Ce n?est pas le plus connu des moudjahidine sétifiens ni l?artiste le plus médiatisé. Il est juste ce maquisard audacieux qui a écrit la version définitive de Min Djibalina. Mohamed L?hadi Chérif, que ses compagnons de lutte surnommaient «Si Djennadi», est âgé aujourd?hui de 82 ans. Il vit à Sétif dans une petite maison du quartier de la Gare qui servit de lieu de rencontre des résistants algériens durant la Révolution. L?humble demeure conserve encore les traces des balles françaises. Une fusillade, se souvient M. Chérif, qui opposa, dans la nuit du 27 au 28 mars 1961, un groupe de djounoud à des éléments de la gendarmerie mobile, aidés d?agents en civil et soutenus par des half-tracks qui avaient bouclé le quartier. «A l?origine, c?est Mohamed Laâid Al Khalifa qui a écrit les paroles de ce chant qui n?avait pas encore pour titre Min Djibalina. Avec l?aide du chahid Hassen Belkhired qui a synchronisé le tout, je les ai reprises, popularisées en leur donnant une connotation guerrière, propre à exacerber la fibre patriotique. J?ai ajouté aussi des couplets qui n?existaient pas, en particulier ceux évoquant le nécessaire sacrifice. Et puis, les paroles étaient rédigées dans un arabe littéraire assez peu accessible à l?époque», témoigne Si Djennadi. La musique, même si elle est tirée d?une marche occidentale (Sambre et Meuse) est lÝ?uvre de Mohamed L?hadi Chérif. «C?est une musique que j?ai largement modifiée en ajoutant et en supprimant des notes de la partition originale», confie le vieux maquisard. C?est un personnage extrêmement discret et qui n?avait aucune intention d?ébruiter son ?uvre. C?est Lamine Bechichi, ancien ministre et homme de culture, qui révéla dans son ouvrage Chants patriotiques pour l?Algérie (éditions Sned 1998), l?identité de M. Djennadi et sa participation. «Le 8 Mai 1945, le chant était exécuté par les Scouts musulmans algériens (SMA) qui étaient en tête du cortège. Des dizaines, puis des centaines de citoyens le reprirent. En tombant sous les balles du commissaire Olivieri, l?étendard algérien à la main, le jeune Sal Bouzid, première victime des massacres qui allaient suivre, avait encore Min Djibalina dans les oreilles», se souvient Si Djennadi, ému.