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Algérie – UE: Les Algériens mécontents, les Européens... se plaignent
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 24 - 05 - 2009

«Beaucoup de projets sont en train de se faire. On aimerait vous en informer au moins pour corriger un peu cette image que se fait l'Algérie de l'Europe parce que nous pensons que c'est injuste et ça nous fait mal », se plaignent les diplomates de l'Union européenne.
L'Algérie est mécontente des premiers résultats de la mise en oeuvre de l'accord d'association entré en vigueur en septembre 2005 qui la lie à l'Union européenne. Elle reproche à l'UE son incompréhension face aux difficultés qu'éprouvent ses entreprises à rééquilibrer une balance commerciale qui, selon le représentant du ministère du Commerce, montre que « pour 1 dollar exporté vers l'UE, l'Algérie en importe 20 !».
C'est ce qui a fait dire à un diplomate européen - qui tient à garder l'anonymat pour, a-t-il dit, « éviter toute polémique » -, que « l'accord d'association avec en face des accords commerciaux, je dis que nous avons un vrai problème avec l'Algérie ! ». Qui de plus s'étonne que ce soit « un représentant du gouvernement algérien qui le dit.
Si c'était un patron privé, on comprendrait, mais c'est quand même le gouvernement qui a négocié l'accord, il sait ce qu'il a fait ». Il tient à assurer que « ceux qui ont négocié le mieux, ce sont les Algériens parce qu'ils l'ont fait en dernier, contrairement aux Tunisiens et Marocains qui l'ont fait les premiers. Sachez que votre accord a été très bien négocié. Cela nous a pris des années. Les Algériens venaient encore avec des choses, toujours avec des choses jusqu'à ce qu'ils acceptent de signer ».
Le diplomate remonte le temps pour défendre l'UE en expliquant que « avant l'entrée en vigueur de l'accord d'association, la balance commerciale hors hydrocarbures était déjà largement excédentaire en faveur de l'Union européenne. Après son entrée en vigueur, en un an, les exportations ont doublé, cela veut dire que l'accord est un succès ! Vous étiez donc perdants avant l'accord alors qu'aujourd'hui, vous pouvez accéder au marché européen sans droits de douanes. Oui, mais les Algériens ont des difficultés à placer leurs produits sur les marchés européens.
Nous avons des normes européennes destinées à faciliter l'entrée des marchandises dans nos marchés. Pour exporter leurs produits, il faut que les entreprises se mettent aux normes européennes», dit-on du côté de Bruxelles, non sans noter qu'«il est impossible de dire que les mesures européennes sont appliquées uniquement pour les Algériens. Tous les pays qui exportent vers l'Europe doivent s'y plier».
L'on fait remarquer que « pour les entreprises algériennes, c'est plus facile de vendre sur le marché algérien qui est moins exigeant que celui européen. Mais elles peuvent couvrir le marché algérien et faire des bénéfices ailleurs en se mettant aux normes exigées ». L'exemple est à portée de main : « Expliquez-nous pourquoi les dattes algériennes passent par la Tunisie, qui les expédie ensuite chez nous ! », interrogent les diplomates de Bruxelles.
«L'Algérie, c'est un cas spécial !»
Si du côté de l'UE, on reconnaît que « d'un côté comme de l'autre, il y a mauvaise perception des choses », on affirme cependant que «l'Algérie, c'est un cas spécial. Les Algériens sont compliqués ». L'on pense ainsi que « c'est le victimisme algérien. Et il existe ! »
A Bruxelles, on se défend. «Nous, Européens, nous sommes mal perçus. Pourtant, nous essayons de faire de notre mieux à travers la Commission européenne», disent-ils. Ils tentent de replacer les choses en notant que « c'est un accord qui couvre tous les secteurs. Depuis son entrée en vigueur, nous avons eu ensemble plus de 21 réunions sur tous les secteurs. On se réunit deux fois par an à haut niveau. Nos administrations sont en train de monter des synergies extraordinaires. Et nous avons constaté que vous êtes très performants dans certains secteurs. Cela veut dire qu'on ne connaît pas l'Algérie mais qu'on la découvre à travers l'accord. On pense que vous avez beaucoup de choses à développer. » En quelques chiffres, l'on énumère « les performances de l'Algérie ». Les diplomates européens qui suivent le dossier notent qu'«en 2012, la station d'épuration d'eau sera opérationnelle chez vous. Vous serez ainsi le premier pays de la région à révolutionner la Méditerranée. Vous avez des politiques à proposer ! 800.000 logements réalisés, c'est énorme même s'il reste beaucoup à faire évidement ».
A Bruxelles, on ne ratera pas l'occasion pour juger « inexplicable » la décision algérienne d'imposer 30% de participation nationale dans tout capital étranger. « Il y a beaucoup de confusion là-dessus et beaucoup d'incertitude, » affirme-t-on. On apprendra que « la Banque d'investissement européenne a accepté de donner de l'argent à la chaîne de restauration rapide Quick pour s'élargir en Algérie. » On fait savoir que le volume de projets algériens en cours ou non encore réalisés, financés par l'Europe, dépasse les 500 millions d'euros.
