La politique peut avoir certaines tangentes avec le sport. On a des joueurs internationaux, mais pas une bonne équipe nationale. On a des ministres, mais pas un bon gouvernement. On a des opposants, mais pas d'opposition du tout. L'opposition elle, en fait au sein ou en marge du pouvoir ? Est-elle toujours cette minorité qui aspire à la conquête du pouvoir ou bien cette majorité qui s'oppose à un système ? Dans le sens classique et désuet, l'opposition reste définie comme étant une résistance face à un pouvoir. Elle fait l'équilibre dans le rapport de force qui jouxte la pratique de ce pouvoir. En fait, elle ne reflète en général qu'une minorité. C'est cette portion congrue d'une échelle sociale qui, en permanence, par ténacité, constitue une obstination délibérée à l'égard de tout ce qui se réfléchit, s'exécute et tend à s'éterniser de la part d'un pouvoir donné. Ce 09 avril 2009 aurait d'une certaine façon troublé l'ordre classique qui tendait jusque-là à installer sans gêne, dans un rang dit « opposition » une frange minoritaire. La majorité étant celle bien entendu qui détient les rênes du pouvoir. L'on peut ainsi constater, avec assez de difficultés dans la compréhension, que les voix exprimées tentent de prouver qu'ils sont l'opposition. C'est cette « majorité » écrasante qui s'assimile en une force d'opposition à l'encontre de l'autre pouvoir, le système. Campés dans leur diversité derrière Bouteflika, « le candidat indépendant », ils croient fermement en votant de la sorte qu'ils pourront combattre le mal et les vices d'un système. Bouteflika semble incarner pour ces millions de citoyens, le casseur des tabous. Car il est ardu de continuer à croire que c'est celui qui détient le « pouvoir » qui a toute la faculté de changer les choses. On peut être dans la peau apparente d'un détenteur de « pouvoir » sans pour autant avoir la décision et l'autorité qui vous libèrent les mains et l'esprit, afin d'agir en conformité des aspirations profondes du peuple. Le message transmis par ce 09 avril est loin de se contenir tout simplement en une plateforme de revendications sociales, d'enrayer le chômage, de construire plus de logements ou d'atténuer la pression fiscale. Il invoque par sa dimension polymorphe et variée une révolution dans le mode opératoire de la gouvernance, un désir de basculement du pouvoir vers un régime plus participatif et une grosse mue dans les références habituelles, critères de distribution de la richesse nationale et de partage de pouvoir. En somme, les militants de Bouteflika forment une opposition de régime et non au régime. Tous ces électeurs qui, massivement, sans fraude, à la limite peut-être d'une manipulation clairvoyante des chiffres ou d'une décomposition justificative de résultats ont porté haut la barre du taux de participation puis du score faisant triompher le président-candidat, n'eurent qu'un unique et seul souci : isoler le vrai et réel pouvoir. Vote sanction ou vote refuge, ils ne l'auraient pas fait contre les autres prétendants. Le dysfonctionnement de l'Etat, sa mauvaise représentativité, la mal-vie, l'angoisse et l'amertume de tous les jours ont réussi à en faire, discours enthousiasmant du candidat lauréat aidant, des partisans entêtés de l'anti-pouvoir. C'est comme dire que Bouteflika ira combattre ceux qui nous gouvernent. Cette nouvelle donnée de l'orientation du scrutin, tout en créditant à l'unanimisme l'image d'un délivreur, aurait à provoquer des inconvénients de taille. Rallier différemment tous les intérêts dans leur divergence originelle relève d'une largesse céleste. Postuler au règlement inoffensif d'une kyrielle de doléances est aussi une tâche de grande édification nationale. Le génie et la baraka feront une bonne conjugaison d'efforts. Avec le développement de la culture permanente au changement et aux qualités du revirement tactique, l'alliance qui s'est formée autour du noyau central, que seule la personnalité du président en dynamise, croyait élire par ses propres efforts un président déjà fort. Or, la réalité des faits politiques fait percevoir qu'outre le charisme téléprésidentiel, c'est grâce à une prestation oppositionnelle faible, malade, mal partie, divisée et non-crédible, que le régime compte encore longtemps perdurer. Hamas ou le RND, avant l'alliance, étaient au total rapetissement. Ils scrutaient dans l'alliance, un sérum revivifiant qui allait leur permettre, au sortir de leur déliquescence et sans labeur, une nouvelle émergence. Une renaissance due à une adulation sans conviction et inutile. Le président aurait pu massivement s'en passer. Un gouvernement ne saurait être fort qu'aux termes où il aurait en face une opposition aussi forte. Pensante, agissante et impassible. « L'alternative au pouvoir » un slogan bien emboîté par tous les leaders politiques notamment par ceux qui se rangent docilement dans l'opposition classique. Quoi de plus étonnant de voir se réaliser ce mot d'ordre au sein de leurs institutions ? Depuis quand Said Sadi, Aït Ahmed, Soltani, Louisa Hanoune et les autres nouvellement débarqués dirigent-ils sans partage leurs partis respectifs ? Qu'ils s'investissent davantage dans ce qu'ils prônent comme leitmotiv à la succession et au renouvellement des instances ! La démocratie commence à sa porte pour s'étendre aux autres. Le