La crise mondiale, par son envergure et sa propagation sans égal, a atteint un degré d'altération avancé, principalement dans la sphère sensible de la finance et sans épargner le tissu économique et social. Tel un tsunami par son onde de choc, sa violence, la crise mondiale a fait, comme chacun le sait depuis, des ravages sur son passage, au point que les bases de l'ensemble des sociétés se trouvent fortement ébranlées. C'est pourquoi le G20 entame à Pittsburgh, aux Etats-Unis, le 24 et 25 de ce mois de septembre, un nouveau sommet consacré à un mode opératoire attendu plus conséquent et plus énergique pour mettre en particulier d'aplomb le secteur vulnérable de la finance et pour enrayer d'une manière générale la récession économique. Certes, au stade actuel, il est possible de considérer que la crise mondiale a livré de nombreux de ses secrets, mais les multiples diagnostics pertinents qui se développent sans cesse, bien qu'ils ne soient pas avares sur les possibles moyens à même d'appréhender la genèse de la crise, ne semblent pas entièrement boucler la boucle sur ce phénomène grandeur nature. S'agissant par exemple de la fiscalité en raison de l'enjeu qu'elle présente dans la vie économique et sociale, elle ne manque certainement pas d'avoir un impact à un niveau ou un autre sur la crise mondiale. Aussi, pour tenter de comprendre davantage la problématique de la crise mondiale, le plan du présent développement se déclinera de la manière suivante : - le G20 et la crise mondiale (A), - les causes de la crise mondiale (B), - l'approche fiscale de la crise mondiale (C), - l'opportunité d'une stratégie alternative pour la sortie de crise (D), - le cas de l'Algérie au regard de la crise mondiale (E). LE G20 ET LA CRISE MONDIALE A la différence de la crise de 1929 à laquelle chaque pays touché était confronté quasiment en «solo», en revanche pour la crise qui sévit actuellement, tous les pays qui ont été touchés en premier lieu tendent à intervenir en coordination, ce qui est, somme toute, positif. Il ne fait aucun doute que les Etats comme les grandes organisations internationales déploient de grands efforts pour mobiliser tous les voies et moyens à l'effet d'apporter une réponse appropriée à la crise mondiale qui a entièrement déstabilisé l'économie de marché. Tout indique qu'il n'est pas facile, comme par un coup de baguette magique, de trouver en un temps record des solutions miracles pour remédier aux retombées fortement négatives. A ce titre, le Sommet du G20 (1) se tient à Pittsburgh les 24 et 25 septembre en présence, comme précédemment, des vingt leadeurs respectivement des pays les plus industrialisés et des pays émergents, représentant dans leur ensemble au moins 80 % de l'économie mondiale et avec, bien entendu, la participation des organisations internationales comme notamment la Banque mondiale et le FMI. Le G20 est appelé à se pencher, après avoir évalué la situation de morosité actuelle qui n'est pas faite pour rétablir la confiance durement mise à l'épreuve, sur l'élaboration d'une feuille de route quant aux stratégies de sortie de crise à mettre en oeuvre. Ce sommet sera une grande occasion pour dresser dans un premier stade un bilan des actions massives déjà engagées pour résorber la crise et parmi lesquelles trois principales méritent de retenir l'attention et elles ont consisté en substance à : - ajuster les pièces maîtresses du puzzle désarticulées, celles des finances et de l'économie pour les réactiver avec, à la clef, des sommes considérables provenant des finances publiques et donc au frais des contribuables, y ont été injectées pour éviter le risque d'implosion, - forger des outils plus performants permettant une architecture adaptée des mécanismes de supervision de nouvelles règles d'assainissement de la finance mondiale, - dégripper les rouages du secteur de production par suite mal en point, pour tenter de le booster. S'il faut porter un jugement sur ces mesures importantes prises par le précédent G20 à Londres en avril de cette année, d'aucuns affirment avec une certaine conviction, qu'elles constituent une avancée historiquement remarquable, en ce sens qu'elles ont réussi à créer une sorte de synergie ayant permis de mettre tout au moins sur les rails la