Finalement, la minuscule polémique dont le prétexte-vitrine était le changement de lieu, alors que le fondement essentiel visait la LFC 2009, s'est éteinte, emportée par les centaines de milliers de personnes qui ont visité le SILA. La folie des livres qui a battu tous les records n'a laissé aucune chance à ceux qui auraient eu des vélléités pour porter un coup fatal au salon de livres. Si la manifestation de 2009 a été un franc succès grâce à l'afflux massif des Algériens qui n'en finissent pas d'étonner, elle a aussi permis de «nettoyer» un peu le paysage et l'environnement du livre et d'autoriser la perspective d'avancées et de mise à niveau dans le monde de l'édition. Cette dernière est le coeur battant à l'intérieur d'une industrie à plusieurs filières et ramifications. Parmi celles-ci, il y a bien entendu la destination finale, celle où le lecteur trouve l'ouvrage qu'il souhaite lire et celui qui lui est imposé par un cursus scolaire ou universitaire, selon la discipline étudiée et la formation suivie. Cette finalité désignée par le concept de lecture publique doit être au sommet d'une politique avec tous les moyens et ingrédients dès l'entrée à l'école et dans chaque cité d'habitation en construction. Le réseau indispensable de bibliothèques et de librairies, dans un pays aussi vaste que l'Algérie, lorsqu'il sera initié et achevé, sera un marqueur des plus pertinents de l'engagement de l'Etat pour le livre, pour le développement humain et les objectifs du millénaire auxquels l'Algérie adhère. Lors de la soirée de clôture du SILA 2009, il a été annoncé la création prochaine d'un Forum des éditeurs. Avant de connaître les grandes lignes et la philosophie qui vont structurer cette nouvelle organisation, on peut espérer certaines ruptures à même de clarifier le paysage encombré par des sigles de syndicats, de corporations où se croisent des libraires, des importateurs, des éditeurs privés et d'autres publics. Si tous ces métiers et d'autres ont forcément des intérêts, y compris financiers, divergents, ont le droit sinon le devoir de s'organiser, le mélange des genres génère de l'opacité, de la confusion et parfois la cacophonie. L'éditeur n'est pas importateur. Celui qui achète ou cède des droits n'est ni importateur ni libraire, et l'importateur n'est ni éditeur ni libraire, etc. Si le forum qui a été annoncé doit semer des balises, séparer des genres qui peuvent aussi s'organiser, ce serait une excellente chose, surtout si la lecture est inscrite comme objectif stratégique, bénéficiant de tous les soins, de moyens, d'espaces qui reformuleront les programmes scolaires et ouvriront les esprits au livre. Ce dernier, fondement essentiel de l'Education nationale, porteur de connaissances, de savoir, de rêves, vecteur de la culture générale, va bientôt avoir son Centre. La ministre de la Culture a annoncé la future naissance du Centre National du Livre qui sera assurément une pièce maîtresse pour l'aventure du livre en Algérie. Les aides à l'écriture, la promotion des talents nationaux, l'éventuel soutien à des revues littéraires et didactiques et toutes les missions qui seront confiées à ce centre vont complètement bouleverser le cheminement de l'écrit en Algérie. La confusion qui a régné jusque-là dans un marché porteur (livre religieux, de cuisine, scolaire et parascolaire), qui a bel et bien profité aux importateurs, n'aura plus de raison d'être. Des ouvrages généralistes, des livres scolaires, des dictionnaires peuvent être parfaitement édités en Algérie. Bien entendu, le livre est un produit marchand, mais il est par essence différent du blé, de la voiture ou de la confiture. S'il obéit à des finalités qui n'ont rien à voir avec l'estomac ou les pétards destinés à des fêtes religieuses, il s'achète et se vend, passe des droits, connaît des négociations dans lesquelles la rentabilité, l'amortissement et les bénéfices occupent une place très importante. Le CNL pourra injecter de la morale, créer des espaces et des oeuvres qui échapperont peu ou prou à l'argent, au monopole des importations. Les éditeurs et les écrivains ont reçu la bonne nouvelle de la bouche même du secrétaire d'Etat à la Communication, lui-même écrivain. M. Mihoubi a annoncé, lors d'une conférence sur la littérature et les médias, que le livre aura plus d'importance et des émissions spécialisées à la télévision. Si la nouvelle est d'importance, il appartient désormais à l'ENTV et aux programmes qu'elle décline (Canal Algérie, A3, A4 et Tamazigh) d'avoir les compétences qui donnent leurs lettres de noblesse à la critique littéraire et aux émissions spécialisées dans le monde. Si la cuvée du SILA 2009 a dépassé toutes les prévisions, malgré certaines lacunes indiscutables, des dysfonctionnement dus à un engouement sans précédent jusqu'à la dernière minute, il y a des progrès à réaliser pour l'avenir. Le public, lui, sera sûrement présent, après avoir déjoué tous les pronostics.