Pas facile de nos jours pour un jeune, fraîchement sorti de l'université, de trouver un poste. Très complexe encore de se retrouver, du jour au lendemain, au chômage et de devoir frapper à toutes les portes pour être casé. Cette réalité, amère pour certains, suicidaire même pour d'autres, est à surmonter malgré les surprises et les déceptions que peut souvent réserver le monde du travail. Si, dans le passé, chercher un emploi se limitait juste à rédiger une demande d'emploi et l'envoyer aux différentes administrations et attendre la réponse ; aujourd'hui, ce geste est révolu et le marché de l'emploi tend à instaurer de nouvelles traditions. Mais avec la révolution que connaît depuis plusieurs années le monde du travail et les mutations qui s'y déroulent, l'adaptation aux nouvelles règles s'avère difficile pour les jeunes et les chômeurs. Des initiatives ont été prises, notamment les différents dispositifs mis en place pour aider les jeunes et les plus âgés à trouver un boulot ou créer sa propre entreprise. Mais, côté cour, l'image très soignée et officielle du marché de l'emploi, ainsi que les campagnes menées tambour battant sur les possibilités et les avantages offerts aux demandeurs d'emploi, a été ternie. Côté jardin, les jeunes, qui étaient dans le passé perdus et désorientés ne sachant pas à quelle porte frapper pour déposer une demande, ont aujourd'hui plusieurs adresses pour s'informer et postuler même pour un poste selon leur profil. La création des directions de l'Emploi et des Agences nationales de l'emploi (ANEM) a été une bouffée d'oxygène à travers laquelle les jeunes gardent espoir. La mise en place de plusieurs dispositifs de l'emploi dont l'Agence nationale de l'emploi des jeunes (ANSEJ), l'Agence nationale de la gestion du micro-crédit (ANGEM), la Caisse nationale de l'assurance chômage (CNAC) et le centre de facilitation des PME représentent des opportunités pour tous les jeunes qui veulent créer leurs propres entreprises et devenir chefs d'entreprises. Tel que présenté sur les dépliants et expliqué par les responsables de ces différents dispositifs, avec une dose de sérieux et de rigueur, la chance est du côté de toute personne - même âgée de 50 ans et au chômage - de percer dans le monde du travail. Toutefois, le désespoir finit souvent par prendre le dessus chez les jeunes après l'enthousiasme du premier instant, avant de déposer sa demande au niveau des agence de l'ANEM. Besma et Amel sont venues à l'ANEM pour s'informer s'il y a suite à leur demande d'emploi. Elles ressortent déçues de l'agence. Pas de postes disponibles qui répondent à leur profil. Besma a déposé sa demande en 2005 et Amel en 2007. Toutes les deux diplômées en biologie peinent à trouver un boulot, n'importe lequel. « Nous voulons juste travailler. Nous commençons à être déprimées par cette situation et nous sommes prêtes à accepter toute proposition qui se présente à nous », disent-elles. Salim, âgé de 28 ans, ayant fait une formation dans un centre de formation professionnel a été plus chanceux. Il a pu décrocher un boulot dans une entreprise grâce à des interventions. Il était, certes, inscrit à l'ANEM et avait obtenu une carte bleue, mais pour avoir le bulletin de présentation, il a dû faire des « acrobaties » pour atteindre son objectif. Cette méthode bien qu'illégale, a été le seul moyen, selon Salim, pour être recruté et signer un contrat de travail. Marié et ayant à charge une famille, il ne pouvait pas prendre le risque d'attendre deux ou trois ans avant d'être embauché. Fayçal a été confronté au même problème. Il a été informé par des amis qu'une entreprise recrutait. Il s'est présenté à l'ANEM pour demander le bulletin de présentation. Mais la réglementation impose à l'agence de procéder par ordre de priorité. Celui qui a déposé en premier postule pour le poste en premier. Voulant absolument être recruté par l'entreprise, Fayçal a eu recours à ses connaissances et des personnes bien placées pour ne pas rater cette occasion. Cette situation est redoutée par tous les demandeurs d'emploi. Avec toutes les bonnes intentions et les efforts déployés pour prendre en charge les chômeurs, l'agence de l'emploi ne peut pas satisfaire toutes les demandes et elle doit, en plus, gérer le « phénomène » des recommandations qui, généralement, pollue l'environnement de cette administration. 15 % des demandes d'emploi satisfaites en 2008 à Oran En suivant la procédure légale et en application de la loi 04/19 qui oblige les entreprises à passer par l'ANEM pour le recrutement du personnel, l'agence saisit l'inspection de travail lorsque l'entreprise se présente avec le candidat à l'agence pour demander son recrutement, alors qu'il n'est pas inscrit sur les fichiers de l'ANEM. Cependant, si le nom du candidat figure sur la liste des postulants, explique Mme Ilès, chef des agences de l'emploi à Oran, il sera orienté vers cette entreprise et l'agence impose en contrepartie à l'entreprise d'ouvrir un autre poste pour le demandeur qui devait passer en priorité. Selon les chiffres communiqués par l'ANEM, 70.673 demandes d'emploi ont été déposées en 2008 et 33.472 offres d'emploi ont été faites, ce qui représente un taux de presque 50 % des demandes. La forte demande est enregistrée pour le sexe masculin avec 55.000 postulants contre 16.000 pour le sexe féminin. 