«C'est injuste et ça nous fait mal»
La Commission européenne à Bruxelles pense que pour une bonne reprise économique, il faut que l'Algérie ait un secteur privé dynamique et diversifié. «Nous sommes en train de vous aider pour avoir cette diversification. Beaucoup de projets sont en train de se faire, on aimerait vous en informer pour corriger un peu cette image que se fait l'Algérie de l'Europe parce que nous pensons que c'est injuste et ça nous fait mal !», se plaignent les Européens.
Ils font remarquer que «l'argent que la Commission européenne accepte de débloquer pour financer des projets en Algérie ne vient pas des gouvernements mais de la poche du contribuable européen par les taxes qu'il paie. Nous avons donc une obligation de résultat !». Il est rappelé dans ce cadre que «depuis 2000, nous avons financé plus de 300 associations algériennes qui développent un travail fantastique. On essaie d'être un peu partout, de donner un coup de main». Ils rappellent que «sur la base de l'accord d'association, nous avons conclu récemment un instrument financier de voisinage malgré que l'Algérie n'ait pas voulu approfondir ses relations avec nous dans le cadre de la politique de voisinage que nous avons initiée après l'élargissement de l'UE». Politique qui a été, est-il dit, «pensée pour équilibrer les aides entre l'Europe de l'Est et la rive Sud».
Les Européens tiennent à reparler, à cet effet, des plans d'action qu'ils ont signés avec la Tunisie et le Maroc mais que l'Algérie rejette. « Tous ont dit oui, sauf l'Algérie. Elle a refusé pour une raison très respectable, parce que l'accord venait d'entrer en vigueur », estime-t-on à Bruxelles.
Du côté algérien, l'on avait aussi avancé que les plans d'action européens proposés ressemblent aux plans d'ajustement structurel du FMI. Aucune précision européenne n'a été émise à ce sujet. « On n'impose rien. On veut mettre notre expertise dans les secteurs choisis par votre gouvernement. Nous sommes un grand pool d'expertise à la Commission européenne », préfèrent-ils souligner. Ils continuent leur comparaison en expliquant que «le Maroc a voulu miser sur l'intégration économique à l'Europe. Il a fourni un grand effort d'adaptation, on lui reconnaît ça. C'est une option stratégique, d'où sa demande d'un statut avancé ». Les Marocains ont aussi demandé à être membres de l'UE. « On ne leur a jamais dit non », affirme-t-on en soulignant que « la réponse est un choix politique ». Les Européens rappellent pour la circonstance qu'«Israël l'a demandé (le statut avancé) mais le Parlement européen a dit non parce que le processus de paix n'avance pas ».
«On n'improvise pas comme ça des frappes sur Ghaza»
Tout en soulignant que «nous n'avons pas de politique extérieure commune mais une politique de coopération commune », à Bruxelles, l'on retient que « ce que veut l'Algérie, c'est un meilleur accès au marché de l'électricité en Europe. Mais il y a une résistance de certaines compagnies européennes. C'est que du privé chez nous. On n'a pas encore réglé les problèmes du marché européen. C'est encore en discussion».
Le débat aborde en évidence la libre circulation des personnes. «C'est très délicat, on ne l'a avec aucun pays qui n'est pas membre de l'Union européenne», explique un des diplomates de la Commission européenne à Bruxelles, qui avance même que « Je suis sûr que les Algériens obtiennent beaucoup plus de visas que les Tunisiens et les Marocains. Je pense que le jour où il y aura un vrai développement dans les pays de la région, les choses vont changer». L'explication des restrictions européennes ne sont pas difficiles à donner. «On veut contrôler l'émigration clandestine et la sécurité. C'est donc la peur qui justifie cette interdiction de la libre circulation des personnes», est-il affirmé.
Interrogés sur ce que devient l'Union pour la Méditerranée (UPM), les Européens affirment que «le projet est gelé par les pays arabes !...» Ils précisent au passage que «tous les projets retenus par Paris dans le cadre de l'UPM existaient déjà bien avant (le plan solaire, les autoroutes, la protection civile...). Le seul projet nouveau concerne l'université». Ils s'interrogent plutôt sur l'utilité de «la France d'une présidence mixte arabo-israélienne. Pourquoi on n'a pas cherché à l'avoir, nous ?».
Autre question : pourquoi les Arabes ont-ils accepté de siéger au niveau des chefs d'Etat aux côtés d'Israël ? La réponse des Européens fut : « Parce qu'Israël avait accepté leur plan de paix mais ils doivent savoir qu'on n'improvise pas des frappes sur Ghaza comme ça !». A une question sur ce qu'il advient du partenariat euroméditerranéen, la réponse est donnée sans hésitation. «Au moins un demi-million de personnes qui sont mises en réseau. C'est fabuleux !», s'exclame-t-on.


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