L'icône du raï, Cheb Mami, a été condamnée hier, à cinq ans de prison ferme, par le tribunal correctionnel de Bobigny (Paris), pour des violences infligées en août 2005 à son ex-compagne, qu'il voulait voir avorter. Le parquet avait demandé sept ans de prison ferme jeudi. Cheb Mami encourait une peine maximale de 10 ans de prison. Chemisette blanche, visage fermé, le chanteur a pleuré après la prononciation du verdict. Il a ensuite été emmené sous escorte policière. «Nous n'allons pas faire appel», a déclaré Claire Doubliez, avocate du chanteur, affirmant que ce dernier avait accueilli sa condamnation avec «soulagement parce que tout ça est fini, mais aussi avec angoisse parce qu'il va devoir passer 5 ans en prison». Son agent Michel Le Corre est condamné à quatre ans de prison ferme et arrêté à l'audience pour avoir organisé le voyage de la victime en Algérie. Comparaissant libre, il a été immédiatement écroué. Des peines de trois ans et six ans de prison ferme, assorties de mandats d'arrêt internationaux, ont été prononcées respectivement contre Hicham Lazaar, 27 ans, et Abdelkader Lallali, 42 ans, exécutants présumés des violences, qui ne sont pas venus au procès. Absents du procès, ils restent sous le coup de mandats d'arrêt internationaux décernés à leur encontre durant l'instruction. «Quand il s'est constitué prisonnier, il savait qu'il ne venait pas pour un mois et demi de prison», a dit l'avocate de Cheb Mami, aux journalistes. «C'est une peine lourde mais le tribunal a tenu compte du contexte de l'affaire», estime-t-elle. Condamné pour complicité d'enlèvement et de séquestration, violences aggravées et complicité d'administration de substances nuisibles, Cheb Mami est relaxé du chef d'accusation de menaces. Dans ce dossier où il jouait son avenir, le chanteur algérien de 42 ans, de son vrai nom Mohamed Khelifati, est en prison depuis lundi. Il est revenu en France pour faire face à ses juges après deux années de fuite en Algérie. Au terme de l'audience jeudi, peu avant minuit, Cheb Mami a demandé pardon à sa victime. «Je regrette tout ce qui s'est passé. Je lui demande pardon, je regrette», a-t-il dit. Le tribunal retient qu'il était «l'instigateur et l'organisateur» de la séquestration de son ex-amie les 28 et 29 août 2005 dans sa villa personnelle d'Alger. La jeune femme, photographe, était tombée dans un piège organisé par Michel Le Corre au prétexte d'un voyage professionnel. Il a ordonné avec son agent les brutalités infligées toute une nuit par Abdelkader Lallali et deux «avorteuses» non identifiées, dit le tribunal. Le procureur les avaient qualifiées «d'actes d'un autre âge». Pendant le procès, Cheb Mami a par lé de «faute» mais il ne s'était jamais adressé à son ex-amie. «J'étais dépassé par toute cette histoire folle. C'est contraire à mes principes, je n'arrive pas à l'expliquer», a-t-il dit. «J'étais dépassé», a-t-il dit en sanglots. «J'ai fait une faute, c'est grave, le cauchemar. Je n'étais pas dans la villa mais je savais ce qui se passait», a-t-il déclaré. «Je regrette tout ce qui s'est passé. Je lui demande pardon, je regrette», a-t-il lancé après les plaidoiries de ses conseils. Il a rejeté la faute sur son ex-impresario : «C'était l'idée de Michel Lecorre, s'est défendu Cheb Mami, campant sur sa ligne de défense. «J'ai accepté dans la panique. S'il n'avait pas proposé cette possibilité je n'aurais jamais pensé à ça. Mais je n'ai rien fait pour l'arrêter», a-t-il reconnu. Malgré les brutalités, sa victime a pu garder l'enfant, né en bonne santé en mars 2006. En plaidant, l'avocate de la jeune femme a déclaré que cette dernière était encore prête à un apaisement pour leur enfant. «Si dans un an, deux ans, dix ans, il souhaite demander pardon à sa fille, la porte sera ouverte et ma cliente espère que sa fille lui pardonnera», a dit l'avocate. Cheb Mami devrait avec les remises de peine recouvrer la liberté dans un peu plus de deux ans. Il avait avoué en sanglots «sa faute grave» mais soutenant avoir été «piégé». Parce qu'il ne voulait pas de l'enfant que portait sa compagne, Cheb Mami, qui aura 43 ans le 11 juillet, a donc été reconnu coupable d'avoir orchestré un avortement forcé dans l'une de ses villas à Alger. Le chanteur est mis en cause depuis novembre 2005 par Isabelle S., une photographe avec qui il entretenait une liaison. La jeune femme enceinte avait été amenée de force dans une villa d'Alger après qu'elle eut annoncé sa grossesse à Cheb Mami. Une fois dans la villa, elle dit avoir été droguée et avoir subi des violences visant à provoquer, en vain, un avortement. Coupable d'avoir livré la jeune femme, étourdie par un jus d'orange drogué, à ses trois bourreaux, une nuit d'août 2005. Une opération qui échouera : cet automne, leur fillette fêtera ses quatre ans. Après le verdict, la victime s'est dite satisfaite « de voir qu'à travers ces peines d'emprisonnement, le tribunal a compris les violences qu'elle a vécues ». En mai 2007, alors qu'il était sous contrôle judiciaire avec obligation de rester sur le territoire français, Cheb Mami était entré clandestinement en Algérie, d'où il ne pouvait être extradé.