18.000 demandes ont été déposées par les jeunes âgés entre 16 et 24 ans. Cependant, concernant les offres d'emploi, le privé est classé en première position avec 15.620 offres, vient ensuite le secteur public avec 8.300 offres. L'offre des sociétés étrangères se place en 3ème position avec les sociétés nationales avec 3.700 offres chacune. Pour les postes permanents, le chiffre se limite à 774 contre 10.200 postes temporaires, soit 10.900 placements au total, représentant un taux de 15 % des demandes déposées. Les certificats de résidence augmentent les chances d'embauche Pour augmenter ses chances d'embauche, les chômeurs ont trouvé une astuce. Se procurer deux ou trois résidences dans des wilayas différentes et pouvoir s'inscrire de ce fait au niveau de plusieurs ANEM en dehors de la circonscription de la wilaya d'origine. Une situation qui pose problème pour l'agence et fausse ses statistiques. En possession de plusieurs cartes bleues, le candidat peut ainsi être appelé pour un recrutement hors wilaya. Pour mettre fin à une telle pratique qui pose problème à l'agence quant à la gestion du stock de demandes, la responsable des agences annonce qu'au mois de juin, une connexion intranet sera installée et il sera, de ce fait, facile de repérer la double inscription et sa suppression du fichier. Reste, cependant, une autre réalité qui peut limiter les chances des jeunes pour décrocher un emploi. Les critères, souvent, « sévères » exigés par les sociétés étrangères lors du dépôt du plan prévisionnel de recrutement ouvrent, en effet, les portes pour faire appel à une main-d'œuvre étrangère. « Il arrive que les sociétés étrangères demandent des technicités, des sous métiers et des spécialités qui sont rares ou inexistantes dans notre pays. Comme il arrive que ces entreprises demandent jusqu'à 25 ans d'expérience. Si la présence de cet employeur étranger en Algérie est pour la réalisation d'un projet dans un délai limité, il peut faire appel à des spécialistes étrangers, mais si une société étrangère vient au pays pour investissement, l'agence de l'emploi négocie ces postes qui demandent une qualification avec l'employeur pour le convaincre de puiser dans la main-d'oeuvre locale », a souligné la responsable de l'ANEM. Face à toutes ces contraintes pour dénicher un boulot dans une entreprise, le problème des spécialités négligées dans le marché de l'emploi fait grincer des dents. Des diplômes tels que les licences en littérature arabe, en philosophie, en allemand ou en russe ne trouvent pas de débouchées. Ces universitaires ont deux choix à faire, soit s'orienter vers le secteur de l'éducation et passer le concours et devenir enseignants, soit faire une autre formation dans les centres de formation qui répondent aux besoins du marché. Cependant, pour les candidats qui se présentent à l'agence sans aucun diplôme ni qualification, leur placement est difficile. Mais le problème a été réglé par la direction de l'Emploi, qui vient de mettre en place un nouveau dispositif permettant un recrutement en masse et donner la possibilité aux candidats sans qualification de bénéficier d'une formation. Deux conventions ont été signées jusqu'à présent avec l'Union générale des commerçants et des artisans (UGCAA) et avec l'Union générale des entrepreneurs algériens (UGEA) qui ont exprimé une offre de 800 postes chacune pour donner, ainsi, la chance aux universitaires, ceux ayant été diplômés des centres de formation professionnelle et même ceux sans qualification de prétendre à un emploi et toucher un salaire. Selon le directeur de l'Emploi d'Oran, « d'autres conventions seront signées avec d'autres organismes. Cela va contribuer à la création d'un maximum de postes d'emploi et permettre au marché de l'emploi de mieux se porter ». Comment ? Le premier responsable de la direction de l'Emploi considère que le marché du travail traverse actuellement une phase de transition, sachant que la mentalité dans le travail a beaucoup changé. « Fini l'assistanat », dira le premier responsable de la direction de l'Emploi. Le monde du travail en Algérie connaît ces dernières années une révolution qui a inversé toutes les habitudes et traditions. Si, dans le passé, la grande tendance était les contrats à durée indéterminée, de nos jours, c'est le contrat à durée déterminé qui est en vogue, même si cela déplait à certains qui veulent la pérennité de l'emploi et la garantie d'une stabilité de longue durée. Or, les