En attendant que le gouvernement s'exprime sur d'autres mesures de rattrapage de la SNVI, son syndicat revendique une revalorisation de salaires soutenue par la suppression du fameux article 87 bis. Ce fameux article fait bien des travailleurs malheureux en raison de l'indexation qu'il impose des primes et des indemnités sur le salaire de base, atténuant ainsi fortement de l'impact de toute revalorisation de leur revenu et ce quel que soit son niveau. Si la revendication de l'augmentation des salaires a vu, cette semaine, son début d'épilogue à travers l'ouverture des négociations sur la base de la réactualisation des conventions de branches, celle relative à l'abrogation de l'article 87 bis est loin d'être réglée. Le ministre du Travail a, en marge du dernier conseil national du FLN, affirmé qu'il ne sera pas question de son abrogation mais de sa révision. Réponse qui met mal à l'aise Sidi Saïd, le SG de l'UGTA, lui qui s'est toujours prononcé pour. De même, l'exigence des travailleurs de la SNVI du maintien du dispositif de la retraite sans condition d'âge est difficile à exaucer. Le gouvernement explique son rejet de cette revendication en rappelant que le dispositif a été retenu «parce que l'Algérie vivait une dure période d'ajustement structurel durant laquelle elle devait limiter le plus possible les personnels en activité au niveau du secteur public». «Ce dispositif permettait aux travailleurs ayant cumulé un certain nombre d'années d'activité de postuler à la retraite sans qu'il leur soit exigé un âge précis», note un cadre du ministère du Travail. Il y a eu certes de nombreuses compressions d'effectifs «pour raison économique», une expression que les gestionnaires de l'époque aimaient utiliser pour éviter de parler de licenciement abusif sur injonction du FMI. Mais «en élaborant le dispositif du départ à la retraite sans condition d'âge, nous avons réussi à en épargner beaucoup d'autres en leur permettant de partir à la retraite dignement», continue de dire notre interlocuteur. De 1997 à 2002, plus de 400.000 travailleurs ont, selon nos sources, profité de ce dispositif. Le revers de la médaille montre, par contre, que les calculs du gouvernement ont été complètement faussés. En effet, si l'on entend dire aujourd'hui du côté du Premier ministère que par la décision de la mise en place de ce dispositif, «on a évité de sacrifier près de 500.000 autres travailleurs sur l'autel des conditionnalités du FMI, il reste que ceux qui sont partis constituaient en partie un encadrement des entreprises et des administrations publiques qu'on peine aujourd'hui à avoir», soulignent des ministres. A titre d'exemple, pour la seule année 2009, les départs à la retraite sans condition d'âge ont concerné près de 150.900 travailleurs issus du secteur économique public et de l'administration. Sur cet effectif, on retrouve près de 46% de personnels d'encadrement. «C'est une véritable saignée !», s'exclament nos sources au Premier ministère. L'énorme perdition «Un des éléments essentiels qui a poussé le gouvernement à supprimer ce dispositif est cette disparition effrénée de la compétence et de l'expérience au niveau du secteur public toutes activités confondues», font-elles remarquer. En 1997, sur 8.300 départs, on en comptabilise près de 3,75% de cadres dirigeants, 7,13% de cadres supérieurs et 34,08% de cadres moyens. Ces dernières années, le départ des cadres supérieurs constitue pratiquement la moitié de l'ensemble des départs à la retraite sans condition d'âge. Ceci, relèvent les experts, «en faisant abstraction de l'impact financier de ces départs sur les ressources du Trésor public». L'énorme perdition de l'encadrement enregistrée ces dernières années au niveau du secteur public, s'est transformée par contre, selon nos sources, en un vivier d'expérience profitant au privé national et étranger. «Les cadres qui ont quitté le secteur public tôt sont allés pour la plupart vers le privé d'abord parce qu'il paie bien -leur maigre retraite ne suffisant pas à leur assurer un quotidien décent - ensuite, parce qu'ils sont encore jeunes et peuvent par conséquent encore fournir des efforts intellectuels pour les besoins d'un bon management», disent nos sources. «Recruter les nouveaux diplômés ne nous aide pas beaucoup parce qu'ils manquent terriblement d'expérience. Quand bien même on pense à le faire, il faudrait impérativement les encadrer de personnels expérimentés mais on ne trouve pas, ou plus», continuent nos interlocuteurs de nous expliquer. Le gouvernement semble oublier qu'il a été à l'origine du départ forcé de nombreux cadres compétents et doués en gestion à l'exemple de certains présidents des défunts holdings, de ceux de la délégation des participations de l'Etat qui activaient au niveau de la chefferie du gouvernement et d'autres qui encadraient les universités et les hautes institutions de l'Etat. Elagués du circuit sur décision du nouveau pouvoir au début des années 2000, ces cadres se retrouvent tous à servir des intérêts privés qu'ils soient les leurs (à de rares exceptions) ou ceux d'entités étrangères. La décision du gouvernement de supprimer ce dispositif qui a fait des émules en temps de crise et de dégradation effroyable du pouvoir d'achat des citoyens laisserait même pressentir un réexamen du dispositif en vigueur fixant l'âge de départ à la retraite. «Un jour, il faudrait revoir cet âge si l'on sait que l'Algérien a actuellement une espérance de vie de 72 ans», nous dit-on au niveau du Premier ministère. «Alors, pourquoi partir à 60 ans à peine ?», s'interroge-t-on non sans arrière-pensée.