Et si la diplomatie européenne, et occidentale d'une manière générale, subit les contrecoups de la crise financière et économique apparue depuis l'été 2008 ? Sinon, comment expliquer la cacophonie de la diplomatie européenne lorsqu'il s'agit de s'engager pour la justice et la liberté des peuples ? Les voies de la diplomatie internationale sont-elles, comme celles de dieu, impénétrables ? Celles exprimées, à part, par chaque pays européen, ou celles exprimées au nom de l'Union européenne sur les questions les plus sensibles de notre époque telles celles relatives à la question palestinienne, l'Afghanistan, la lutte contre le terrorisme international etc. donnent à croire que « l'acte diplomatique » perd, à chacune de ses interventions, du prestige qui lui est propre, pour se mouvoir en « acte de prestidigitation ». C'est-à-dire fondé sur l'effet de l'illusion. Lundi, les ministres des AE réunis à Bruxelles ont dénoncé «courageusement », l'utilisation par des « délinquants » israéliens de passeports de pays membres de l'UE pour exécuter à Dubaï un contrat d'une maffia non identifiée. Ni la victime, ni sa fonction, ni les menaces de cette loge de tueurs, ni les dizaines d'assassinat exécutés ces dernières années sur le même mode opératoire par la même maffia sur le sol européen ne sont des éléments à charge, de preuve et de signature de l'assassin. Ces conclusions des chefs de la diplomatie de l'UE ne sont rien d'autre que l'attribution de la note 20 sur 20, avec mention de «très haute distinction», sans les nommer, aux services secrets israéliens le «Mossad». Ce dernier ne peut qu'en tirer profit: réputation et label international pour son efficacité. Rien n'a été dit ou enregistré sur la situation en Palestine occupée. Liebermann, le ministre des AE du gouvernement israélien était, ce jour même à Bruxelles. Le statut de partenaire privilégié attribué par l'UE à Israël en décembre 2008, sous présidence française, donne le droit aux ministres israéliens d'assister aux réunions des Conseils des ministres de l'UE. La présence de Liebermann à la réunion des ministres des AE de lundi a-t-elle dissuadé les européens d'accuser ou de soupçonner le Mossad israélien du meurtre du responsable palestinien à Dubaï ? Personne ne le dit et tout le monde le sait. C'est un des travers du langage diplomatique, quoique vite fait d'être remodelé avec d'autres signifiants : les déclarations, le soir même, du ministre des AE français Bernard Kouchner. « La proclamation d'un Etat palestinien dans ses frontières de 1967, avec pour capitale Jérusalem-Est, la discussion sur les réfugiés palestiniens, l'échange des territoire » a-t-il, déclaré en substance. Il a même souhaité, avec le ministre des AE espagnol Miguel Angél Moratinos, que l'UE premier bailleur de fonds de l'Autorité palestinienne, s'implique d'avantage aux côtés du Quartet pour hâter la reprises des négociations israélo-palestiniennes. La question reste pendante : Kouchner et Moratinos s'exprimaient-ils au nom de l'UE ou aux noms de leurs pays respectifs ? Pourquoi le Conseil des ministres des AE de l'UE réuni le même jour n'en a pipé mot ? Ou est passée la ministre des AE de l'UE, Mme Catherine Ashton ? La question palestinienne n'est pas le seul sujet de cafouillage diplomatique européen. C'est pareil sur la menace terroriste. Il est quand même inouï, pour ne pas dire ridicule, que la France et l'Espagne qui assure la présidence tournante de l'UE, dénoncent les rapts, enlèvements et piratages opérés par les terroristes de tout bord et se pressent de leur payer des rançons conséquentes. C'est révoltant de taxer les populations des pays comme l'Algérie, le Nigeria ou Cuba de potentiellement terroristes, alors que les terroristes vivent en Europe (et aux USA et Canada) utilisent des identités (passeports, cartes d'identités) européennes ! Il est inacceptable de mettre toujours en avance les risques terroristes (réels par ailleurs) que vivent les pays européens, alors que les premières victimes (réelles aussi) de ce terrorisme sont ces pays accusés de le soutenir. Et dans la lutte que mène la coalition internationale en Afghanistan, contre les talibans, considérés comme les inspirateurs et pourvoyeurs du fléau terroriste mondial, l'UE manifeste, depuis l'arrivée au pouvoir de Barack Obama aux USA, des hésitations qui trahissent des calculs d'alliances et d'intérêts tant au Proche et Moyen Orient, qu'ailleurs, aux USA par exemple avec les lobbies et politiques néo conservateurs. Barack Obama ne gêne pas que chez lui aux USA. Il remet en cause des logiques des décideurs européens. Les premiers effets sont là, têtus: retrait des troupes néerlandaises, et chute du gouvernement néerlandais sur cette question; refus de l'Australie de pallier au départ des 2.000 soldats néerlandais ; retrait total des troupes espagnoles; refus de l'Allemagne et de la France de pallier aux déficit en hommes de troupes Il faut laisser Obama seul face aux taliban avec la garantie qu'il se «casse la gueule», seul. Il est loin le temps où ces mêmes européens couraient au secours de George Bush. Au final, l'UE apparaît de plus en plus divisée sur les questions d'ordre stratégique pour la paix et la résolution des conflits. L'UE fonctionne aujourd'hui en «segments» ou groupes de pays aux intérêts communs. Son action diplomatique comme son langage (pas encore de doctrine) n'ont plus la force de convaincre le reste du monde de son indépendance des puissants lobbies financiers et politiques transnationaux. C'est en cela que la diplomatie comme les économies du monde occidental, subit sa crise à sa manière. Et c'est, comme toujours, les plus faible qui trinquent. Comme les civils afghans sous les bombes des alliés, ou comme les Algériens, Cubains, Nigérians qui sont soupçonnés et sous haute surveillance.