'évolution de la société vers sa propre liberté, vers son épanouissement et son bonheur. Au final, les sociétés et pouvoirs politiques qui protègent la liberté de la presse, se garantissent une paix forte et durable. A l'échelle d'un pays, le rôle de la presse dans l'instauration de la justice sociale et la paix est capital lorsque sa liberté est garantie et qu'elle est exercée de manière professionnelle et éthique. Aussi, l'appel du président Abdelaziz Bouteflika à la presse nationale pour qu'elle s'investisse dans la lutte contre la corruption et la promotion de la paix n'aura de sens et d'effet que si la presse nationale ne soit pas sous la menace permanente de la censure, des tribunaux, des forces politico-financières, des maffias ou encore sous les intimidations du pouvoir politique lui-même. A titre d'exemple, la presse peut être le lieu privilégié pour un débat national libre sur la grande problématique politique algérienne, celle de la réconciliation nationale, donc de la paix. Question vitale pour la paix en Algérie, la réconciliation nationale, y compris avec l'option d'une amnistie générale, n'a pas de meilleur lieu de débat que celui de la presse, d'autant plus que le président a promis un référendum national là-dessus. Sur un plan plus large, à l'échelle internationale et à l'heure de la mondialisation, la presse est intégrée dans les stratégies diplomatiques et la défense des intérêts des Etats ou groupe d'Etats. L'on parle aujourd'hui de presse occidentale qui sert les desseins géostratégiques des grandes puissances occidentales, par opposition aux aspirations du reste du monde, particulièrement celle du monde arabo-musulman. Et ce n'est pas un hasard si l'UNESCO a décidé, en cette année de 2009 (2 et 3 mai), de célébrer la Journée mondiale de la liberté de la presse à Doha (Qatar). Un pays musulman, sous le slogan « Dialogue, compréhension mutuelle et réconciliation ». Parce que l'ONU a conscience que seule la garantie de la liberté de la presse à travers le monde est à même de favoriser le dialogue interculturel et interreligieux dans le monde. En reconnaissant l'importance capitale d'une presse libre pour la construction de la paix, l'UNESCO (l'ONU) part du principe que les animateurs de la presse, c'est-à-dire les journalistes, sont capables d'assumer la responsabilité de leur mission. Non pas que les journalistes sont, par nature, au-dessus de tout soupçon et de preux chevaliers de la paix et de la démocratie, mais qu'ils leur revient de mettre en place des normes éthiques et professionnelles, et surtout de les respecter comme un sacerdoce. Car, les journalistes ne sont pas tous à l'abri de la tentation du diable. Chez nous, est-il nécessaire de rappeler l'urgence d'un Haut Conseil des médias représentatif des journalistes ? Faut-il relever l'importance de la mise en place au sein des rédactions de «Conseils d'éthique et de déontologie» ? Souhaitons que cette 16ème commémoration de la Journée mondiale de la liberté de la presse (elle a été instituée par l'AG de l'ONU en 1993) puisse être l'occasion de réfléchir comment nous libérer des débats stériles - qui font l'affaire des pouvoirs non démocratiques - pour nous consacrer sérieusement à honorer la mission qui est la nôtre, celle d'informer en toute liberté.