L'acceptation officielle du pluralisme syndical par les pouvoirs publics n'est pas encore chose totalement acquise. Toutefois, les syndicats autonomes de l'Education nationale sont parvenus à lui faire un grand pas en avant en obtenant, après trois semaines de paralysie quasi totale de leur secteur, d'être conviés à des négociations sur les points de revendications qui ont sous-tendu leur mouvement de grève, dont celui de leur reconnaissance est justement l'exigence phare. En s'asseyant à la table de négociation avec ces syndicats, les autorités ne pourront plus désormais arguer de leur non-représentativité. L'adhésion massive et soutenue du personnel de l'Education nationale à l'action revendicative initiée par ces organisations n'a laissé aucune illusion aux autorités quant à la capacité de l'UGTA à leur faire pièce en terme de représentativité dans le secteur. La démonstration de force des syndicats autonomes n'a été possible que parce qu'ils ont cette fois-ci agi dans l'unité d'action. Jusqu'à cette dernière grève, quoique ayant des plates-formes de revendications pratiquement identiques, ces syndicats sont allés à la protestation en ordre dispersé. Ce qui a eu à chaque fois pour conséquence que les grèves auxquelles chacun appelait de son côté à des moments différents, n'ont pas eu l'ampleur et l'impact de celle qui vient de s'achever et à laquelle tous se sont associés. Par cette grève unitaire, démonstration a été faite aux autorités que l'UGTA, leur syndicat officiel, est pratiquement hors course dans le secteur de l'Education nationale, qui fut pendant longtemps l'un de ses bastions solides et bien tenus. Il faut dire que dans cette affaire, l'UGTA a été desservie par son allié qu'est le Premier ministre Ahmed Ouyahia, dont la circulaire annulant l'effet rétroactif des augmentations financières consenties au secteur de l'Education a eu pour effet de provoquer l'indignation du personnel enseignant, y compris ceux affiliés dans ses rangs, qui ont alors fait cause commune sous la bannière des syndicats autonomes avec leurs autres collègues. Les syndicats autonomes ont pour la plupart accepté d'entrer en négociation avec la tutelle administrative de leur secteur. Ils ont ainsi fait la preuve qu'ils ne sont pas des organisations irresponsables et manipulées, telles que présentées par la propagande officielle. Ils ont toutefois raison de se méfier de cette «volonté de dialogue» venue de cette tutelle qui s'exprime et agit dans l'ambiguïté et l'obscurité des objectifs. Mais pour déjouer tout «coup fourré» possible, ils doivent préserver contre vents et marées leur union et le front commun d'action qui ont pu rendre possible le succès de leur grève. Ce n'est qu'à cette condition qu'ils seront en situation de faire reculer les autorités et peuvent espérer obtenir la satisfaction pleine et entière des revendications posées, dont celle de leur reconnaissance définitive en tant que partenaires sociaux de l'Etat à part entière.