locomotive de l'économie mondiale. Il est vrai que pour l'instant quelques timides reprises économiques se manifestent ici ou là, accompagnées par le redressement des Bourses et cette toute petite embellie est saluée dans différents milieux, ce qui incite à penser à tort ou à raison que le pic de la crise commence à être dépassé. Toute la question se pose dès lors de savoir si ce sont là effectivement des signes annonciateurs d'une reprise durable effective ? Certains experts s'interrogent tout de même sur l'efficacité des plans de sauvetage mis en place pour la sortie de crise, par le G20, le FMI, la Banque mondiale et l'ONU pour contrer la crise mondiale. Deux attitudes sont observées, en l'occurrence, toujours d'après les indicateurs controversés, à savoir tantôt l'une relativement optimiste et tantôt l'autre reste réservée, en s'exprimant ainsi en substance : - d'une part, pour la majeure partie des institutions monétaires mondiales, la reprise est relativement imminente et la possibilité d'un retour à la croissance s'annonce pour en début 2010, en s'appuyant sur une accumulation de «signaux positifs» témoignant d'une stabilisation progressive de l'économie dans le monde, - d'autre part, pour certains experts, les résultats attendus laissent encore un sentiment d'inachevé et les chances d'amélioration de la situation sont encore hypothétiques et même les risques de rechute n'ont pas disparu totalement. Comme la logique de l'économie table toujours sur le long terme, alors que la logique le marché financier en revanche table toujours par sa libre volatilité sur le court terme, ce qui rend ainsi le jugement sur la crise mondiale emprunt d'une dose prudence. Certes, les mesures prises dans l'urgence, jusqu'ici, sont à même de limiter quelque peu les conséquences de la crise, mais elles visent tout au plus à donner un certain répit avec la perspective de mise en oeuvre d'autres mesures plus appropriées permettant de renouer effectivement avec la croissance économique Comme baromètre des difficultés de reprise, le secteur de l'emploi qui reste grippé avec un chômage qui prend au fur et à mesure une propension inquiétante à telle enseigne que les grands efforts déployés ne sont pas parvenus à y remédier, mais bien au contraire, ce qui induit non seulement un grand malaise social, mais aussi un grand coût social. La prétendue moralisation des banques montée déjà à grande médiatisation, a lamentablement échoué, dans la mesure où la rupture avec les anciennes pratiques qui ont contribué à la formation de la crise mondiale, n'a pas été définitivement consommée à leur niveau, puisque certains établissements financiers à défaut d'obligations qui leur sont imposées, ont réhabilité au plus fort de la crise les mêmes habitudes d'action qui prévalaient avant la crise. Ceci confirme l'adage «chasser les mauvaises habitudes ancrées, elles reviennent au galop». Encore que sur ce plan, il semble que le consensus n'est pas acquis d'emblée, tant il apparaît que les Américains et les Européens, dont l'influence est respectivement prépondérante, sont partagés sur la position à adopter en la circonstance, tant le lobbying du secteur bancaire conserve sa forte influence. S'il faut décrypter la réunion des ministres des Finances et des responsables des banques centrales qui s'est déroulée le vendredi 4 et samedi 5 septembre à Londres, les pays semblent intervenir en ordre dispersé par rapport à leurs profondes divergences. En effet, les pays émergents s'attachent surtout à la réforme du Fonds monétaire international (FMI) en demandant une augmentation de leur quote-part, donc de leurs droits de vote, et de leur participation au sein des instances dirigeantes du Fonds et quant à l'Union européenne, elle entend accélérer la régulation financière, alors que les Etats-Unis sont préoccupés davantage par les questions macroéconomiques. Dans ces conditions, l'entente entre les pays en ce qui concerne l'objectif commun consistant à décourager les pratiques spéculatives et encourager le financement de l'économie dite réelle, ne semble pas être collectivement acquise. A titre d'exemple, sur le point central de la rémunération variable, rendue responsable de la crise, les désaccords sur le plafonnement des bonus