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Les ombres de Novembre
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 29 - 10 - 2009

Pour un certain nombre de générations d'Algériens et Algériennes, le 1er Novembre 1954 représente le début de la fin d'une époque. Cette dernière définie de nuit coloniale était condamnée à laisser place à la période du jour symbolisant l'apparition de la clarté.
C'est à ce titre que Novembre s'inscrit dans le subconscient de la nation algérienne désormais renaissante pour d'autres destinées promues par l'Histoire. Comme, en quelque sorte, une pénible traversée effectuée dans un long et sombre tunnel, représentant des épreuves et noirceurs, lequel nécessairement se terminerait par l'aboutissement défini en la délivrance et de la lumière. Cette année, nous le fêtons sous le signe d'un chiffre couple : 55 ans déjà !
Avant le déclenchement du 1erNovembre 1954, celui désigné en cycle prérévolutionnaire depuis, notamment, les années trente du précèdent siècle et dont il se basait sur « l'octroi » de droits sollicités par des personnalités et autres organisations humanitaires d'ici et d'ailleurs, notamment après la deuxième guerre mondiale, auprès d'un système inique et, donc, de non droit ; ainsi que par des propositions de réformes, dont les élections douaristes , de la part d'élites politiques nationales disparates voire antagonistes car manipulées par les forces coloniales conservatrices et de ce fait, récupérables à chacune selon ses penchants, accointances, bas intérêts personnels, et qu'elles se dirigeaient toutes en fin de compte directement droit au mur. Une terrible impasse !
A cet effet, un des novembristes avait eu l'amère constatation, dans ce sens, en surveillant selon les directives du MTLD - Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques - les « élections » effectuées à l'ombre des manigances des Beni ouiouiste : un ramassis de guennours - enturbannés - et de burnous coloriés en bleu, blanc, rouge. Et des ultras colonialistes. En un mot, une cohorte clownesque. Ce fils de la Toussaint, dépité par ce fatras d'imbécillités et de décors exaspérants, n'hésita pas à quitter son lieu d'affectation de supervision de ladite élection de 1948, pour élire des soi-disant représentants du peuple algérien, et complètement déçu il rentra la mort dans l'âme vers sa ville natale située à plus de 30 Km. A pieds ! Quelles étaient ses pensées durant tout au long de ce trajet ? Dieu seul le sait ! Il s'agit du coordinateur de l'organisation révolutionnaire et membre dirigeant du comité dit des 22, le défunt Président Mohamed Boudiaf mort assassiné la veille de la commémoration de la fête de… l'indépendance en 1992.
Son autre compagnon le défunt Mostefa Ben Boulaid, membre influent du comité des 22, premier responsable FLN/ALN de la Wilaya 1, assassiné lui aussi dans une ténébreuse opération militaire coloniale combinée tout au début de la lutte armée. Lui aussi était complètement dépité par les agissements du système colonial. Outre sa privation abusive d'un droit commercial acquis à la suite d'efforts personnels, d'une part et, surtout, qu'il a été profondément touché par les agissements humiliants des tabors marocains, entre autres soldatesques, à la solde de l'armée coloniale dans les Aurès, d'autre part. Ainsi, il était convaincu que seule la voie des armes, qu'il avait fit venir de partout par ses propres moyens, est l'unique issue salutaire pour le peuple. Il l'avait affirmé à M. Vincent Monteil, l'envoyé du Gouvernement général d'Algérie de l'époque, venu le visiter en prison et enquêter en même temps sur les motifs et l'organisation du soulèvement. Le défunt lui répondit : « vos injustices ».
A la veille du congrès de la Soummam il fut éliminé par une bombe dissimulée dans un transistor, après son évasion rocambolesque de la prison de Constantine, par un dénommé Kratoff des services spéciaux de l'armée française, d'autant plus qu'il était tout désigne pour être à la tête de la révolution au plan interne.
Le troisième fils de la Toussaint, lui aussi assassiné après l'indépendance dans les années 1970, le défunt Krim Belkaçem, d'extraction caidale, était considéré comme le lion de la majestueuse montagne du Djurdjura. Chef historique de la wilaya 3, il n'avait cessé depuis les années 1940 de braver la police coloniale. Son grand mérite fut l'organisation efficace de la lutte armée dans ladite wilaya et même sa périphérie. Comme plus tard l'avait fait, et sur un tout ordre de discipline révolutionnaire, son successeur le défunt colonel Amirouche mort au combat libérateur. Il était l'un des organisateurs du congrès de la Soummam tenu le 20 août 1956 dans sa wilaya, et ce, un mois avant le rapt de l'avion dit des Cinq. Un nouveau tournant pour le peuple algérien en proie aux pires manigances dont les prémisses de toutes les nouvelles formes de « bleuîtes » coloniales non moins redoutables pour le FLN /ALN. Il était le Chef de la délégation qui avait eue l'honneur de signer les accords d'Evian avec la France désormais désenchantée mais bizarrement non convaincue à ce jour notamment pour certains de ses complexés vis-à-vis du verdict de l'Histoire, consacrant pourtant tous les droits aux français d'Algérie mais, pour diverses raisons et ombrageux calculs d'intérêts dépassés, ils n'en tenaient pas compte et quittaient massivement, chantages de l'OAS et les vendettas dans tous les sens y aidant, la terre qui les à vu naîtrent, grandirent et jouirent du beau climat du sud de la méditerranée et des richesses notamment agricoles , et ce, quelques semaines après le 5 juillet 1962.
