Evaporée, disparue la fantastique ferveur patriotique qui s'était emparée de nos compatriotes après les victoires de l'équipe nationale de football contre celle de l'Egypte puis celle de Zambie. Mais où a-t-on remisé ces forêts d'emblèmes nationaux qui avaient spontanément fleuri dans toutes les rues et balcons de nos villes et villages ? Pour avoir été agréablement surpris par le comportement populaire en cette occasion, nous avons osé rêver que dans la foulée, le 5 Juillet, parce que jour anniversaire de l'indépendance et fête de la jeunesse, allait être un autre moment d'expression de cette ferveur patriotique dont notre peuple venait de démontrer qu'elle l'habitait encore et toujours malgré les vicissitudes auxquelles il est confronté dans l'Algérie de la post indépendance. Il n'en fut rien : pas un de ces drapeaux n'a orné nos façades et nos balcons, pas une démonstration de liesse et de fierté en ce jour anniversaire. La morosité et l'indifférence, voilà ce qu'affichaient nos rues en cette journée qui devrait pourtant attiser l'étincelle de patriotisme qui couve en chacun de nous. Alors se pose la question de savoir pourquoi des matches de football sont les seuls évènements qui parviennent à faire vibrer notre fibre patriotique nationaliste. Bien sûr qu'une victoire de notre pays dans le sport roi et planétaire qu'est le football n'est pas banale et vaut d'être fêtée dans l'enthousiasme et la fierté. Aucune victoire footballistique ne mérite pourtant que sa célébration éclipse celles que nous devons à des dates aussi chargées de messages et de souvenirs que le 5 Juillet ou le 1er Novembre. Si les Algériens se comportent avec autant d'indifférence en ces occasions, ce n'est pas parce qu'ils sont en défaut de patriotisme ou par ignorance de ce dont elles sont le rappel. Mais par refus d'en avaliser l'éhonté détournement auquel leur commémoration officielle donne lieu. La «famille révolutionnaire» a vidé de toute charge émotionnelle la célébration de ces moments phares de notre histoire nationale collective. Elle a instrumentalisé à des fins de pouvoir et d'accaparement mercantile leurs symboliques. En se démarquant de leur commémoration, les citoyens ne font pas preuve d'amnésie et encore moins de rejet des faits historiques qu'elles évoquent. C'est leur façon à eux, pacifique, de démontrer qu'ils ne sont pas dupes de la récupération dont ont fait l'objet les évènements qu'elles datent. Patriotes, les Algériens le sont et le demeurent. Surtout cette jeunesse qui se drape spontanément et sans aucun esprit calculateur de l'emblème national en chaque circonstance où le pays montre qu'il est debout et en mesure de relever les défis quand cela s'impose. C'est triste que le 5 Juillet ou le 1er Novembre sont devenus de simples jours fériés. Tout aussi triste que l'on ait évacué la notion que leur commémoration doit être un moment de communion nationale dans le souvenir, mais aussi dans la liesse et la fierté de ce statut de peuple libre et de nation indépendante dont ils ont été les moments fondateurs. Osons faire encore le rêve que le désintérêt populaire pour la célébration de nos fêtes nationales n'est que passager parce que généré par le refus citoyen de cautionner le monopole du patriotisme dont est coupable la génération encore au pouvoir. Qu'il cédera la place à la ferveur reconnaissante quand ce «hold-up historique» cessera.