Nous ne nous supportons point. Soit nous nous déchirons à longueur de journée et à longueur d'année, soit nous nous chassons les uns les autres, soit c'est à coups de machettes que nous réglons nos comptes entre familles ! Nous, c'est nous c'est-à-dire ces peuples dont se sont joués des gouvernants incapables et qu'ont ballottés des jours incroyablement malheureux d'un quotidien difficile. Au rythme d'élections truquées et ridicules que nous n'adoptons que pour faire semblant d'être de ce monde, nous avons des oppositions, puis des protestations, ensuite des émeutes, puis on en vient aux coups de feu, de machettes et bonjour l'extermination les corps de nos enfants couvrent le sol et leur sang n'est pas plus précieux qu'autre chose. En côte d'Ivoire, au Togo, au Nigéria, au Zaïre et ailleurs, cette histoire d'élections, qui n'a d'élection que le nom, finit souvent avec des morts, des blessés et plus de misère ! Au rythme de blocages incessants, de malentendus inutiles et de rivalités injustifiées, nous nous jetons la responsabilité de la bêtise humaine, et nous nous accusons mutuellement d'avoir été derrière le déluge de Noé. A défaut, certains d'entre nous reprochent aux autres la largeur de leur nez, leur petite taille et bonjour le génocide. Uttu et Tutsi savent bien aujourd'hui que cette histoire de nez et de taille était ridicule, que le prétexte de l'assassinat du président l'est encore plus, mais ils ne l'ont su qu'après un véritable génocide qui aurait coûté près d'un million de morts ! Au rythme des applaudissements des anciens colons, des nouveaux «saigneurs du monde» et, bien sûr, de ceux qui agissent pour leur compte, nous nous mangeons. Il suffit d'un oui, d'un non. Parfois, de moins que cela et souvent, nous n'avons même pas besoin d'excuse. Nous nous haïssons, comme si nous ne pouvons supporter ni notre propre peau, ni notre appartenance, ni notre existence. Alors, quand certains d'entre nous ont une philosophie de la vie différente, c'est avec la machette que nous leur rendons visite. En groupe, parce que lorsque nous prenons la peine de nous punir, nous ne perdons pas le temps avec une personne mais on y va une fois pour toutes. C'est pour cela que lorsqu'on annonce un problème en Afrique, c'est toujours les 40, les 50 voire 100 morts et plus ! Si, par hasard, une partie d'entre nous a une religion différente c'est carrément la fête. A tour de rôle, nous procédons à l'extermination, les uns des autres. D'abord, ce sont les chrétiens qui envahissent les quartiers musulmans de Jos au Nigéria. Des centaines de morts et des milliers de blessés. Ensuite, ce sont les musulmans qui, à leur tour, entreprennent une promenade génocidaire du côté de leurs voisins chrétiens. Bilan : des centaines de morts et des centaines de blessés. Ensuite, les chrétiens se vengent, puis les musulmans lavent l'honneur dans le sang et cela continue Lorsque certains d'entre nous ont une autre religion et qu'en plus il se trouve que nous ayons des divergences quant aux résultats d'élections, là, c'est la pagaille. Malheureusement, c'est la pagaille qui règne de notre côté de l'humanité. Comme nous ne nous entendons jamais sur quoi que ce soit, il y a toujours prétexte à machette ! Enfants d'un continent que les anciens colons ne veulent lâcher ni au sens propre ni à celui figuré. La «françafrique», pour ne citer que cet aspect répugnant des relations entre les hommes, ne veut rien laisser. Les richesses du continent pour quatre sous, ses marchés avec deux sourires jaunes en contrepartie, sa main-d'œuvre avec injures et mépris, ses entrailles pour y enfouir les déchets nucléaires, ses déserts pour y expérimenter les armes interdites, son gaz et son pétrole pour quelques visas malheureux et sans utilité et l'on passe! Quelque part, ils ont même la main sur la désignation des gouvernants, de ceux qui les remplaceraient en cas de sursaut d'honneur ou en cas d'excès de fierté. Pour pouvoir bénéficier durablement de ces largesses obligées, il est clair qu'ils soient capables de tout. Oui, absolument de tout ! Certains milieux ont beaucoup insisté sur le rôle étranger, de la France notamment, dans le génocide rwandais N'est-il pas intéressant de se demander si, aujourd'hui encore, il n'y a pas quelque chose derrière ces massacres qui ne cessent pas au Nigéria ? Le pétrole du Nigéria est si vital à certaines compagnies que la venue de Cnooc, la compagnie pétrolière chinoise, et sa prise de participation, ne peut que déranger. Alors, pour faire pression, pour faire réfléchir les autres ou tout simplement pour nous maintenir en laisse, certains nous chauffent et nous montent les uns contre les autres. Et nous voilà partis pour un autre tour de machette ! Jusque là, ce sont déjà quelques centaines de morts, puis on verra !