Le quatrième considéré, à juste titre reconnu d'ailleurs par les ténors de l'armée française, comme le théoricien de la révolution algérienne et un courageux martyr, est Larbi Ben Mhidi membre du comité des 22. Après sa capture à Alger, il fut atrocement torturé puis lâchement étranglé par le tortionnaire Aussares avouant, récemment, son crime commandé pour des considérations qui restent, cependant, à élucider quant à son élimination expéditive. Chef de la Wilaya 5 regroupant pratiquement tout l'ouest Algérien, il participa au congrès de la Soummam tout en apportant, lors de la rédaction de la plate-forme avec le défunt Abane Ramdane mort assassiné par ses pairs, une terminologie révolutionnaire particulière réorganisant sur de nouvelles bases le processus de la lutte armée. Un grand tournant aussi bien du coté positif que négatif en termes organisationnels. Ainsi vont les révolutions avec leurs hauts et bas moments ! A une question, de la part d'un journaliste européen, sur les méthodes utilisées par la guérilla révolutionnaire, dans tous ses sens, posant des bombes au milieu des civils, il répondit : « Donnez nous vos bombardiers larguant des engins destructeurs sur nos douars tuant sans discrimination et, alors, nous vous donnons nos couffins cachant des bombes ». Et à une question sur son arrestation dans ledit appartement en plein centre d'Alger, il répondit : « J'aurais dû ne jamais y mettre les pieds ». Une phrase lourde de sens !
Le cinquième, premier responsable FLN/ALN de la wilaya 2, est le défunt Mourad Didouche mort au combat dés les premiers mois du déclenchement de l'insurrection. Natif d'Alger comme l'autre figure de proue et non moins théoricien de la politique libératrice à savoir le défunt Mohamed Belouizdad décédé à la suite d'une longue maladie. Le défunt Didouche Mourad était cultivé et plein de modestie. Son action fut déterminante lors de la préparation de la réunion des 22. Méconnaissant, cependant, l'ambiance de son lieu d'affectation - le nord constantinois - qui était un véritable chaudron en termes de caractéristiques liées à la population, pauvreté rurale, et bien d'autres particularités naturelles et socioculturelles ardues que le défunt martyr en saisissait peu la portée. Il tomba dans une embuscade fatale ourdie par les forces de gendarmerie coloniale liée au bachaghisme actif dans la région. Le 20 Août 1955 est une réplique, en quelque sorte, d'une région traumatisée par tant d'injustices, de brimades et de lâchetés de la part des accointances colonialistes. Son successeur Zighout Youssef subira le même sort.
Le sixième fils de la toussaint, et membre du comité des 22, le défunt Rabah Bitat a été affecté en tant que responsable de la wilaya 4 englobant presque tout le centre du pays. Originaire du constantinois il dut accepter son affectation comme l'avait fait son compagnon ci-dessus désigné. Il rencontra d'autres difficultés en raison de la présence importante de colons, dans l'une des plaines la plus florissante du pays voire la première au monde - la Mitidja -, et de leurs forces armées. Malgré ça, les actes de sabotages furent retentissants, et ce, grâce au renforcement par la wilaya 3 qui lui est limitrophe sur tant de points d'une part et, d'autre part, de l'impact et ses multiples conséquences générées par une zone de prédilection aux yeux de la colonisation la considérant comme l'œuvre - modèle - exemplaire et représentative de leur présence. Ce qui est vrai si on considère, toutefois, que ce sont des mains noires d'autochtones qui l'ont façonné tout en sachant que ce sont les « pieds noirs » qui l'ont fouler aux…pieds en terme d'exploitation minière ! Enfin, il fut un homme sincère, modeste et surtout profondément peiné par les agissements absurdes voire contre patriotiques lors de la décennie 1990 avec son lot de malheurs. Il l'avait dit, en toute franchise, à qui de droit.
