Ce qui est étonnant, c'est que les auteurs agissent à distance sans même prendre la peine de se présenter chez les prestataires, en utilisant seulement le téléphone et des messages électroniques via Internet, pour accrocher leurs victimes. Et ça marche ! L'arnaque consiste à soumettre à des agences de voyage choisies, semble-t-il, pas du tout par hasard, des « bons de commande » portant l'entête et le logo du Consulat général de France à Oran pour l'achat de billets d'avion vers des destinations comme Abidjan, Casablanca, Paris, New York ou Washington. Avec comme seule garantie, un document portant le logo du consulat, un document bien évidemment faux, les arnaqueurs réussissent l'impensable. Ils s'adjugent des billets d'avion électroniques, dont la valeur peut atteindre plusieurs milliers d'euros, sans payer le moindre sou, avec seulement un engagement et il est tout aussi «bidon» : payer par chèque dans un délai de six ou de dix jours après l'émission des titres de voyage. Un fois ce délai atteint, c'est déjà trop tard, les billets sont consommés et plus aucune trace des prétendus agents consulaires. A ce jour, trois agences de voyages connues sur la place d'Oran ont fait les frais de cette arnaque aux billets d'avion. Les trois agences ont été sollicitées pour des billets d'une valeur globale de plus de deux millions de dinars. Mais les agences en question n'ont pas perdu la totalité de cette somme. Ayant tous fait le choix de s'exprimer sous couvert de l'anonymat, et cela se comprend parfaitement - car il n'y rien de glorifiant à assumer une telle mésaventure - les victimes admettent avoir été « crédules », même si elles estiment que les escrocs ont fait preuve d'un sens élevé de la persuasion. « J'ai été, dans un premier temps, contacté par mail. Mon interlocuteur s'est présenté comme un responsable consulaire qui voulait passer commande pour l'achat de billets d'avion. On a eu par la suite à discuter plus d'une fois au téléphone. Et franchement, il était très convaincant. Son français était parfait et il semblait bien maîtriser ce type de procédure. Je lui ai confirmé au total six billets d'avion en partance d'Abidjan vers Casablanca et New York, pour une somme totale de plus de 700.000 dinars. Heureusement que j'ai eu malgré tout la présence d'esprit de contacter le Consulat général de France à Oran pour confirmation. C'est alors que j'ai découvert que j'ai été victime d'une supercherie. J'ai perdu la valeur en argent de deux billets déjà utilisés, mais j'ai pu annuler à temps les quatre autres », témoigne, dépitée, l'une des victimes. Ces titres de voyage sont ainsi demandés au profit de soi-disant agents consulaires, avec tout de même une particularité, c'est que ces prétendus agents consulaires portent tous des noms à consonance africaine. C'est ce qui explique que la quasi-totalité des billets demandés sont vers ou en partance de l'ancienne capitale ivoirienne, Abidjan. L'Afrique serait donc au centre de cette escroquerie aux billets d'avion. Même si personne ne peut affirmer aujourd'hui avec certitude que cette extorsion de billets d'avion est l'oeuvre d'Africains, il demeure en revanche avéré, et les cas enregistrés à Oran le confirment sans le moindre doute, que les billets d'avion usurpés sont tous allés au profit de ressortissants africains. En Algérie, on connaissait l'arnaque africaine dite de « la poudre noire » qui transforme, pour ceux qui veulent bien le croire, du vulgaire papier en billets de banque de 1.000 dinars. On connaissait aussi l'arnaque du compte bancaire, où un soi-disant richissime héritier africain sollicite, à travers Internet, l'aide d'étrangers pour pouvoir transférer son « butin » en dehors de son pays en guerre. Quand les victimes découvrent le pot aux roses, il est généralement déjà trop tard car leurs comptes bancaires ont déjà été vidés. Mais cette escroquerie aux billets d'avion qui prendrait comme cible des agences de voyages, elle est a priori tout à fait nouvelle, du moins en Algérie. Car, dans d'autres pays africains, elle est bien connue. Et les cas enregistrés dans certaines villes, Cotonou, Libreville, Brazzaville et N'Djamena, tous durant la période avril-mai, le confirment. Le stratagème est quasiment le même. Des bons de commande portant le logo du consulat ou de l'ambassade de France locaux sont utilisés pour demander des billets d'avion, qui finalement ne sont jamais payés. Des plaintes ont même été déposées par les agences africaines ciblées. Une démarche qui n'a pas été suivie par les agences oranaises, qui restent pessimistes « à ce qu'une quelconque plainte puisse aboutir à quelque chose, convaincus que les auteurs agissent à partir de l'étranger». Ceci n'a pas empêché néanmoins l'ensemble des consulats et de ambassade de France du continent à tirer la sonnette d'alarme en lançant des appels à la vigilance, notamment à l'adresse des agences de voyage. Le Consulat général de France à Oran avait, pour rappel, publié un communiqué dans ce sens pour alerter les agences de voyages locales. Un communiqué qui a évité à plusieurs autres agences de tomber dans le même piège.