reste du monde algérien finit bien par se lasser de ce personnel arrivé aux frontières de la stérilité. L'infécondité oppositionnelle. Alors, quelle alternative pour une réorganisation synoptique du droit d'exercer le droit à l'opposition ? Il faudrait auparavant faire son mea-culpa. Ne pas se cantonner dans une philosophie vide telle que « agir avec le pouvoir n'est pas composer avec lui » proférée par certains opposants en mal de positionnement. L'opposition, comme le pouvoir n'est pas un état d'âme de dirigeant éternisé et immortel. L'opposition « résiduelle » ou ce qui en reste de ce 09 avril est en meilleure posture maintenant de recompter son parc, réviser ses engins, établir une nouvelle feuille de route. Car elle ne respire qu'à un faible taux.. Elle devra accéder au niveau qu'exige d'elle l'équilibre national comme une force de proposition et une corbeille de menus. Les leçons à tirer sont celles enseignées à leurs adversaires, sur les chapitres de l'alternance au pouvoir, de l'implantation locale, de la clarté politique et de la faisabilité des choses. Pensez-vous que le trotskisme ou l'idéal pagsiste est en mesure de sauver le monde de la mondialisation déferlante ? Que l'islamisme suranné ou le baâthisme culturel puissent avoir le dessus sur le chômage, la mauvaise gouvernance ou la misère de l'intelligence nationale ? Que même le nationalisme restreint, traditionaliste et grégaire, soit apte à faire reculer la pandémie de la harga, de la hogra ou de la contrefaçon morale ? L'impératif réside donc dans cet élan rédempteur qui consiste à remodeler ses tableaux de bords, ses agendas et surtout ses sources d'énergie. On a tous besoin d'une aile-refuge à l'égard d'un pouvoir menaçant. Cela est vitalement indispensable pour la survie du combat. Tous les ex-chefs de gouvernement successifs se sont alignés derrière le silence qui s'éloigne d'une position clairement politique pour contrer le passage de Bouteflika. Qu'ont-ils fait, pour conforter et soutenir en fait et en droit la place de l'opposition lorsqu'ils étaient en charge des affaires publiques ? Ignoraient-ils que les aléas de l'acte politique pouvaient aisément les réduire un jour à néant pour les joindre battus et abattus à la rive gauche du pouvoir ? Quand on s'envole sans péril, l'essentiel sera de penser aux conditions périlleuses de l'atterrissage éventuellement forcé. S'il ne fallait pas assurer la pérennité à un personnel objet d'un héritage dont le président ne semblait pas satisfait, il faudrait de même, pour le salut d'une opposition forte, que la carte politique du pays connaisse un regain de mise à niveau. En effet, tous les micro-partis et les partis en lice dans l'accaparement du pouvoir sont ceux du début de l'ouverture démocratique. Depuis, ce sont les fondateurs qui sont toujours les chefs. La passation de consignes est dure à réaliser entre ceux qui prétendent qu'il s'agit là d'une propriété privée avec les droits d'auteur y afférents et les autres, arguant d'une légitimité organique et politique subalterne. On verra bien les porte-parole et les SG de partis dits d'opposition prendre leur retraite. Ils seront sans doute dans l'opposition mais ne feront plus, au sens pratique, de l'opposition faciale. Ils seront plus utiles dehors que dedans. Une opposition viable, rentable et prospère se devrait d'être, loin des alliances de conjonctures ou des coalitions temporaires et précaires, une idée, une lumineuse idée. De rassemblement, d'union ou de front positif mais pas de refus. L'intérêt commun stratégique dans la durée, l'objectif à atteindre ensemble dans la disparité du moment, seront à même de lui redonner un souffle, voire une longévité combattante. Cinq ans après, Benflis l'aurait su, délaissé, conquis et finalement vaincu, à ses dépens. Où sont les déclarations tout azimut à Khalifa TV de ses soutiens déserteurs avant même que la « bataille » ne finisse ? Où sont leurs apparitions au coude-à-coude lors des meetings qu'il a animés ? Juste une envie éphémère et vindicative, une chicanerie d'embêter l'autre. Sans plus ni moins. Il en est de même pour les malheureux d'avril 2009. Ils vont se taire et se terrer, le temps pour une incantation, voire une supputation dans l'avenir de leur carrière. Ils gardent cependant un semblant de pignon sur rue. L'une avec un autre cheval de bataille : la dissolution de l'APN; un autre pour des trucs de bureaucratie quant à l'agrément de son hypothétique parti, l'un voulant faire ménage intérieur en éliminant tous les zéros de ses comptes, les autres résignés à attendre, comme des lièvres, la prochaine course. Ainsi, le paysage politique national va continuer à revoir ces éléments d'une opposition fragmentaire, remplir un autre rôle : crier, gueuler, dénoncer, à l'instar de leur campagne électorale, des failles sans importance par-ci, d'autres sans incidences par-là. Ce serait ça, la voix opposante. La déroute de l'opposition. Maintenant que Bouteflika est président pour une troisième fois, le prenant à son discours d'investiture, il lui appartiendra en toute latitude de changer de vision dans le choix des hommes nonobstant le maintien du staff gouvernemental actuel et partant, satisfaire ceux qui l'ont élu de voir rejaillir la compétence à la brocante, la jeunesse aux momies et le sourire à la morosité.