persistent, car autant la France, l'Allemagne et quand la Grande-Bretagne, du bout des lèvres, se prononcent sur la fixation d'un seuil butoir, autant les Américains sont sur le fond toujours «hostiles» au principe du plafonnement de ces rémunérations variables, alors ils ont été parmi les premiers à monter au créneau précisément sur la question. C'est dire que la crise mondiale s'avère être un chantier vraiment délicat et à cet égard, le G20 semble afficher, en prévision du sommet de Pittsburgh, un front uni, et en dépit de l'existence de certains tiraillements sur certains points comme, notamment, l'abandon de la mise en place d'un mécanisme d'encadrement des bonus et la réforme en vue de donner une plus grande place aux pays en développement au sein de ces deux organismes du FMI et de la Banque mondiale différée. C'est ainsi qu'ils se sont entendus sur le diagnostic notamment en ce qui concerne la levée des mesures de relance mises en place, d'un montant évalué par le groupe à 5.000 milliards de dollars, mais le temps n'est pas encore favorable pour la réaliser. De même, ils ont défini les principaux dossiers au menu de ce sommet, à savoir : la réforme des institutions financières internationales, la limitation des rémunérations des banquiers, les sanctions contre les paradis fiscaux et la sortie sans dommage de la récession. LES CAUSES DE LA CRISE MONDIALE Il est fait état des causes de la crise à travers différents prismes, notamment d'ordre structurel et conjoncturel. LES CAUSES D'ORDRE CONJONCTUREL DE LA CRISE MONDIALE Jusqu'ici les projecteurs se sont portés principalement sur les causes immédiates de la crise et nettement apparentes dans la partie apparente de l'iceberg, ciblant en premier lieu l'effondrement du marché des prêts hypothécaires à risque et provoqué par le système d'une ultra financiarisation. Pour le rappeler, le point de départ effectif de la crise mondiale, se situe aux Etats-Unis précisément au coeur du secteur réputé le plus réglementé, à savoir celui du crédit à la consommation. En effet, le crédit dit subprime a consisté pour essayer de doper l'activité économique à introduire à dessein des assouplissements par la Banque centrale et le Gouvernement en matière de règles de prêts et de baisse de taux d'intérêt au profit des ménages surtout de condition modeste et généralement réputés matériellement insolvables. Suite à l'excès de liquidité qui en est résulté fatalement, il s'est formé la bulle immobilière qui, en s'appuyant sur la spéculation, a provoqué en chaîne une série de faillites des établissements du secteur bancaire, ce qui a enclenché en raison des réseaux financiers interconnectés, un effet de boule de neige dans le monde entier. Il convient de souligner que le terrain a été propice au développement de ce genre de phénomène et pour causes notamment : - les marchés financiers qui ont pris l'habitude de verser délibérément dans la spéculation financière, en profitant de la liberté des marchés, ce qui n'a pas manqué aux acteurs financiers de se livrer à une gestion peu transparente, faisant ainsi fi délibérément de l'autorégulation sur la base de réglementations nationales régies par des normes fondées ; - les places financières internationales étant interconnectées grâce à l'apport des technologies modernes de l'information et de la communication, permettent d'opérer d'une manière instantanée dans le monde au quotidien des masses considérables d'opérations de transfert, au point que les Etats n'étant pas dotés de moyens aussi sophistiqués ne se trouvent pas en mesure d'en arbitrer ou d'en contrôler efficacement la régularité. Comme la liberté dans la manipulation des mécanismes du marché a des limites, tout le potentiel productif en a été fortement touché au regard de la contraction de la production industrielle et du ralentissement de l'investissement international auxquels s'ajoutent l'assèchement du volume des échanges, le craquement du domaine financier avec le bouleversement drastique en si peu de temps des valeurs boursières, etc. La faute en incombe aux Etats concernés pour avoir voulu se montrer neutres vis-à-vis du monde de la finance, en s'abstenant d'exercer en temps réel leurs prérogatives régaliennes, ce qui aurait pu leur permettre d'opérer