«Tout en vous félicitant, et me félicitant par là même, de vos brillantes performances réalisées jusqu'à présent, je vous incite à mener votre prochain match en faisant prévaloir les valeurs de courage et de vaillance qui sont les nôtres, et qui sont les legs de votre vaillant peuple». Les propos valent leur pesant d'or quand ils sont adressés par le président de la République à l'Equipe nationale de football, la veille d'un match décisif pour la qualification au Mondial 2010. Ils remontent le moral et redonnent confiance en soi, en tout. Bouteflika met même à l'aise les joueurs qui, écrit-il, «après un long et combien rude chemin parcouru au fil d'une compétition propre et loyale qui a été couronnée de succès à chacune des étapes des éliminatoires pour porter haut nos couleurs nationales dans la course pour le trophée mondial, vous voila si proches du but pour réaliser le voeu de tous vos frères et soeurs jaloux de la gloire de l'Algérie et de ses faits réalisés à tous les niveaux et en toutes circonstances». Il les met davantage à l'aise particulièrement quand il leur dit : «quel que soit le résultat de votre rencontre avec l'équipe égyptienne, vous demeurerez source de fierté pour moi et pour tous les fils et filles de votre pays, grâce aux efforts louables que vous avez consentis et, à travers lesquels, vous avez ravivé la flamme nationaliste algérienne». Le chef de l'Etat prend le soin de leur souligner que «le devoir me dicte d'être le premier de vos supporters pour vous encourager en toutes circonstances et, pour autant, je tiens à vous exprimer, à tous, mes salutations chaleureuses et toute ma confiance en votre capacité à faire triompher l'Algérie, votre patrie». Il leur recommande de ne pas tomber dans une férocité de comportement inutile en les rassurant par un «je demeure également convaincu que vous saurez, tels que je vous connais, vous départir de tout manquement aux nobles valeurs sportives et vous ferez preuve d'un esprit sportif irréprochable». Bouteflika recommande, en outre, aux joueurs de faire dans «l'esprit de fraternité (...) au regard des relations fraternelle, historiques et solides qui lient l'Algérie à l'Egypte, des relations fortes présentement et prometteuses pour l'avenir». S'il est véritablement pour fouetter le moral «des troupes» joueurs et supporters, et pour leur (re)donner espoir et confiance en leur algériannité, le message du président de la République est de fait, éminemment politique. Il l'a transmis dans un moment où l'Algérie est en ébullition pour gagner et non pas pour protester comme c'est régulièrement le cas. Bouteflika a, pour la circonstance, convoqué le peuple, ses sentiments, son nationalisme «ambiant», son histoire. Tout pour flatter l'égo algérien en vue de le projeter sur un avenir politique que lui seul connaît. La rencontre Algérie-Egypte donne d'ailleurs l'occasion aux politiques des deux pays de (ré)apparaître plus forts, plus rassurés et plus sereins pour parler à des peuples - par équipes respectives - avec lesquels les liens de confiance ont été rompus. Le chef de l'Etat a bien pris le soin de retourner le rendez-vous du Caire en sa faveur et ce «quel que soit le résultat». Il a ainsi pris ses devants pour pouvoir tirer les dividendes d'un parcours footballistique qu'il juge gagnant par ses premières étapes. Le match du Caire intervient, faut-il le souligner, dans une conjoncture où rien ne va plus. Les prix des produits de consommation ont atteint des seuils terrifiants, le pouvoir d'achat des Algériens traîne au bas de l'échelle, en attendant un relèvement du SNMG par l'effet d'une tripartite reportée à maintes reprises. L'école va très mal au point d'avoir obligé les syndicats des enseignants à fermer ses portes par la force de leurs appels à la grève. N'était ce fabuleux rendez-vous cairote, qui a d'ailleurs laissé les mouvements de protestation passer inaperçus, les Algériens auraient sombré dans une dépression de laquelle les politiques auraient eu du mal à les sortir tellement le poids des difficultés de la vie leur pèse lourd. Le pouvoir a compris qu'il fallait en tirer fortement profit, au point de reporter ses grands rendez-vous - le cas de la tripartite - aux lendemains d'aujourd'hui. La victoire des Verts assurera, sans doute, une longue période de répit au président et à son gouvernement, dont l'action pâtit du manque de sérieux et d'efficacité. Bouteflika pourrait en profiter pour mettre en oeuvre son «plan» de réforme de la scène politique qu'il compterait engager, selon nos sources, durant l'année 2010. Il est dommage que les partis dits d'opposition n'y ont pas songé pour canaliser, comptabiliser et rentabiliser ce merveilleux élan nationaliste que dégage, ces derniers temps, la société dans toutes ses strates, ceci pour donner une assise à des exigences de changements dans l'exercice des pouvoirs. Le chef de l'Etat lui, cherchera certainement à le transformer en capital confiance en sa faveur et celle des «siens». Il le fera aussi pour bousculer des habitudes et démentir des certitudes en ces temps où des scénarii de recentrage et de redéfinition de responsabilités se font sérieusement sentir.