mutations qu'a connues le monde du travail à travers les années ont changé la donne et instauré de nouvelles règles où la mobilité dans le travail et le changement de cap, chaque fois que les conditions professionnelles dans une entreprise ne répondent plus aux besoins de l'employé, sont devenus monnaie courante. Micro-entreprise, micro-crédit, tendances et clé sous le paillasson Tous les jeunes sont tentés par la création d'entreprise et avoir ainsi le statut de gérant. Mais, avant de se lancer dans une telle aventure, mieux vaut être « bien armé » car, l'environnement auquel sera confronté le futur chef d'entreprise est hostile avec « zéro tolérance » pour les erreurs. Pour ceux qui ont déjà fait cette expérience et sont sortis vaincus de la bataille, « ce monde peut être cruel, sans pitié et en même temps passionnant, car il ouvre les portes des affaires ». Sans un savoir-faire et une bonne gestion de l'entreprise, les chances d'échouer sont très élevées. Tous les dispositifs mis en place pour aider le jeune à créer sa propre entreprise sont, sur le plan théorique, efficaces et très encourageants. Mais, sur le plan pratique, les jeunes qui ont fait les démarches auprès de l'ANSEJ ont un avis contraire. La défaillance vient-elle des créateurs d'entreprises ou de l'administration ? Les deux parties défendent, chacune à sa façon, sa cause. Une chose est sûre, la responsabilité est partagée. Taux de mortalité très élevé des micro-entreprises L'indice révélateur de la performance d'une micro-entreprise est sa résistance dans le marché au-delà de trois ans. Une fois ce cap décisif de sa survie dépassé, la micro-entreprise est sauvée. Mais rares sont les entreprises qui tiennent le coup jusqu'à trois ans. Généralement, elles perdent le souffle après une année et déclarent faillite avant même leur lancement. C'est le cas de Amine, un jeune qui a fait toutes les démarches pour ouvrir un cybercafé, mais qui a tout arrêté au milieu du chemin à cause des frais demandés, avant même le dépôt du dossier à l'ANSEJ et les difficultés pour avoir un crédit, ceci sans oublier les entraves administratives. Ne pouvant supporter toutes ces charges pour un créneau qui n'est plus porteur, Amine a fini par abandonner son projet, même après avoir acheté tout le matériel. Aujourd'hui, il est appelé à rembourser ses dettes et il ne sait pas quoi faire du matériel acheté et hypothéqué par la banque. Des cas comme Amine, il y en a des milliers. La majorité des jeunes reviennent déçus de l'aventure et découragés par le système bureaucratique. Pourquoi ce taux élevé de mortalité d'entreprises ? Le directeur du Centre de facilitation des PME/PMI d'Oran explique que, parmi les causes d'échec de ces projets, il y a le manque d'information et de formation. La faillite des micro-entreprises est de presque 50 %, estime le même interlocuteur, qui souligne que 14 centres de facilitation sont prévus à l'échelle nationale. Deux sont déjà fonctionnels à Oran et Tipaza. Leur mission est d'accompagner les porteurs de projets depuis la création de l'entreprise jusqu'à son développement. Ces centres vont aider l'entreprises à se préparer face à la mondialisation et résister sur le marché. Quant au représentant de l'ANSEJ, il explique, pour sa part, que les gérants des micro-entreprises déclarent faillite soit à cause d'une mauvaise étude du marché ou à cause d'idées de projet importées ou copiées d'un proche. Une fois le projet lancé, le jeune découvre que ces idées ne répondent pas à ses inspirations. Ceci, bien sûr, en plus du problème bureaucratique dont se plaignent la majorité des jeunes et du financement. Un argument toujours avancé en premier pour justifier l'échec. La nouvelle procédure appliquée par l'ANSEJ pour régler le problème avec les banques a été l'installation d'un comité au niveau de l'agence appelé « Comité local de financement de l'emploi » (CLEF) chargé de valider les projets et de déposer les dossiers auprès de la banque pour avoir le crédit. Ce n'est plus le jeune qui se déplace vers les banques mais le comité qui règle ce problème pour le porteur de projet. Autres nouveautés à l'agence, le jeune est accompagné avant et après la création de la micro-entreprise et même en cas de difficulté pour avoir tout le soutien et la formation nécessaires pour éviter de mettre la clé sous le paillasson. En 2008, l'ANSEJ a financé 480 dossiers. Depuis le début de l'année 2009, 200 dossiers ont bénéficié de crédits pour la création d'entreprises. Quant à l'Agence nationale de gestion des micro-crédits, elle accorde des crédits allant de 50.000 à 400.000 DA remboursables entre 12 et 60 mois. Entre 2005 et 2009, 1.387 dossiers ont été financés pour l'achat de matériel. L'ANGEM se dit prête à aider tous les chômeurs, même ceux n'ayant pas de diplômes, mais de l'expérience, pour travailler. Le marché de l'emploi a-t-il livré tous ses secrets ?