L'Office national des statistiques (ONS) affirme que le taux d'inflation annuel en Algérie (août 2008 à juillet 2009) a atteint 5,4% alors que le ministre des Finances estime qu'elle ne devrait pas dépasser cette année 4,4%. «L'inflation est de 4%, elle n'est pas importée mais elle est domestique et engendrée par les fortes pressions sur les produits frais et les fortes tensions sur les prix. L'inflation, ce n'est pas mauvais, il faut toujours un peu d'inflation pour l'investissement», a déclaré le ministre des Finances le 16 août dernier à la presse. Auditionné le 27 août dernier par le président de la République, Karim Djoudi a avancé un taux d'inflation de 4,4%. «L'inflation qui avait atteint 4,4 % en 2008, en contexte d'inflation élevée au niveau mondial, devrait rester à ce niveau en 2009», lit-on dans le communiqué qui avait sanctionné l'audition du ministre des Finances par le Président. Comparés aux données fournies par l'ONS dans son communiqué d'hier sur le rythme d'inflation annuel du pays, ni le taux ni la prévision avancés par le ministre ne s'avèrent justes. Hier, l'ONS a en effet fait savoir que le taux d'inflation annuel en Algérie, calculé sur la période allant d'août 2008 à juillet 2009, a atteint 5,4%. Mohamed Bahloul, l'universitaire d'Oran, estime que cette tendance haussière du taux d'inflation est normale «si elle est liée au Ramadhan, elle est donc liée à la forte pression de la demande et de la spéculation». Bahloul conforte ses propos en précisant que la hausse de l'inflation touche beaucoup plus les biens de consommation. L'universitaire note que «c'est un phénomène qu'on remarque particulièrement dans les pays musulmans, dans cette période de jeûne, l'inflation enregistre une hausse et quelque temps après, une baisse en raison de la baisse de la tension sur les produits de consommation». L'ONS recourt d'ailleurs, aux mêmes raisons pour expliquer cette hausse du taux l'inflation. «Un taux engendré essentiellement par la hausse des prix des produits agricoles frais», indique l'office. Sauf que l'ONS relève que pour les sept premiers mois 2009, «et par rapport à la même période de l'année écoulée, l'indice brut des prix à la consommation se situe à 6,1%.» La hausse de l'inflation a bien commencé au début de l'année en cours. L'ONS affiche ainsi «une hausse de 8,7% des produits du groupe des biens alimentaires avec 18,1% pour les produits agricoles frais.» Sur la même période, une hausse de 2,1% a été observée en outre, au niveau des prix des produits manufacturés et une autre de 6,4% pour ceux des services. «C'est la désorgani-sation des mécanismes de régulation» Les économistes pensent qu'il n'est pas normal que les prix locaux des services soient orientés vers une tendance inflationniste dans une période où le reste du monde enregistre des niveaux déflationnistes très bas sinon nuls en raison des effets de la crise financière sur les économies mondiales. Mohamed Bahloul estime que la hausse de l'inflation résulte de la désorganisation des mécanismes de régulation au niveau local. Il est vrai que le Ramadhan met le marché dans tous ses états mais, fait remarquer Bahloul, «pendant les fêtes de fin d'année, les pays occidentaux ne connaissent pas ce phénomène inflationniste parce que l'offre et les structures de distribution s'organisent en conséquence et conformément aux mécanismes de régulation qui restent toujours de rigueur.» Il estime que «chez nous, on peut vaincre ce phénomène à moyen et long terme, en s'organisant tout simplement.» L'absence de mécanismes de régulation et de contrôle est confortée par les données publiées par l'ONS d'autres tendances haussières qui, dit l'institution, marquent l'année en cours par rapport à celle écoulée. Les prix des oeufs ont ainsi augmenté de 30,3%, les poissons frais de 25,7%, la viande de mouton (22,3%), la viande blanche (15,4%), les sucres et produits sucrés (9,5%), les fruits frais (7,7%), les légumes frais (26,1%). La pomme de terre à elle seule a enregistré une hausse de son prix de 6,3%. Les seules baisses concernent les prix des huiles et graisses (-12,33%), du lait, fromage et dérivés ainsi que les prix des produits alimentaires industriels (-0,5%). «Ce n'est pas très grave mais c'est préoccupant» L'ONS fait savoir que pour le mois de juillet dernier, «l'indice des prix à la consommation a enregistré une variation négative, soit -0,3% par rapport au mois de juin, une baisse de moindre ampleur que celle relevée le même mois de l'année précédente (-3,1%).» Ce repli est expliqué par «le recul des prix des biens alimentaires (-1%) en juillet par rapport au moins de juin dernier. L'ONS attribue cette évolution négative, qui intervient pour le 4e mois consécutif, au fait des produits agricoles (-2,8%) notamment les légumes (-5,2%) et les fruits (-49,5%).» En juillet et toujours comparativement à juin, les prix de la viande blanche ont fortement augmenté de 25,9%, les oeufs de 11,9% et la pomme de terre de 15,5%. Les produits alimentaires industriels se sont aussi vendus plus cher de 0,9%. Une augmentation que l'ONS explique par la hausse des prix des huiles et graisses de 3,8% et des sucres et produits sucrés de 2,9%. Les produits manufacturés et des services ont évolué respectivement de +0,3% et +0,9%. Mustapha Mekkidèche, économiste, vice-président du Conseil national économique et social a réagi hier au quart de tour à ce sujet. «C'est inquiétant», nous a-t-il répondu d'emblée à propos d'une inflation de 5,4% comme affirmé par l'ONS. «Il ne faut pas que ça dépasse les 5 ou tout au plus les 6, sinon ça aura un effet cumulatif», explique-t-il. Pour élaguer les effets de la spéculation qui agit en général au cours du mois de Ramadhan, Mekkidèche estime qu'il serait intéressant de suivre les évolutions du taux d'inflation entre septembre et octobre, dépassant progressivement les périodes des dépenses particulières. Si le vice-président du CNES garde la spéculation comme élément agissant directement sur les prix, il fait remarquer cependant que «nos importateurs ne répercutent pas localement les baisses des prix mondiaux sur les prix de vente.» En matière d'inflation, notre interlocuteur fait rappeler que la tendance au niveau mondial est zéro. «Alors pourquoi elle n'est pas en baisse chez nous», interroge-t-il. Il se demande ainsi pourquoi l'Algérie ne connaît-elle pas elle aussi cette désinflation observée à travers le monde conséquemment à la crise financière. Il pense que nos marchés ne sont pas si fluides pour que cette désinflation soit transférée à leur niveau. Il estime que «c'est là le mauvais aspect du protectionnisme qui empêche l'organisation du marché d'être plus transparente et plus ouverte.» Mekkidèche assure qu'un taux de 5,4% d'inflation, «ce n'est pas très grave mais c'est préoccupant.»