Pour justifier le refus du gouvernement à faire «marche arrière» sur les mesures controversées de la loi de finances complémentaire 2009, comme le lui demandent avec insistance les milieux patronaux privés, le Premier ministre Ahmed Ouyahia a mis en avant l'argument que «les intérêts de l'Algérie n'ont pas changé entre juillet (date à laquelle a été promulguée l'ordonnance portant LFC 2009) et septembre (moment où il s'est exprimé sur le sujet)». Ouyahia a usé de cette formule choc pour donner à comprendre que l'exécutif n'a pas agi dans cette affaire dans l'improvisation et que les mesures qu'il a édictées sont destinées à «sauvegarder les intérêts de l'Algérie». Sauf que déclinée en des styles variés et souvent par lui-même puisque bénéficiant d'une longévité exceptionnelle dans la haute sphère exécutive, la formule a été systématiquement martelée pour justifier précisément des revirements de la politique économique gouvernementale, qui ont eu pour conséquence désastreuse d'installer la méfiance dans les milieux d'affaires nationaux et internationaux quant à la cohérence de la vision qu'ont les gouvernants algériens de la pérennité des intérêts du pays. Comment en effet ces milieux peuvent-ils admettre que les mesures en question procèdent d'une ligne stratégique clairement arrêtée privilégiant les intérêts de l'Algérie, alors que celles qu'elles abrogent ont été elles aussi prises en leur temps et justifiées par le même argument. Sous prétexte de remettre «les pendules à l'heure» par exigence de conformer la règlementation et les pratiques du monde des affaires à des règles favorables à l'économie et aux finances du pays, l'exécutif se distingue par une versalité dans ses options en la matière qui confirment le point de vue contraire de celui défendu par le Premier ministre, à savoir qu'effectivement les intérêts de l'Algérie changent trop souvent, brutalement, et sans les raisons et explications qui rendraient lisible la nécessité d'une telle versalité. Soyons clairs : les dernières mesures contre lesquelles s'insurgent le patronat privé et certains experts s'inscrivent effectivement dans une volonté de protéger l'économie nationale, les réserves financières de la nation et la production nationale. Ce n'est donc pas parce qu'il les a décidées que nous émettons des réserves et des critiques à l'encontre de l'exécutif gouvernemental. Celui-ci est à critiquer pour la raison que ses initiatives en matière d'intervention dans la sphère économique relèvent plus du replâtrage sous la contrainte de réalités qu'il n'a pas su anticiper et dont ses mesures précédentes ont précipité la survenance. La gestion de la chose économique telle que la pratique l'exécutif gouvernemental consiste le plus souvent à défaire ce que des décisions prises hâtivement et sans réelle maîtrise des logiques économiques instaurent de négatif et dont les conséquences néfastes ne sont constatées par les pouvoirs publics que quand les intérêts du pays apparaissent à l'évidence sérieusement affectés. C'est cela qui fait que ces intérêts sont perçus comme changeant au gré des «humeurs» des décideurs par les milieux d'affaires. Quoi qu'en dise de contraire le Premier ministre.