Solidement ancré dans les us et coutumes de la population du sud-ouest du pays, le Maoussim de Sid-Cheikh (Waâda, Tâam, peu importe son appellation), est célébré chaque année et à la même période, juste après les moissons-battages, avec faste à El-Abiodh Sid-Cheikh, lieu où repose depuis 1616, date de son décès, la dépouille du vénéré saint patron de la ville, dont l'aura dépasse les frontières du pays au nord et même celles du sud, enjambant ainsi l'Afrique sud-saharienne. C'est dans une ambiance festive, ponctuée par une série de cérémonies autour de chacune des 7 koubas, abritant les sépultures des 7 enfants descendants de l'illustre saint Sid-Cheikh, que se déroule ce maoussim qui remet en selle l'une des pratiques les plus anciennes qui ont marqué l'histoire de cette ville et que même l'acte funeste du général Négrier, qui a dynamité le mausolée, en représailles à l'insurrection de Cheikh Bouamama (1864 à 1881), n'a pu déraciner. Qui est Sid-Cheikh ? De son vrai nom Sidi Abdelkader Ben Mohamed, dit «El-Kermami», né vers 1543 et décédé en 1616, fut, selon l'un de ses descendants directs, M. Kadda Sid-Cheikh, éminent historien, l'élève et plus tard le disciple de plusieurs maîtres soufis, tel que Sidi Moul Shoul, qui lui inculqua les doctrines du soufisme. Sidi Abdelkader Ben Mohamed, dit Sid-Cheikh, accentua au soufisme ses lettres de noblesse, car très tôt prédisposé aux études coraniques, pour lesquelles il parcourut le pays et s'exila hors des frontières. Son insatiable appétit pour les connaissances humaines et ses surprenantes dispositions dans le recueillement et la piété ont largement contribué à sa notoriété de saint le plus vénéré de son époque. Décédé en 1616 suite à des blessures sur le front contre l'envahisseur espagnol dans la région d'Oran, il retourna dans sa région natale où il rendit l'âme. Une blessure à l'aisselle due à un sabre lui a été fatale. Ce saint et vénérable disciple de la confrérie soufiste, qui désigne le mysticisme de l'Islam avec ses aspects spirituels et ésotériques, a fondé une nouvelle voie, la «Djazoulia», qui s'étend jusqu'aux confins du grand Maghreb arabe. Des centaines, voire des milliers d'hommes et de femmes, venus des contrées les plus lointaines et les plus profondes du pays, de Tizi-Ouzou à Tamanrasset et de Tiaret à Témouchent, se sont donnés rendez-vous ce week-end à El-Abiodh pour rendre hommage au saint Sid-Cheikh. Des troupes folkloriques et des fantasias venues de divers horizons et dont la plus célèbre, la fantasia des Guenaridj, descendants de Sidi Yahya Ben Abdallah et disciples de Sid-Cheikh, animent les chauds après-midi sous un soleil de plomb. Les zaouïas ont certes pris en charge des milliers de pèlerins. Toutefois, l'unique structure hôtelière, qui porte d'ailleurs le nom de Sid-Cheikh, dotée de toutes les commodités nécessaires, n'est pas arrivée pas à contenir le flux des visiteurs. La dernière journée de vendredi, point d'orgue de ce maoussim, a été marquée par la lecture de versets du Saint Coran tout autour de la tombe du saint Sid-Cheikh, une cérémonie de ferveur et de piété qui a duré jusqu'au lever du soleil. Le medh a été également à l'honneur et a eu droit de cité durant ces trois journées. Une manière aussi de rendre hommage à Sidi Abdelkader Ben Mohamed et à ses illustres fils et plus particulièrement au héros de l'insurrection des Ouled Sid-Cheikh, Cheikh Bouamama, évoqué par l'excellent orateur cheikh zaouïa de Skhouna, dans sa longue kacida «Azouni ya nass fi Cheikh elli rah», devant une assistance émue. Un hymne à la gloire du martyr qui a tenu la dragée haute à toutes les colonnes de l'armée coloniale qui ont mordu la poussière lors de la bataille de Tazina. Au revoir et à l'année prochaine autour du mausolée, une promesse faite par Hadj Tiffour, fervent et impénitent disciple de Sid-Cheikh.