Qui de nous n'a pas eu le corps envahi par la chair de «coq» en entendant le chant patriotique «Min djibalina». Cet hymne au soulèvement qui a incité les algériens au combat pour la liberté en provoquant dès les années quarante l'extraordinaire exaltation de la fibre patriotique, méprisant le monde d'ici-bas, et rêvant d'une patrie angélique. «Min djibalina talaâ saout el ahrar younadina lil istiqlal» (De nos monts a fusé la voix des hommes libres pour nous appeler à l'indépendance). L'intonation de ce premier couplet nous poursuit comme une ombre, à chaque célébration de la journée du déclenchement de la guerre de libération. Cet hymne à la liberté vient rappeler à notre insouciance rouillée que des hommes ont délaissé famille et fortune afin que le sort de ce pays ne soit plus sous le joug d'un colonialisme sans vergognes. Benboulaid, Ben M'hidi, Boudiaf et les autres dix neuf se sont réunis et ont décidé que l'Algérie et ses enfants doivent aspirer à la liberté. «Tadhyatouna lil watan, khaïroun min el hayat» (Notre sacrifice pour la patrie vaut bien plus que l'existence) Ce n'était point une charge sémantique déléguée à un quelconque refrain problématique, combien de combattants, parcourant les maquis et bravant à mains presque nues la lourde armada coloniale, se sont-ils sentis galvanisés par ces paroles historiques? La vaillance et le courage de ses Hommes ont prévalu et la voix de l'histoire nous habite de nouveau et nous murmure que l'Algérie a enfanté une race d'homme que rien ne pouvait arrêter. En revoyant l'itinéraire de la voie du combat, par écran cinématographique interposé, du grand architecte de la révolution Benboulaid, on se dit dans son for intérieur que l'amplitude d'un tel dévouement pour la patrie nous parait aujourd'hui utopique et hors de portée de nos aspirations «arithmétiques» qui se sont laminées au fil des années nous réduisant à des pantouflards aigris et pétris de faux-semblants et de faux-fuyants Ce grand révolutionnaire humble et courtois pouvait mener tranquillement une vie de bourgeois, comme il pouvait aussi troquer sa stature de chef révolutionnaire auprès de l'occupant sanguinaire. Il a choisi avec ses illustres compagnons, la voie des humbles, celle qui a mené ce pays aux rivages de la sérénité et à la terre promise de la liberté. Qu'avons-nous fait en retour si ce n'est que de se remémorer brièvement qu'il était une fois la révolution !, pis encore !, prosaïquement penser - flemmardise de fonctionnaire oblige - que ce 1er novembre chômé et payé ne pouvait être aussi convenant avec ce tout nouveau weekend semi-universel. Quel gâchis !? Une trempe pareil d'hommes, comme les dépeint Paul Valéry : «les grand hommes meurent deux fois, une fois en tant qu'hommes et une fois en tant que grands» s'est-elle tarie. Au rythme où vont les choses, cela tend à perdurer dans les interminables discours creux qu'on entend ça et là et qui ressemblent beaucoup plus à de sinistres langages de bois qui ont déjà causé tant de ravages dans les rangs d'une jeunesse déboussolée, laissés-pour-compte en rade qui musardent ou cloisonnent les murs de la cité. L'océan devenant luge et le rafiot comme dernier refuge. Cette jeunesse emblématique - considérée à tort comme amnésique-, qui vient nous rappeler à chaque fois, l'étendard enraciné au coeur et au corps, après les victoires cette fois-ci de onze historiques gaillards sur les champs de bataille des arènes. Qu'ils s'identifient à ceux qui se défoncent pour hisser haut les couleurs de ce beau pays et non pas aux mille et une rhétoriques idéologiques hypocrites. One two tree, viva l'Algérie, une expression bien chère à sa jeunesse chérie ! Sinon comment s'expliquer l'engouement de cette même jeunesse pour les films traitant de la guerre de libération tels que la bataille d'Alger, l'opium et le bâton et plus récemment Mustapha Benboulaid ou les matchs de l'équipe nationale ? Ces débordements de liesse sont un revers cinglant pour ceux qui doutent sur les potentialités de cette frange à aimer ce pays. Les vingt deux Grands de notre histoire, eux, ont cru dur comme fer qu'en mettant la révolution dans la rue, le peuple saura s'en saisir. Le retour aux Idéaux des Fils de la Toussaint est impératif car leurs ombres submergent la mémoire de ce pays et leur voix, qui nous dessinent la voie, retentissent à chaque novembre, et viennent nous susurrer qu'il fut un temps ou il y avait des Aigles qui régnaient en maître, surplombant les monts du Djurdura, des Aures, de l'Ouarsenis et de Fellaoucen. Gloire éternelle à nos valeureux martyrs et que nul n'oublie... * Universitaire- Saïda