La Foire internationale d'Alger est-elle notre vitrine pour les étrangers ou celle des étrangers chez nous ? En d'autres termes, qu'y avons-nous à gagner ou à perdre ? Il s'agit d'abord d'évaluer la place des entreprises algériennes parmi celles dans le monde, investissant dans le même domaine ; ensuite tirer les enseignements quant aux correctifs à apporter à notre appareil de production pour une mise à niveau éventuelle ; et enfin traduire un plan d'actions en mesures à prendre. Une sorte de copiage intelligent, comme aurait dit Benbouzid. Du moins au stade de balbutiement quant aux choix industriels que l'Algérie essaie d'engager depuis que trop de stratèges n'ont abouti qu'à des conflits de visions, pendant que l'industrie ronronne au seul profit des importations et des importateurs. Une manifestation internationale est un concept qui obéit à des objectifs et non un rituel dont on ne peut plus se débarrasser parce qu'il permet tout juste de créer un événement annuel, national et surtout présidentiel. Les chiffres devant leur existence à la manipulation politique, on sait que cette année, 37 pays sont représentés officiellement à cette 42e FIA, dont 30 sont membres de l'OMC, dans laquelle l'Algérie occupe toujours un statut d'observateur, sa demande d'accession datant quant à elle de juin 1987. Pourquoi ce retard ? L'OMC affirme que le gaz algérien est vendu à perte et le ministre du Commerce affirme le contraire en se basant sur ses statistiques analytiques. L'OMC veut que le gaz soit vendu aux Algériens au même prix que dans les pays clients et le ministre du Commerce refuse cette « concession », alors que paradoxalement tous les prix ont augmenté. L'OMC dénonce la levée des taxes à l'exportation, le ministre de notre Commerce refuse, sous prétexte que certaines filières en Europe et aux USA sont identiquement encouragées et nous nous étonnons, nous, peuple d'en bas, qu'il y ait d'autres exportations en dehors des hydrocarbures. L'Algérie reste donc observateur en attendant que l'OMC fasse marche arrière, ce qui paraît contradictoire avec ses principes et ses chartes. L'Egypte, le Maroc, la Tunisie et le Venezuela sont membres depuis... 1995. Les trois premiers pays font partie de la même zone que nous, le MENA, le quatrième est un producteur d'hydrocarbures comme nous. La Chine, qui est le pays le plus représenté à la foire avec 141 entreprises, est membre aussi. Cela ne touche ni à la souveraineté des Etats, ce que l'Algérie a toujours tendance à avancer comme élément de jalousie nationale, ni à la fierté légendaire des Algériens qui n'a pas dépassé le seuil de la bouche dans le meilleur des cas. C'est une question d'intérêts économiques qui font ou défont les fiertés et les légendes des peuples. Et au point où nous en sommes... Mais passons. Puisque nous parlons de souveraineté et de chiffres, sachons qu'en 2008 et selon les statistiques officielles, il y aurait un commerçant pour 28 habitants en Algérie. Ce n'est là qu'un ordre de grandeur cher aux statisticiens. Il faut savoir aussi que notre pays compte plus de 25.500 sociétés d'import-export, véritables vitrines des produits étrangers chez nous entre showrooms et superettes. Les Algériens se sont depuis peu découvert une véritable attirance pour le seul commerce, encouragés en cela par les crédits à la consommation et la rapidité des retours sur investissement. Produire est devenu trop contraignant, nécessitant une maîtrise technologique, une gestion des ressources humaines complexe, une gestion financière qui doit se passer du système bancaire, sauf « recommandations », la galère qui n'en finit pas de se bureaucratiser pour certains et non pour les autres. Maintenant que les lois obligent les investisseurs étrangers à « embaucher » un Algérien dans leurs capitaux, on devine d'avance qui seront les futurs actionnaires et comment ils vont actionner. Comme si nous étions le seul pays à offrir sa terre aux étrangers pour y investir leur argent. Comme si la notion de coûts comparatifs nous donnait gagnant par destin et parce que Dieu nous aime plus que d'autres. Lorsque le ministre du Commerce énonce que « l'Algérie est devenue le dépotoir des véhicules des pays membres de l'OMC », d'abord tous les pays membres ne sont pas constructeurs d'automobiles, ensuite l'Algérie est devenue le dépotoir de tellement de chinoiseries que les pieds de nos enfants puent à distance et même les nouveaux parfumeurs en barbe et kamis n'arrivent pas à les sauver. Ce qu'il faut retenir, c'est que les prétextes pour éviter de s'aligner sur les normes de l'OMC sont devenus obsolètes et sans fondement, en dehors de ceux qui permettent au commerce de bazar de se continuer. Reste la décision politique. Là, il est question d'abord de savoir si nous avons le choix ou pas, si nous sommes réellement souverains ou pas, si nous avons suffisamment d'intelligences pour progresser dans le marché mondial ou pas sans l'OMC. La réponse est tellement évidente dans un contexte de globalisation où les valeurs marchandes poussent les valeurs nationales vers la porte de sortie. La foire, la 42e depuis l'indépendance, demeurera une occasion de plus pour faire de l'Algérie le meilleur acheteur du monde sans savoir vendre en dehors de ses hydrocarbures. Sans savoir vendre une image qui a tout pour plaire si elle avait pu être développée par des mains expertes. Si elle n'était pas tombée entre les mains de forains reconnaissables à leurs baraques en guise d'institutions, d'où ils lancent « on a roulé » pour mieux nous rouler.