A l'occasion du cinquantième anniversaire de la disparition d'Albert Camus, l'association Bel Horizon, en partenariat avec le centre culturel français d'Oran, ont organisé une visite guidée aux repères « camusiens ». L'originalité de cette randonnée est qu'elle a été balisée par tous les lieux de la ville où Camus s'est plu à décrire, ou alors dans certains endroits où il a carrément séjourné. C'est aux alentours de 10 heures du matin que le point de départ de cette «ballade» a été donné, et cela au siège même du centre culturel français, où une petite conférence a été improvisée conjointement par le directeur du centre, M Pellan, et par le président de l'association patrimoniale, M Métaïr Kouider. Par la suite, une foule nombreuse, composée de plus d'une centaine de personnes, s'est mise en marche pour aller vers les endroits camusiens. La première halte a eu lieu en pleine rue Larbi Ben M'hidi où les randonneurs ont pu découvrir l'appartement où Camus vivait, sise dans l'immeuble N° 67 de cette rue, en plein dans les arcades, pour être plus précis. Presque aussitôt, les gens se sont mis à mitrailler la façade de cette immeuble de leurs appareils photos, sous le regard sidéré des passants. C'est effectivement là-bas, dans cette rue, appelée anciennement «rue d'Arzew» que Camus a vécu, entre 1941 et 1942, à Oran, en compagnie de sa femme Francine Faure. C'est aussi lors de cette période qu'il avait écrit «La Peste», un livre devenu par la suite célèbre de par le monde entier. Quelques mètres plus loin, une nouvelle halte a eu lieu, cette fois-ci à la «place Hoche», appelée actuellement «Cdt Mejdoub», où un guide de l'association Bel-Horizon, Younes Aynar, a clamé un texte de Camus, en l'occurrence celui sur la partie de boxe de «la rue fondouk» (actuellement «rue Achour Tabet»). On dit, par ailleurs, que ce texte fait référence à la rivalité légendaire entre Alger et Oran; mais encore, c'est aussi un clin d'oeil à «son frère de soleil», comme il aime à l'appeler, le dénommé Emmanuel Roblès, natif d'Oran, plus précisément juste à côté de la place Hoche, à la rue Belarbi (ex-Bruat), dans le quartier Yaghmorassen (ex-St-Pierre). La trajectoire a continué ensuite pendant tout le long de la rue Larbi Ben M'hidi, pour s'arrêter seulement au parvis de la célèbre cathédrale d'Oran, devenue à présent la bibliothèque régionale, où des textes sélectionnés, extraits du roman de «la Peste», ont été lus par un autre guide de l'association, Leila Boukhatmi. Après la lecture, un petit débat a été improvisé, durant lequel l'assistance a appris que par l'écriture de la «Peste», Camus avait en fait établi une métaphore, par laquelle il avertissait l'opinion sur le danger du nazisme. Il est à rappeler effectivement que si « la Peste » était sortie dans les librairies à partir de 1947, Camus l'avait écrit pendant les années 1941 et 1942, c'est-à-dire à une époque où le nazisme faisait ravage. Par son écriture, l'auteur a voulu dire que si «la bête immonde» a été vaincue, elle peut toujours revenir ; et qu'alors, il faut être vigilant. La prochaine étape de cette randonnée camusienne a eu lieu au parvis du palais de la culture (PACO), où Souad Métaïr, une autre membre de l'association Bel-Horizon, est revenue sur le rapport entre Camus et l'architecture oranaise de cette époque. Il s'agissait plus précisément des «sarcasmes» que l'auteur de «la peste» et de «l'étranger» tenait à l'endroit de l'architecture d'Oran. Cette architecture où, selon lui, «tous les mauvais goûts d'Orient et d'Occident se sont donnés rendez-vous». Cette métaphore, dite comme ça, peut paraître pour le moins sévère à l'égard de la ville; cela dit, Métaïr Kouider a invité l'assistance à la placer dans son juste contexte: Il a ainsi fait savoir au public que les principaux architectes qui ont érigé les immeubles du centre-ville ont tous été, sinon la plupart, des gens d'extrême droite. Cette petite précision peut suffire à expliquer la réticence de Camus face à cette architecture de