Un mois à peine après l'exploit réalisé par notre équipe nationale à Khartoum, il ne reste plus grand-chose de l'extraordinaire vague d'enthousiasme et de patriotisme qui a submergé l'Algérie en cette circonstance. Certes, la «bande à Saâdane» fait toujours l'objet d'un engouement populaire sans nuage et ses préparatifs en vue de la phase finale en Angola de la Coupe d'Afrique des Nations (CAN) font l'essentiel des discussions en milieu de citoyens lambda. Mais la flamme patriotique qu'elle a allumée en ce mois de novembre et qu'avait portée à l'incandescence la campagne anti-algérienne fomentée et orchestrée par les Moubarak et leur clan, ne brûle assurément plus avec la même intensité. Cette campagne persiste pourtant, entretenue par l'abject président de la Fédération égyptienne de football et les présentateurs de chaînes télévisées sportives, mais son impact sur nos concitoyens en terme d'indignation a fortement décru. Ce n'est pas que ceux-ci soient devenus subitement insensibles aux insultes et attaques contre l'Algérie de ces salopards, mais parce qu'ils sont redescendus sur terre et découvert que «l'Algérie qui gagne», dont ils ont chanté le retour pendant des semaines, est tout simplement redevenue «l'Algérie qui paie», dont le pouvoir et ses profiteurs se fichent comme de l'an quarante. La griserie patriotique ne pouvait que vite se dissiper au constat qu'il ne suffit pas de s'égosiller à clamer «One, two, tree, viva l'Algérie» et «Neberik ya El-Khadra» pour que s'instaure la fraternité : celle basée sur la solidarité, le partage et la justice. La désillusion citoyenne est visible, audible au constat que la ferveur et la passion qui ont emporté la Nation aux extrémités du nationalisme ont servi à rendre acceptables les agressions dont font l'objet le pouvoir d'achat et les conditions de vie des Algériens. L'amère et insoutenable réalité à laquelle les citoyens sont confrontés depuis quelque temps, question d'assurer le quotidien familial, a détendu la fibre patriotique des plus fervents d'entre eux, désormais convaincus d'avoir fait l'objet d'une cynique et machiavélique instrumentalisation qui les a poussés à faire une fixation sur les sombres imbéciles des rives du Nil et à oublier la misère sociale qui les accable. C'est une société au moral en berne et à la dignité touchée qui s'exprime désormais un mois après avoir cru atteindre le nirvana. De ce fait, le pouvoir est assis sur un volcan qui peut d'un instant à l'autre entrer en éruption en pareille situation. Les incantations patriotiques qui lui ont longtemps servi pour désamorcer la colère populaire ne lui seront d'aucun secours. Le paradoxe est que ce pouvoir n'a même pas su ou voulu exploiter l'extraordinaire élan d'union sacrée qui s'est créée autour de lui, provoquée par les évènements du Caire et de Khartoum. Il a gâché là une occasion unique, exceptionnelle de se réconcilier avec le peuple. C'est à un tout autre usage, individuel et égoïste, qu'il semble avoir réfléchi.