Invitée par «La conférence d'Oran», un espace de dialogue et de débat autour des questions sociales, conçu comme un lieu de rencontre d'intellectuels et d'universitaires, Rita El Khiat donne une conférence intitulée «Les femmes dans le monde arabe : progression d'une recherche, constats et prospectives», ce mercredi 26 janvier. Rita El Khiat en conférence à Oran, est en soi un évènement qui traduit cette maghrébinité de la sphère intellectuelle, qui a su résister aux petites querelles politiciennes passagères. Un tissage fort en mailles du regard porté sur notre société, une sorte de continuité de «La liaison» tue par nécessité de dire en gardant une pudeur devant cet Autre qui, pour émerger des profondeurs de son histoire, va jusqu'à nous rendre anonymes par nécessité de le défendre. Le temps de lui rappeler sa langue de lait, cette «darija» si maternelle qui exprime tendrement le Moi et qui lui permet de véhiculer l'amour, mais aussi la haine, sans violence. Rita El Khiat est psychanalyste anthropologue mais surtout une intellectuelle, qui reflète ses lumières dans le miroir social d'une société maghrébine, faisant fi des frontières et qui aspire au mieux-être, tant que les rêves sont partagés de part et d'autre. Les rêves du Maghreb trouvent leur légitimité dans une histoire commune, d'odeurs semblables et de mots qui traversent les siècles sans être altérés par les invasions coloniales réductrices, ni par la facilité des stéréotypes. Auteur de plus deux cents articles scientifiques dans différents domaines de la médecine, de l'anthropologie et de l'art, Rita El Khiat s'est frottée au journalisme de la presse écrite et de la radio comme voie, pour ce qu'elle est seule à savoir transmettre, une plus grande compréhension des phénomènes sociaux, en même temps que le devoir envers les siens juste pour régler ses dettes, comme se plaisent à le rappeler les psys, sa famille. Envers les siens, elle a essayé de libérer les tabous pour mieux entendre les plaintes et les douleurs qui les provoquent, à commencer par le pilier social, la femme. Plaintes de douleurs de femmes prises au piège d'une tradition mal assumée et d'un langage singé jusqu'à n'être plus que l'ombre des ombres froides. Pour pouvoir traverser le monde des hommes sans trop de bruit en esquivant leur virilité supposée ou désenfantée. Et c'est précisément au moment où la société s'essouffle par manque d'efforts, que le professeur El Khiat, auteur aussi de plusieurs ouvrages de référence, trouve la force de lancer de nouveaux défis à un Maghreb immobile par habitude. «Epître d'une femme à un jeune monarque», écrite en 1999, se voulait une contestation contre les mouvements réactionnaires qui voulaient enfermer les femmes dans le seul espace domestique, en même temps qu'elle demandait la modification de la Moudawana, «la Charte personnelle», une espèce de Code de Famille. Son combat ne semble pas terminé. Elle le traduit dans ses conférences et les nombreuses associations qui la sollicitent pour voir plus clair et apprendre à user des voix de la liberté. A la face de l'Occident, elle rappelle que «Les Occidentaux ne peuvent pas imaginer jusqu'à quel point je connais l'Ouest ! J'ai honte pour eux qui ne connaissent rien de mon pays, des Arabes, des musulmans et de tous ce qui n'est pas Occident». Forçant la porte de la multi-culturalité, Rita El Khiat peut prétendre à un Nobel qui ne sera que justice rendue à l'oeuvre d'une dame qui ressemble en tous lieux à celle d'un pèlerin. Un pèlerin de la liberté. Un rayon de soleil bravant les zones obscures.