L'hypocrisie des hommes et leur sournoiseries ne se cachent plus. Au contraire, elles s'affichent comme on affiche, sur les épaules ou au front, les médailles et les signes de gloire. Avec fierté. Beaucoup de fierté. Au moment où certains se tuaient à montrer combien ils étaient heureux de fêter les dix ans de la chute du mur de Berlin, d'autres murs, plus monstrueux et plus douloureux, s'érigeaient avec la complicité du silence inquiétant d'un monde soustrait à sa raison d'être. Depuis que le mur de Berlin est tombé, d'autres murs ont été élevés et d'autres «Berlins» ont vu le jour. Il y a certes le mur de la honte que les Israéliens n'ont ni hésité ni éprouvé une gêne quelconque à ériger sur une terre qui ne leur appartient pas à dessein d'empêcher les Palestiniens d'être chez eux. Mais si ce mur ignoble offusque répugne et révolte, le fait que ses constructeurs soient reçus à la Maison-Blanche avec honneurs le jour même de la célébration de la chute du mur de Berlin, révolte encore plus et offusque à bien des égards. On s'attendait, et cela aurait été la moindre des choses, que le monde se devait de faire à l'adresse des Palestriniens, qu'un appel fût lancé de Berlin pour que le mur bâti par Israël soit immédiatement détruit. On aurait aimé voir Lech Walesa, Gorbatchev, Angela Merkel, Sarkozy, Berlusconi et tous les autres prendre l'avion de Berlin à El-Qods et entamer- ne serait-ce que symboliquement -la destruction du dernier mur qui sépare encore les hommes sur l'une des dernières terres colonisées du monde. Mais, au lieu de cela, c'est Obama qui, dans une symbolique autant monstrueuse qu'inattendue, reçoit Netanyahu le 9 novembre, c'est-à-dire, le jour même où l'autre facette de l'Occident faisait semblant, à Berlin, d'applaudir la fin du mur. Le mur de Berlin est tombé certes, mais à quoi est-ce que cela aurait servi à part permettre aux Allemands de se retrouver ? Qu'on laisse alors aux Allemands le privilège de fêter la fin de leur mur. Que ce soit considéré comme une fête nationale et nous n'aurons rien à redire. Mais que l'on vienne, en selle sur une hypocrisie ostentatoire, brandir le drapeau de la probité et de l'honnêteté alors que, d'un autre côté, on reçoit avec de grands honneurs ceux qui devaient être mis en quarantaine, poursuivis et jugés pour leurs actes les plus ignobles à commencer par la colonisation de territoires et les génocides perpétrés et la construction du mur d'El-Qods, qui a pourtant été condamnée par le tribunal de l'ONU. En effet, il a été affirmé par ce tribunal que «l'édification du mur qu'Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, et le régime qui lui est associé, sont contraires au droit international », tout comme le rapport Goldstone accuse «l'entité sioniste d'avoir commis des crimes de guerre et contre l'humanité lors de son offensive «Plomb durci» contre la bande de Gaza. Il l'accuse aussi d'avoir procédé à des destructions injustifiées de l'infrastructure de la Bande et d'avoir pris des civils comme boucliers humains». Comment peut-on recevoir alors un chef de gouvernement israélien et un 9 novembre de surcroît, c'est-à-dire le jour où les autres fêtent la tombée du mur ? Comment peut-on prétendre, d'un coin de la bouche, s'élever contre les colonies et, de l'autre coin de la bouche, offrir un sourire de bienvenue à ceux qui imposent au monde ces colonies ? Comment peut-on, devant les micros du monde, se dire engagé dans un processus de paix dans le monde lorsqu'on reçoit, en huis clos, les assassins d'enfants, de femmes et de vieillards ? Comment peut-on recevoir ceux qui érigent des murs et envoyer, en même temps, sa secrétaire d'Etat fêter les murs qui tombent ? Quelque chose ne tourne pas rond quelque part. En réalité, ce n'est pas tant la chute du mur de Berlin qui importe parce que, pour venir à bout de tels murs, comme on le sait, il suffit de quelques pioches. Ce sont les autres murs qui comptent le plus. Ceux que certains traînent toujours à travers leur cerveau. Un mur qui partage Berlin en deux, ça se détruit même avec les doigts, mais dites donc, de grâce, avec quoi devrait-on détruire les murs qui ont poussé dans certaines têtes parce que, au moment où certains célébraient dans la joie cette chute à Berlin, le reste de l'humanité se souvenait bien que, c'est justement à partir de cette journée que les malheurs ont commencé pour elle. Du Pakistan à l'Afghanistan, à l'Irak, au Liban, pour ne citer que ceux-là. Quant à la Palestine, c'est la honte de l'humanité à laquelle d'autres font traverser le temps ! La chute du mur de Berlin a été, malheureusement, détournée de sa signification première. C'est à partir de cette date, en tout cas, que les malheurs ont commencé à s'abattre sur une partie du monde. De la première guerre du Golfe à aujourd'hui, cette partie du monde n'a pas encore eu de répit. Guerre après guerre, attaque après attaque, insulte après insulte... ils ne nous ont épargnés en rien. Ces jours, un Américain a tiré sur ses collègues dans leur caserne. Cela s'est passé déjà auparavant et cela n'a jamais provoqué autant de levées de boucliers que cette fois parce que l'auteur de la tuerie est musulman !!! Il suffit dorénavant d'être musulman pour susciter des questions, des peurs, des angoisses. D'autres ont tiré dans des casernes, dans des lycées, dans des supermarchés, tuant parfois un nombre impressionnant, cela n'a pas inquiété outre mesure médias et officiels et seulement les psychologues ont penché sur les affaires. Pour une fois qu'un musulman est derrière une tuerie, la réaction prend une autre ampleur. Jusqu'à quand continuera-t-on à voir de telles réactions ? Tant que ce ne sont pas les bons murs qui s'écroulent. Et, bien sûr, ce ne sont pas ceux qui les construisent qui les détruiront. En tout cas, pas tant qu'ils sont reçus en grande pompe par les grands de ce monde.