La tonalité du message que Barack Obama délivrera demain au monde arabo-musulman à partir de la capitale égyptienne, Le Caire, sera de la même veine que celle de son discours prononcé début avril en Turquie, premier pays musulman où il s'est rendu en visite après son investiture. A Ankara, le président américain avait exprimé le désir de l'Amérique de se réconcilier avec ce monde arabo-musulman et affirmé «que les Etats-Unis n'étaient pas et ne seraient jamais en guerre contre l'Islam». Pour preuve de la bonne volonté de son pays à aller dans cette direction, il a alors évoqué son intention «d'établir une nouvelle donne entre l'Amérique et le monde arabo-musulman basée sur des intérêts et un respect mutuels». L'énoncé de bons principes et de bonnes prédispositions qu'il a développé à partir d'Ankara a été positivement accueilli dans le monde arabo-musulman. Mais sa seule répétition à partir du Caire cette fois ne sera pas suffisante à lever les préventions que nourrit ce monde arabo-musulman à l'égard de l'Amérique, car échaudé par des déclarations similaires de ses prédécesseurs, mais qui ont au final persisté dans des politiques qui n'ont fait qu'accroître le ressentiment anti-américain. Au Caire donc, Obama doit aller plus loin dans son message à destination du monde arabo-musulman. Il sait que c'est ce qu'attendent de lui les Arabes et les musulmans. Et c'est la difficulté qu'aura Obama : celle de délivrer le message que les Arabes et les musulmans veulent entendre. Pour aussi sincère que soit le geste de main tendue que le président américain a fait en direction du monde arabo-musulman, sa portée risque d'être restreinte par les impératifs pérennes des intérêts géostratégiques américains tels que les conçoit l'establishment des Etats-Unis. Les Arabes et les musulmans ont conscience que Obama a fait preuve d'un courage certain en prononçant des «mots importants» en leur direction. Mais c'est sur ses actes qu'ils jugeront au final de sa position à leur égard. Le président américain a déclaré hier en s'adressant aux Israéliens «qu'être amis, cela signifie aussi être honnêtes». C'est exactement ce comportement que les Arabo-musulmans voudraient que l'Amérique adopte avec eux. L'honnêteté dans ce cas voudrait que les Etats-Unis cessent en ce qui concerne le monde arabo-musulman de l'abreuver de promesses enrobées de bons principes et de valeurs humanistes, et dans le même temps le soumettre à des politiques et des situations qui mènent à sa désagrégation et à sa ruine en tant qu'espace civilisationnel. Il est des Arabes et des musulmans pour croire que Obama est le président américain apte à tenir cet engagement. Qui ne l'espère pas ? Mais la realpolitik, celle qui guide les faits et les actes des hommes d'Etat, ne se dicte pas par les sentiments. Obama dira et fera ce que lui commandera l'intérêt national américain. Aux Arabes et aux musulmans de lui démontrer que leur amitié est nécessaire à cet intérêt et que pour l'obtenir, il lui faut des actes plus que des mots.