Contacté au sujet des dernières dispositions relatives au code de la route et le nouveau barème des infractions contenues dans l'ordonnance n°09-03 du 22 juillet 2009, appliqué en l'occurrence aux piétons (une première en la matière) et entré en vigueur le 1er février dernier, M. Mohammed Benhamou, député FNA, ex-président de la commission transports au sein de l'APN, nous dira d'emblée : «le ministre a commis une erreur avec cette approche répressive du code de la route». Et de surenchérir : «le piéton est roi sur la voie publique comme le client est roi dans un restaurant !». A ce titre, le citoyen a plutôt besoin d'affection que de répression, selon cet élu qui plaide pour une éducation routière à la base, soit à l'école dans le cadre d'un programme pédagogique officiel. Notre interlocuteur estime que «son» projet de loi relatif au nouveau code de la route a été vidé de sa substance pédagogique, voire dévoyé en affirmant que le texte de loi en question ne serait pas passé comme une lettre à la poste s'il avait été soumis à un débat au Parlement. Dans son article 1er, la présente loi a pour objet de fixer les règles relatives à l'organisation, la sécurité et la police de la circulation routière. A ce titre, elle vise, notamment, à réduire l'état dinsécurité routière, définir les règles d'usage de la voie publique et les modalités de régulation et de fluidité de la circulation routière, réunir les conditions d'un développement équilibré des transports de qualité dans le cadre de l'intérêt général, définir un cadre institutionnel chargé de sa mise en œuvre, instituer des mesures coercitives en matière de non-respect des règles de la circulation routière, est-il indiqué dans l'ordonnance. Dans son article 2, le piéton est défini comme étant la personne se déplaçant à pied et auquel sont assimilés les personnes qui poussent ou tirent les voitures d'enfants, de malades ou d'infirmes, ainsi que celles qui traînent une bicyclette ou un cyclomoteur et les infirmes qui se déplacent dans une voiture roulante mue par eux-mêmes à l'allure du pas. Au niveau de la Sûreté de la wilaya de Tlemcen, l'officier Serhane, adjoint du chef de service de la sécurité publique, nous déclarera tout de go : «On ne fait pas de différence entre l'automobiliste et le piéton quand il s'agit d'appliquer la loi en la matière, mais ce qu'il faut savoir, c'est que l'agent de la circulation a toute latitude d'apprécier les conditions de l'infraction commise sur la voie publique, il est souverain ». En présence de l'officier Othmani, chargé de la communication, ce responsable nous précisera que l'application de cette loi se fera graduellement en indiquant que plusieurs tables rondes de sensibilisation sur le sujet ont été organisées à la radio durant le mois de janvier dernier. Dans le cadre de la formation continue, des briefings et des cours auxquels participent même les éléments de la PJ sont donnés quasi quotidiennement au niveau du siège de la Sûreté de Wilaya, nous apprendra M. Serhane. Ce dernier nous dressera à cette occasion le listing des cas d'infractions, version piéton, au nombre de 10, liées au feu vert, le passage protégé, la passerelle, la visibilité au niveau de l'arrêt de bus, le passage gardé, le passage non gardé, la circulation sur la chaussée, le passage souterrain, le signal à bras de l'agent Au titre des sanctions, ces infractions classées au 1er degré valent au contrevenant une amende forfaitaire de 2.000DA. Le cas échéant, celui-ci est tenu de s'en acquitter dans un délai de 10 jours auprès de la poste et présenter la quittance de la pénalité afférente au service concerné, à savoir le bureau de la sécurité publique (BSP), faute de quoi, il encourra des poursuites judiciaires qui seront sanctionnées par une augmentation de l'amende (2.500 DA), nous informera cet officier. Sur le terrain, il n'a pas été enregistré de PV pour le moment pour «ne pas choquer» le piéton dont le pouvoir d'achat est déjà rudement malmené par l'inflation, dit-on. En matière de statistiques, il ressort du bilan établi par le bureau de la sécurité publique au titre de l'année 2009 et valable pour le tissu urbain (intra muros), un nombre de 435 piétons blessés et 20 décédés, correspondant à une moyenne annuelle globale de 735 accidents, soit 94,55% corporels et 5,45% mortels, dans cette wilaya. Quant à la rue, elle ne semble visiblement pas visée par cette nouvelle et non moins draconienne mesure. En effet, au 8è jour de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions du code de la route destinées, entre autres, aux piétons, de nombreux citoyens que nous avons abordés ignorent toujours qu'ils peuvent être verbalisés pour avoir «grillé» un feu vert ou mis les pieds pour traverser la route en dehors du passage qui leur est réservé. Même cette minorité de piétons civiques qui traversaient devant nous la chaussée dans les règles de l'art ne savait pas a priori qu'ils étaient en «règle» avec cette nouvelle loi. Lors de notre tournée au centre-ville dans la matinée du lundi dernier, le même constat, que ce soit au lieu-dit El-Blass, à Trafrata ou l'EPS : une circulation anarchique au niveau de la chaussée «commise» par des piétons des deux sexes. A Tlemcen, on a cette «manie» de bouder aussi bien les trottoirs que les passages. Par incivisme ou à cause de l' «érosion» de l'espace public ? Les AOP de service n'avaient d' «yeux» que pour les véhicules. L'habitude est une seconde nature, piétons et agents compris. Il faut aussi avouer que la communication n'est pas une mince affaire. Ne devrait-on pas appeler à cet effet les scouts à la rescousse, eux qui ont déjà fait leurs preuves dans ce domaine ? Croisé devant le café du musée, l'avocat Me Hadjadj a bien voulu s'exprimer sur la question : «Il faut arrêter ce désordre généralisé, mais la répression doit intervenir après la prévention». L'ex-directeur de l'ITE, M. Brixi, estime pour sa part que le traitement du problème devrait s'opérer à travers une approche systémique, autrement dit sérier les différents comportements inciviques et leur apporter la thérapie adéquate avec le concours de toutes les parties (ne pas agir localement «sur la chaussée» mais globalement «dans la rue»). Dans le même contexte, le vieux libraire Sari ne manquera pas de relever la carence des autorités en matière d'environnement signalétique : «On ne doit pas tirer la charrue avant les bœufs». Et pour cause. A quelques encablures de son magasin, soit à hauteur du bureau du CRA sis à la rue de l'indépendance, il n'existe pas de passage protégé alors que c'est un secteur très passant. Son ami, un ancien banquier, évoquera le fameux Khaled (Kalaïdji), un policier post-indépendance affecté à la circulation au niveau d'El-Blass, et plus exactement au milieu de la chaussée séparant la place d'Alger et la place de la Mairie. Strict, il ne transigeait pas sur les infractions piétonnières des citadins auprès de qui il n'était pas en odeur de sainteté.