Et enfin les trois autres de la délégation de l'extérieur à savoir : Le président Ahmed Benbela vivant, Hocine Ait Ahmed vivant, et Mohamed Khider mort assassiné après l'indépendance. Ces quelques types ci-dessus succinctement profilés sont représentatifs de tant d'autres aussi bien vivants que disparus. Chaque militant de la cause nationale traîne son ombre comme un boulet défini en souffrance, abnégation, en sacrifice mais, également, de fausseté, lâcheté, de faiblesse et de retournement. Le tout jugé, d'une façon ou d'une autre, par l'Histoire y compris dans l'au-delà. C'est ainsi ! Rares sont ceux qui ont échappé aux défigurations et autres tentations maléfiques en somme « normales » dans ce type de révolution ou seul le peuple a le dernier mot. A l'image des 10 millions d'Algériens et Algériennes qui ont dit majestueusement, en 1960, 1961, 1962, par le biais des grandes manifestations populaires qui ont marqué les esprits d'ici et d'ailleurs, en les termes suivants : Non aux incohérences et tergiversations de part et d'autre, Oui pour la Liberté et l'Indépendance de la seule nation aujourd'hui, malheureusement, et malgré elle, en face à d'autres « colonisabilités » en termes de difficultés générant des carences non moins sournoises et de plus en plus exaspérantes voire humiliantes. Un exemple, parmi d'autres, allant dans ce sens, est représenté par un fait défini en réaction de la part du ministre français des affaires étrangères, à l'encontre des déclarations d'un dirigeant algérien se rapportant au passé colonial de la France, et ce, à la veille de la dernière « visite d'Etat » du président Sarkozy dans le pays. Il avait publiquement humilié le ministre des anciens moudjahiddines, et par ricochet tout le pays, en les termes suivants : « Qui est cet individu qui se permet d'exiger des comptes à la France ? » De l'arrogance pure ! Toujours à ce sujet, un ministre algérien soi-disant de souveraineté avait répondu publiquement, via la télévision nationale, à une question sur le niveau de gravité de ce fait, ci-dessus rapporté, lié à la souveraineté justement : « je ne sait pas, et si cela est arrivé comme vous le dite ledit ministre français n'aurait pas dut en parler sinon s'en excuser » ( ?). Pourtant toute la presse nationale en parlait en grandes manchettes ! Alors demander cette semaine « réparation » sur les crimes commis par la France coloniale durant plus de 132 années, c'est vraiment de la pure hypocrisie sinon du vain chantage « politico diplomatique » lié aux bas intérêts et autres calculs conjoncturels de surcroît. Il aurait mieux valu demander immédiatement, en son temps, des excuses publiquement sur les mots déplacés voire gravissime dudit ministre français emporté, quand a lui, par une hargne nostalgique d'une autre époque : Un terrible complexe ! Ce serait déjà beaucoup pour les souverainetés nationales respectives si elles consolident les intérêts réciproques des deux peuples notamment leurs jeunesses aspirants à regarder voire s'élancer vers d'autres horizons notamment pour celle des pays de la rive sud de la méditerranée.
A l'image des peuples maghrébins. Dont la Tunisie qui vient, cette semaine, de réélire son président en place depuis 25 ans soit cinq mandats successifs. Les derniers arguments, présentés par les adeptes endurcis d'un tel système de gouvernance, sont la stabilité de la Tunisie et ses multiples essors socioéconomiques, dont la liberté de la femme et l'Agriculture, réels effectivement ce qui n'est pas rien mais qu'en revanche ce n'est pas tout, qu'ils comparent à ceux de notre pays certes rongé par l'instabilité a cause, d'après leur point de vue, de la liberté de la presse et le multipartisme ergotent-ils. Ce qui a permis de donner de l'eau au moulin des laudateurs pivotant autour du sérail « carthaginois » de trouver l'échappatoire idéale par exemple comparatif et donc de perdurer dans ce chemin non moins dépourvu d'embûches. De notre part, nous disons que c'est plutôt l'unicité de pensée et l'esprit dictatorial qui prévale dans un pays et qu'il ne peut l'être dans un autre. C'est comme ça !
Malgré tout et en dépit de toutes les maladresses, aussi bien au niveau de la gouvernance de moins en moins efficiente, que de celui d'abus de pouvoir dont certains sont impardonnables voire condamnables ; il n'en demeure pas moins que les ombres de Novembre reviennent cette semaine nous rendrent visite, et ce, pour nous faire rappeler le passé afin qu'on s'inscrit sereinement dans le présent et, enfin, nous redonner de l'aplomb, confiance en nous même et de l'espoir pour l'avenir. Ils le font à chaque 1er Novembre ! Donnons leur, donc, l'hommage qu'ils méritent pour leur ultime sacrifice. Sans fioritures, ni excès de langage surtout !!
(*) Tous les faits et dires relatés dans ce texte sont référencés


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