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OCS et BRIC à Ekaterinbourg: Les enjeux stratégiques de la dé-dollarisation
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 18 - 06 - 2009

En dépit d'un contexte postélectoral troublé, le président Mahmoud Ahmadinejad a participé au sommet sur la sécurité régionale de l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) en Russie.
Arrivé à Ekaterinbourg mardi dernier, les chefs d'Etat membres de l'OCS ont accueilli Mahmoud Ahmadinejad en tant que nouveau président élu de la République islamique d'Iran. La participation iranienne au sommet de l'OCS traduit bien l'importance croissante d'une organisation dont l'existence même est une remise en cause de l'unipolarité américaine. L'Organisation de coopération de Shanghai créée en 2001, regroupe la Russie, la Chine et quatre anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale. L'Iran y occupe un statut d'observateur tout comme l'Inde, le Pakistan et l'Afghanistan.
A l'origine, les fondateurs de l'OCS souhaitaient atténuer les tensions entre les Etats membres en oeuvrant à la réduction des forces militaires aux frontières et en garantissant l'intangibilité de ces dernières. Mais, très naturellement, l'OCS est devenue un forum politique alternatif à l'ordre américain, unipolaire et hégémonique. Les déploiements stratégiques américains directs ou sous couvert de l'OTAN, au Moyen-Orient, en Asie Centrale et dans le Caucase inquiètent ce groupe de pays qui regroupe 42 % de la population mondiale. Cette fois-ci, c'est sous les sombres auspices de la crise économique globale que se sont déroulés les travaux du sommet en Russie. Le président Medvedev a ainsi mis en exergue le caractère structurellement instable d'un ordre mondial dominé par un centre d'hyperconsommation, soutenu par l'endettement extérieur et disposant du privilège exorbitant de battre monnaie à sa convenance. La mise en cause directe des Etats-Unis est l'expression d'un consensus réel, notamment entre Russes et Chinois, sur la nécessité de sortir, avec le moins de dégâts possibles, du cercle vicieux de la dollarisation de l'économie mondiale. L'ordre actuel contraint affectivement les partenaires des Etats-Unis à soutenir le dollar de crainte que l'effondrement de l'économie américaine n'entraine la disparition d'une partie substantielle de leurs réserves libellées en dollars et constituées pour une large part de bons du Trésor US.
OCS et BRIC
Il est significatif que la fin des travaux de l'OCS ait été suivie d'une réunion des BRIC. La Russie, l'Inde et la Chine, participant à l'OCS, ont été rejoint par le Brésil dans une séance de travail consacrée à la crise mondiale. L'idée de la création d'une monnaie de réserve internationale alternative, défendue par la Russie et la Chine, ne figure pas dans le communiqué final du groupe des BRIC. Les membres de ce groupe ne souhaitent pas, à ce stade, provoquer des remous susceptibles d'affecter des marchés qui restent, dans les meilleurs des cas, convalescents. Mais dans sa déclaration finale lue en présence des chefs d'Etat, le président Medvedev a annoncé que des travaux coordonnés au niveau des experts - les dirigeants des banques centrales - seraient centrés sur la diversification du système monétaire international. Les Russes ont également appelé à la création d'un fonds d'épargne multilatéral où une partie des réserves de change des BRIC serait consacrée à l'achat d'obligation d'Etat des pays membres. La Russie achetant, par exemple, des obligations brésiliennes, indiennes ou chinoises. La proposition, qui a porté un coup au billet vert sur le marché international, n'a pas été publiquement relayée par les autres pays membres qui ont néanmoins fait savoir, c'est le cas de la Chine, qu'ils investiraient dans les émissions multilatérales du FMI. En appuyant la position de l'OCS sur un ordre mondial plus juste, les BRIC revendiquent une influence à la mesure de leur poids dans l'économie mondiale. Cette position, réaffirmée avec force à Ekaterinbourg, illustre une certaine impatience face à la répartition des pouvoirs dans les structures internationales, du FMI au G20 en passant par l'OMC, qui fait la part trop belle à des pays à l'origine de la crise et dont la réalité économique ne justifie plus leur domination sur ces institutions.
Dollar et militarisme
La grande prudence dans la formulation des communiqués, attribuée par les médias occidentaux à des divergences de vue entre Chinois et Russes, illustre l'importance des enjeux. L'approche « monétaire » graduelle adoptée par les membres de l'OCS rejoints par le Brésil, qui vise formellement à éviter d'inutiles convulsions des marchés financiers, a surtout pour objectif de ne pas créer un climat d'hostilité avec les Etats-Unis. La dé-dollarisation de l'économie internationale a des conséquences économiques bien entendu, mais surtout des implications stratégiques fondamentales. Le privilège exorbitant des Américains à battre monnaie de réserve internationale leur donne les moyens de financer à perte de vue leurs déficits et leur permet surtout un développement ininterrompu de leurs capacités militaires globales. L'encerclement du monde mis en oeuvre sans relâche par les Américains et leurs alliés de l'OTAN est perçu comme une menace directe par des pays qui contribuent, bien malgré eux, au renforcement de cet arsenal en mettant en danger dans le même mouvement leurs réserves financières. Nombre d'experts s'interrogent sur la capacité des Etats-Unis d'honorer la formidable dette de 4 trillions de dollars due au reste du monde. Ces mêmes experts observent que le déficit budgétaire américain est essentiellement comblé par l'épargne internationale à laquelle on ne rend aucun compte. Dans les faits, le militarisme américain est subventionné par les pays émergents. Les orientations stratégiques affirmées par l'OCS et le groupe des BRIC - densification des échanges entre pays membres et utilisation de leurs monnaies pour le règlement des transactions - s'inscrivent dans une logique de sortie ordonnée de l'hégémonie du dollar. L'OCS estime que cette approche combinée à l'instauration progressive d'une monnaie de réserve internationale est la voie la plus appropriée pour contraindre les Etats-Unis à prendre des mesures de discipline financière. La réduction des dépenses militaires figure bien sûr en tête de liste des objectifs stratégiques. Les Américains, qui n'ont pas été invités à Ekaterinbourg malgré leur demande express, entendront-ils le message ? Rien n'est moins sûr.


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