mains de fascistes. Ceci dit, il a aussi été précisé que ce genre de sarcasmes que l'écrivain a pu tenir à l'encontre d'Oran n'a été énoncé que durant le début des années quarante et qu'après la guerre, c'est parfois avec éloge que Camus a désigné la capitale de l'Ouest algérien. Par la suite, l'itinéraire de cette visite a conduit les randonneurs vers la place du 1er novembre (ex-place d'Armes), où l'assemblée s'est réunie devant la mairie «prétentieuse» aux dires de Camus, gardée par deux «lions débonnaires». Une description de cette place (l'opéra, devenu à présent théâtre, victoire ailée...) a été faite par les soins de Métaïr Kouider. Enfin, pour finir cette trajectoire à l'itinéraire pour le moins sinueux a prit fin à la «promenade de Létang», où tour à tour, trois des représentants de Bel-Horizon, à savoir Abdelhak Abdelslam, Benhedi Samia et Abdi Amina, ont prit la parole, le premier pour faire un petit descriptif des lieux, quant aux deux autres, pour lire d'autres textes de Camus. Lors de cette dernière étape, les randonneurs ont été invités à admirer les paysages oranais, vus par Camus, quand celui-ci disait, avec tout de même une pointe de mauvaise-foi et beaucoup d'ironie : «forcés de vivre devant un admirable paysage, les Oranais ont triomphé de cette redoutable épreuve en se couvrant de constructions bien laides». On a aussi relevé sa fameuse phrase, du fait qu'Oran «tournait le dos à la mer». Métaïr Kouider a expliqué la sévérité de cette phrase à une époque où les gens pouvaient nager à deux pas du centre-ville ; «or, dit-il encore, c'est en ce jour hélas que cette phrase prend tout son sens, en ce jour où, par l'extension du port, les Oranais doivent parcourir au moins vingt kilomètres pour aller nager». Un parcours riche que nous a proposé Bel-Horizon, et cela en partenariat avec le centre culturel français. Plus d'une centaine de personnes avait répondu présent à ce rendez-vous culturel, parmi eux on pouvait compter des étudiants, des Oranais curieux, des admirateurs de Camus, mais encore un bon nombre d'étrangers, désireux de découvrir cette ville que Camus a fait connaître par delà le monde. Petit point original, était présent parmi les randonneurs un ancien élève d'Albert Camus, ce dernier a parlé avec éloge de son ancien maître, qui était l'un des seuls, à ses dires, à être aimé par tous les élèves. A noter qu'une «Caravane Albert Camus», dont le coup d'envoi sera donné le 23 janvier prochain au Centre culturel algérien (CCA) de Paris, sillonnera plusieurs villes françaises et algériennes pour célébrer le 50ème anniversaire de la mort de l'auteur de «L'étranger». Les organisateurs du «Club Camus Méditerranée» ont donné jeudi soir une conférence de presse au CCA de Paris pour présenter les grands axes de cette caravane devant se rendre, en février, dans les villes de Perpignan, Narbonne, Montpellier et Nîmes, puis, en avril prochain, à Alger, Annaba, Oran, Tlemcen, Bejaïa, Tizi-Ouzou et Tipaza. Au Centre culturel algérien de Paris, il est prévu la signature d'un ouvrage du journaliste Stéphane Babey, «Camus une passion algérienne», dans lequel l'auteur part sur les traces de l'écrivain, et la projection d'un film documentaire, «La tragédie du bonheur», de Jean Daniel et Joël Calmettes, ainsi que la lecture d'extraits de textes de Camus par Frédérique Bruyas et Sid Ahmed Agoumi. Dans chacune des villes où fera escale cette caravane, une journée thématique sera proposée au public, a expliqué Guillaume Luchelli, promoteur de cette initiative. La conférence de presse s'est déroulée en présence du président de l'APC de la ville d'Oran, M. Saddek Benkada, qui a intervenu pour rappeler le passage de Camus dans la capitale de l'ouest du pays, où il a écrit «La peste». Il a annoncé qu'une plaque commémorative sera prochainement apposée à l'entrée de l'immeuble où a vécu l'écrivain et une visite guidée sur les traces de Camus à Oran sera organisée à l'intention des étudiants du département des lettres de l'université.