Les systèmes financiers des pays de la région Mena n'ont, jusqu'à présent, pas été particulièrement exposés à la crise, en raison de leur intégration limitée au sein des institutions financières mondiales. Toutefois, les effets de la récession mondiale sur l'économie réelle se font fortement ressentir dans de nombreux pays de la région. En effet, la crise devrait engendrer une augmentation de la pauvreté au sein des pays de la région Mena. Avec un nombre important de personnes vivant légèrement au-dessus du seuil de pauvreté, tout choc extérieur peut influer sur la prévalence de la pauvreté. D'après Auguste Kouamé, économiste principal intérimaire de la région Mena au niveau de la Banque mondiale, des signes précurseurs indiquent, dans nombre de pays, une réduction des taux de croissance au cours du dernier trimestre de l'année 2008. Dans tous les pays de la région Mena, hormis le Qatar et le Yémen, les prévisions de croissance pour 2009 sont inférieures aux taux de 2008. Selon les estimations, la région Mena devrait enregistrer dans l'ensemble un recul substantiel avec une croissance de 3,3 % en 2009, contre 5,5 % en 2008. Les effets de la crise se ressentent au-delà des agrégats économiques. Dans certains pays, les ménages et la population active ont été directement touchés. Les effets de la crise financière mondiale sur les marchés boursiers de la région Mena varient considérablement d'un pays à l'autre. Les premiers effets se sont fait sentir dans les pays ayant des liens étroits avec les marchés financiers mondiaux. De manière générale, les indices boursiers régionaux ont chuté d'environ 50 %. Ceux des pays membres du CCG ont baissé de 30 à 60 % au cours du dernier trimestre 2008. En réaction, les pays membres du CCG ont annoncé différentes mesures et différents mécanismes de renflouement pour maintenir les liquidités et soutenir leurs marchés boursiers. Les marchés boursiers des pays ne faisant pas partie du CCG ont également baissé mais certains indices, notamment ceux du Liban et de la Tunisie, ont plutôt bien résisté. Les fonds souverains ont essuyé des pertes sur leurs investissements dans des institutions financières mondiales. Les fonds souverains comprenant une forte proportion d'actions, de valeurs sur les marchés émergents et de capitaux privés peuvent avoir perdu jusqu'à 40 % de la valeur de leurs portefeuilles entre décembre 2007 et décembre 2008. Toutefois, les fonds souverains disposent encore de réserves appréciables. À l'exception d'une banque koweïtienne qui a essuyé d'importantes pertes suite à des transactions sur des produits dérivés à la fin de 2008, le secteur bancaire de la région Mena a, jusqu'à présent, été épargné, essentiellement du fait de son intégration limitée au sein des institutions financières mondiales. Toutefois, de nombreuses banques se montrent prudentes dans leurs décisions de prêts. Cette situation entraîne un resserrement du crédit dans certains pays. La crise financière mondiale a eu un effet immédiat à l'échelle mondiale sur l'accès au financement extérieur. Les marges ont augmenté dans le cas des emprunts des sociétés et des fonds souverains sur les marchés émergents. Toutefois, le resserrement du crédit a eu des effets beaucoup moins prononcés dans les pays de la région Mena que dans d'autres régions en développement. Puisqu'ils disposaient de balances des paiements relativement saines au début de la crise ou de sources alternatives de financement pour couvrir les grands déficits de leur balance courante, comme par exemple les envois de fonds des travailleurs émigrés, l'investissement étranger direct (IED) ou l'aide extérieure, les pays de la région Mena peuvent, depuis la mi-2008, s'abstenir de faire appel au marché pour injecter des capitaux. Toutefois, en raison du resserrement mondial du crédit et des marges qui restent élevées, il n'est pas certain que les pays de la région Mena soient en mesure d'accéder aux marchés obligataires souverains en 2009. Selon des experts en économie, les conséquences économiques du ralentissement mondial varient selon le degrés d'intégration économique des pays. Certaines régions et produits de base se voient très affectés. La capacité de réaction d'un pays dépend de la position initiale de ses comptes financiers et extérieurs, de l'ampleur de sa dette publique et de sa capacité institutionnelle à mettre en œuvre des politiques macroéconomiques et structurelles adaptées. Quel est l'impact de la crise sur l'Algérie ? L'Algérie, comme l'Irak, l'Iran, la Libye et la Syrie, font partis des pays exportateurs de pétroles, comptant une population plus importante par rapport à leur richesse pétrolière. Bien que l'Algérie exporte du pétrole et en tirent des recettes élevées, le pétrole lui assure, selon la Banque mondiale, une richesse par habitant moindre. En outre, ces pays exportateurs de pétrole, dotés de fortes populations, se trouvaient au début de la crise dans des positions financières et extérieures plus faibles que celles des pays membres du Conseil de coopération du Golfe. Selon les prévisions, leurs excédents fiscaux et courants devraient enregistrer un recul substantiel en 2009, en raison d'une contraction de leurs recettes fiscales et de leurs excédents commerciaux sous l'effet de la baisse des cours pétroliers. Les pouvoirs publics rencontrent des difficultés pour honorer leurs engagements sociaux de long terme, tels que leurs programmes de subventions et d'allocations sociales. Les pays disposant de réserves suffisantes se voient contraints de les utiliser (cas de l'Algérie) et ceux pâtissant de réserves limitées mettent en œuvre des mesures de contraction fiscale (cas de l'Iran). Selon les estimations, leur croissance économique devrait enregistrer une baisse, même si elle ne devrait pas être aussi notable que celle des pays membres du CCG. En Algérie, comme dans d'autres pays de la région Mena, il y'a un ensemble d'efforts qui doivent être faits. Selon Auguste Kouamé, la crise financière mondiale peut donner l'occasion de réorganiser les programmes mal ciblés des filets de protection sociale et autres programmes sociaux afin de dégager des ressources pouvant bénéficier aux pauvres et aux personnes profondément affectées par la crise. Les pays devraient encourager les projets régulateurs de la vie économique par le jeu des stabilisateurs automatiques. Par exemple, les programmes d'allocations sociales, reposant sur une enquête sur les ressources des éventuels bénéficiaires, connaîtront une expansion naturelle et doivent être financés durant les périodes de crise. Les programmes de travaux publics avec des salaires inférieurs au marché peuvent agir comme stabilisateurs automatiques. Afin d'être prudents, les pays peuvent envisager de prendre de façon préventive des mesures de sauvegarde en matière fiscale en vue d'augmenter les recettes ou de réduire les dépenses. En outre, il y a lieu d'éliminer les contraintes et les obstacles à la croissance à long terme. Afin de faire face à la récession mondiale le Groupe de la Banque mondiale agit sur plusieurs fronts. Les prêts de la BIRD ont été accrus pour répondre aux besoins en financement de nos clients à revenu intermédiaire. L'IFC a également élargi son programme de financement du commerce pour aider les pays en développement exportateurs à accéder au crédit commercial. De plus, la Banque mondiale met ses connaissances à contribution afin d'aider ses pays clients à effectuer un suivi de leur développement économique et social, à examiner les scénarios et les politiques possibles, à concevoir des politiques d'intervention appropriées et à mettre en œuvre des réformes en cette période difficile. Ouzna Mesroua