des encadrements indispensables, comme cela devrait l'être normalement en principe dans toute République ou tout Etat démocratique réputé comme tel. Or, le manque de contrôle de la régulation qui s'en est suivi, a été le moteur déclenchant des dérapages sur dérapages, au point qu'à présent les Etats ne savent pas comment ils peuvent valablement maîtriser ce déferlement. Si les opérations spéculatives ont joué un rôle important dans l'éclatement de la crise économique, il n'en demeure pas moins qu'il existe des causes historiques bien plus profondes. LES CAUSES D'ORDRE STRUCTUREL DE LA CRISE MONDIALE La crise mondiale n'est pas une génération spontanée et qu'en tout cas, elle ne peut s'accommoder de sortes de raccourcis tendant à se focaliser essentiellement sur les causes immédiates, en faisant abstraction de la réalité du processus dans sa véritable dimension. C'est l'accumulation des causes conjoncturelles à répétition qui a fait que les causes sont devenues avec le temps des causes stratifiées. A noter que les principes fondateurs de l'économie libérale ont été au nombre de six, à savoir : - la propriété privée des moyens de production ; - la liberté d'entreprendre ; - le libre-échange, au niveau international ; - la libre concurrence et, donc, la lutte contre les monopoles ; - l'existence d'un cadre juridique clair et stable ; - la présence de règles du jeu identiques pour tout le monde. Un tel contexte est normal, sauf qu'il est accompagné d'une série de dérèglements qui ont été les stimulants de la crise, comme notamment : - l'abolition des frontières géographiques et politiques, ainsi que celle des barrières tarifaires avec l'abaissement des barrières tarifaires et la forte délocalisation qui s'en est suivie, - la « marchandisation » de toutes les activités humaines, en privatisant les services publics les plus essentiels pour la population fragilisée, avec la mise en cause des systèmes de protection sociale qui ont servi jusque là comme un acquis historique de l'Etat-providence dans les pays démocratiques, - l'accroissement des inégalités entre ceux qui apportent leur travail et perçoivent leurs revenus salariaux et ceux qui bénéficient des surprofits très majoritairement tournés vers les mécanismes de rémunération à l'excès du capital par les distributions à outrance des dividendes aux actionnaires, au détriment non seulement de la rémunération du travail, mais aussi de nouveaux investissements productifs créant de nouvelles richesses, ainsi que de nouveaux biens ou de nouveaux services, - la gratification abusive des dirigeants avides du bénéfice de bonus sans commune mesure, - la tendance des détenteurs de capitaux de se mettre en quête des rendements immédiats sur les marchés des actions, de l'immobilier et des produits de base et dans des placements dans les actifs à risque, - le détournement des banques de leur mission première, celle visant à être au service de l'économie, consistant à distribuer des crédits aux entreprises qui créent en tant que microcosmes, la valeur ajoutée pour concourir au démarrage de l'économie, alors qu'elles préfèrent s'adonner à des activités à risque sur le marché à l'effet d'accroître leurs bénéfices avec le concours bien rémunéré des traders, d'où le risque du « quitte ou double », - la prolifération des paradis fiscaux gérant d'une manière occulte des masses de fonds considérables en dehors de toute législation fiscale et des normes internationales en matière d'échanges d'informations fiscales. Le tout a abouti forcément à un processus de dérégulation et de déréglementation prônée avec exaspération par l'économie ultralibérale, qui ne pardonne pas. D'ailleurs, des signes avant-coureurs par des crises cycliques quasiment régulières tous les dix ans, sans que singulièrement il soit porté suffisamment d'attention pour s'apercevoir qu'elles annoncent l'orage d'une véritable crise fortement dommageable, comme celle subie actuellement. C'est dire que le libéralisme financier a entretenu avec le temps une matrice qui ne peut produire que des dérives dans les fluctuations qui, en étant livrées à elles-mêmes en absence de régularité et de contrôlable, ont contribué à la complication de la crise mondiale. A suivre * Ex-Expert international en fiscalité