Aucun contact n'a pu être établi depuis le 1er août avec l'Arctic Sea, le cargo qui devait livrer une cargaison de bois au port de Béjaïa. Inquiètes du sort des 15 marins russes qui composent son équipage, les plus hautes autorités de la Russie ont décidé de déployer leurs gigantesques moyens pour retrouver le bateau , apparemment détourné par une bande de pirates. Les autorités russes ont décidé de mettre en œuvre tous les moyens en leur possession pour retrouver l'Arctic Sea, le cargo à équipage russe battant pavillon maltais, qui a mystérieusement disparu le 28 juillet au large du Portugal. Hier, le président Dimitri Medvedev a instruit son ministre de la Défense, Anatoli Serdioukov, l'invitant à prendre «toutes les mesures nécessaires pour retrouver et, si besoin est, libérer» le cargo Arctic Sea, a déclaré le porte-parole du Kremlin, cité par les agences russes. En plus des patrouilles effectuées par des bateaux, des équipements radars russes, y compris dans l'espace, participent maintenant aux recherches, a précisé de son côté un porte-parole du ministère de la Défense, cité par l'agence Interfax. L'Arctic Sea, qui transportait une cargaison de bois finlandais, devait se rendre au port de Béjaïa, où il était attendu le 4 août. Il avait à son bord une quinzaine de marins, tous de nationalité russe. Contacté par nos soins, M. Ayache, directeur de l'exploitation à l'entreprise portuaire de Béjaïa, affirme qu'aucun contact n'a pu être noué avec ce bateau, ni avant ni après la date convenue de son arrivée. Le responsable a indiqué en outre avoir été contacté plusieurs fois par l'ambassade de la Fédération de Russie à Alger qui s'inquiétait du sort de l'Arctic Sea. «Le bateau a l'habitude de livrer du bois à l'Algérie», a précisé M. Ayache, qui dit être complètement médusé par cette affaire. Au niveau de l'ambassade russe, on ne sait pas grand-chose non plus sur ce qu'il a pu advenir du cargo. Piraterie maritime en Europe ? Le mystère entourant le cargo ne fait que s'épaissir après les déclarations, mardi, du porte-parole de la très sérieuse agence maritime et de gardes-côtes du Royaume-Uni (MCA). Ce dernier suggère qu'il serait aux mains de pirates et qu'il aurait traversé les eaux britanniques alors qu'il était sous leur contrôle. Les gardes-côtes britanniques avaient déclaré être entrés en contact avec l'Arctic Sea lorsqu'il a emprunté la Manche, le 28 juillet. Le navire a été aperçu une dernière fois, le 29 juillet, à la sortie du détroit de Douvres. L'Arctic Sea est ensuite signalé le 30 juillet au large de Brest, sur la côte atlantique, à l'ouest de la France. Sa trace est perdue depuis. Mais, selon l'agence Ria Novosti, citant un porte-parole de l'opérateur du navire, la société Solchart Arkhangelsk, le cargo a envoyé son dernier message le 1er août. Le 3 août, l'organisme international de coopération policière, Interpol, a prévenu les Britanniques que le cargo avait été abordé le 24 juillet par des hommes masqués, alors qu'il se trouvait dans les eaux suédoises, dans la mer Baltique. Ces hommes auraient indiqué appartenir à la police antinarcotiques et seraient restés à bord une douzaine d'heures, a ajouté le porte-parole des gardes-côtes. Une précieuse cargaison ? La disparition du cargo laisse perplexes les experts maritimes, qui ne comprennent pas comment de tels faits peuvent arriver sur une des voies maritimes les plus fréquentées au monde. Graeme Gibbon-Brooks, expert maritime, pense que s'il s'agit vraiment d'un acte de piraterie, le mode opératoire suivi est tout à fait nouveau. Intervenant sur la chaîne Sky News, il lui semble probable que le navire se dirige vers la côte ouest de l'Afrique, ajoutant qu'il est courant que des cargos chargés de bois soient détournés et repeints après avoir été déchargés. Nick Davis, qui dirige une société de sécurité maritime, exclut que les pirates aient abordé le navire «en tirant en l'air avec leurs armes» et menacé de tuer l'équipage. M. Davis a précisé à BBC 4 que «bien qu'il s'agisse de piraterie, ça n'a rien à voir avec ce que nous connaissons en Somalie». Pour Marck Dickinson, secrétaire général du syndicat de marins, Nautilus International, «il est inquiétant qu'au XXIe siècle un navire puisse apparemment être aux mains de pirates et naviguer dans les eaux les plus fréquentées du monde sans que l'alerte ne soit donnée et qu'aucun navire n'aille l'intercepter». «Il est incroyable qu'un navire puisse voguer pendant deux semaines sans que personne ne semble connaître sa localisation précise ni sache qui est aux commandes», a-t-il ajouté. Des questions qui demeurent sans réponse et auxquelles il faudrait ajouter deux interrogations supplémentaires : s'il s'agit vraiment d'un acte de piraterie, pourquoi les pirates auraient-ils choisi d'aborder un bateau transportant du bois ? La valeur totale de la cargaison n'excédant pas le million et demi d'euros, les pirates européens seraient-ils moins ambitieux que leurs collègues somaliens, qui s'en prennent, eux, à des chargements autrement plus onéreux, les millions de barils de pétrole des supertankers ?