Depuis une bonne heure, une pluie diluvienne s'abat sur la ville. Le camion, transformé en transport du personnel, tente de se frayer un chemin, évitant un tas d'obstacles, des tas de pierres traînées par les vagues de pluie, ainsi que des bidons d'ordures. - Ordure, tu ne connais pas la priorité ? vociféra le chauffeur, qui avait besoin d'une campagne d'assainissement dans le vocabulaire de sa bouche-poubelle. Les bouches d'égouts vomissaient tous genres de matériaux sur la route. Cette route qui n'arrive pas à supporter les mauvaises humeurs du temps. - Machi trig, on ne sait plus si on doit éviter les trous, oula bniadème... Le camion, en fonçant dans une flaque d'eau boueuse, éclaboussa le conducteur d'une charrette traînée par un âne : - Heureusement que le Bon Dieu ne t'a pas donné une Mercedes sinon tu nous aurais écrasés. - Quand on a peur des voitures on reste au douar, lui répond le chauffeur méchamment, en évitant une mare. On largue les amarres. Il était arrivé Baroudi. La pluie ne veut pas s'arrêter. On le déposa à cent mètres de chez lui. Il arrive trempé chez l'épicier d'en face, où il a l'habitude de prendre son paquet de cigarettes. De là, il voit un mouton attaché aux barreaux d'une fenêtre, une bâche sur sa toison, il attend l'arrivée du Haji pour être sacrifié. Au-dessus, sur le balcon, un gosse urinait, sa mère lui donne deux tapes sur les fesses. - Entre, tu vas prendre froid. Et elle profite pour donner un bon coup de balai, déversant ainsi toute la boue sur les passants. Baroudi achète trois sachets en plastique. Il en met un sur la tête, met le pied dans le deuxième et se chausse du troisième. Comme ça, ressemblant à un sac poubelle, il traverse la route ou plutôt la rivière de boue pour entrer dans ce bel immeuble de cette cité construite sans aucune commodité.