Alors que le scénario d'un acte de piraterie ayant ciblé l'Arctic Sea, cargo disparu dans l'Atlantique et retrouvé près du Cap-Vert, semble pour le moins de plus en plus fantaisiste, analystes et éditorialistes multiplient les hypothèses. Dernière en date : « Le cargo Arctic Sea transportait des armes en contrebande et les pirates, qui se sont emparés du cargo, auraient été employés par les services secrets d'un des pays membre de l'UE », a écrit mardi le journal russe Moskovski komsomolets. Selon ce quotidien, «les pirates auraient agi sans même connaître la véritable raison de la prise d'otages, ayant seulement pour mission de s'emparer du bateau et de l'amener à destination ». Officiellement, l'Arctic Sea transportait du bois et avait disparu au cours d'une traversée entre la Finlande et le port de Béjaïa où il aurait dû livrer le contenu de ses soutes. « Les actions des militaires russes pour libérer les otages témoignent que quelque chose d'important et de précieux se trouvait à bord du cargo, les opérations de sauvetage ayant été d'une ampleur démesurée », argumente le journal russe. Cette thèse est aussi partagée par certains médias occidentaux. Quel mobile peut amener les autorités russes à déployer de tels moyens ? Moscou n'a pas lésiné, le président Medvedev sommant les forces navales de retrouver l'Arctic Sea coûte que coûte. Tous les bâtiments militaires russes croisant dans l'Atlantique (le Azov, le Iamal et le Novotcherkassk) ont été mobilisés et les sous-marins nucléaires mis en état d'alerte. Du jamais vu depuis la crise des missiles à Cuba dans les années 1960. Tout ça pour une cargaison de bois valant 1,3 million de dollars (920 000 euros) ? Un tel déploiement relance les questions sur la nature du chargement. Des analystes russes rappellent aussi que quelques semaines avant son départ, l'Arctic Sea avait subi des réparations dans un chantier naval à Kaliningrad (Russie), une mystérieuse cargaison aurait pu être chargée à ce moment-là, drogue ou matériaux nucléaires. «Plus le temps passe, plus cela ressemble à une dispute entre des groupes d'intérêts russes», a expliqué à la chaîne britannique BBC, un spécialiste de sécurité maritime. Autre hypothèse avancée par les médias russes : des journaux russes ont évoqué ouvertement une attaque menée par le Mossad israélien. Selon la « Novaya Gazeta », les huit pirates ont vraisemblablement loué leur service au Mossad israélien. Motif : l'Arctic Sea aurait transporté des missiles Cruze-x 55 destinés à l'Iran ou à la Syrie. Selon le journal, la visite, le 18 août, du président israélien Shimon Peres ne serait pas étrangère à l'affaire. Il n'en reste pas moins qu'officiellement, cette visite était prévue. Elle répond à une invitation du président russe Dmitri Medvedev. Une journaliste russe d'opposition, Ioulia Latinina, avait aussi suggéré dans le Moscow Times que l'Arctic Sea «transportait une sorte d'engin nucléaire ou anti-aérien à destination d'un pays comme la Syrie». Le représentant russe à l'Otan, Dmitri Rogozine, a démenti les rumeurs d'une cargaison secrète de l'Arctic Sea. Cette idée avait été avancée par Tarmo Kouts, ancien chef des forces estoniennes de défense, qui estimait que le bateau avait peut-être pour destination finale l'Iran où il devait livrer des missiles de croisière. Yulia Latynina, journaliste russe à l'« Echo de Moscou », présume aussi que le chargement était bien plus sensible : « On pense bien sûr à un approvisionnement en technologies nucléaires illégales à destination de la Syrie ou de l'Iran ». Mais pourquoi un tel trajet quand il est si simple de gagner l'Iran via la mer Caspienne ? Le détournement de ce navire marchand est également perçu comme une affaire d'espionnage. En attendant l'épilogue, Moscou continue de qualifier d'acte de piraterie. L'instruction est menée conformément à la législation pénale en vigueur dans la Fédération de Russie. L'Estonie s'est associée au groupe international chargé d'enquêter sur le détournement du cargo a annoncé lundi le service de presse du Parquet estonien. Le groupe réunit la Finlande, la Suède et Malte. Une vingtaine de pays y participent. Pendant ce temps, l'Arctic Sea a fait, hier, route vers le port russe de Novorossiïsk pour complément d'enquête. Une enquête qui s'allonge pendant que les proches des marins du cargo dénoncent devant les journalistes le fait que, même après la libération du cargo, ils ne pouvaient toujours pas contacter les leurs.