Le tribunal criminel d'Oran avait à examiner, hier, une grosse affaire de kif. Beaucoup de traits communs existent entre cette affaire et celle jugée il y a quelques semaines par la même juridiction, et qui concernait la saisie de 2 tonnes de drogue en mars 2008 à Béchar. Le lieu des faits est le même (Hassi Khebi), le mode opératoire est identique (convoi de Toyota Station, escorté et armé), utilisation de motos de grosse cylindrée comme éclaireurs et moyens de sauvetage à la fois Bref, pour les services antistupéfiants, les deux opérations portaient la même signature, celle du baron dit Chikha. Personnage assez «mythique» au vu de certains récits invraisemblables des trafiquants arrêtés qui activaient sous sa houlette. En tout cas, à en croire la version des faits relatés par les accusés lors des deux procès en question, leur chef Chikha, de son vrai nom T. Othmane, était avec eux dans les deux opérations de convoyage et, dans les deux coups, il a réussi à s'en tirer tel un «djinn». Le procès d'hier concernait donc la saisie de 8,6 tonnes de kif à Hassi Khebi, le 7 décembre 2008. Ce qui a mis la puce à l'oreille des éléments de la compagnie 103 du Groupement des gardes-frontières (GGF), c'étaient des brebis galeuses. En patrouille de routine, ils ont été intrigués par l'existence, pratiquement tous les 200 mètres, d'une brebis attachée à un tronc d'arbre, une pierre ou tout autre objet. Ce troupeau en file indienne très étendue (les bêtes étaient disposées sur une distance de près de 2 km, selon les faits consignés) servait - les patrouilleurs de la GGF l'ont compris tout de suite - de points de repère pour les convoyeurs du kif. Une embuscade est aussitôt tendue sur les lieux. Quelques heures plus tard, vers les coups de 7h, un léger vrombissement de moteurs se fait entendre soudain. Une «caravane» de cinq véhicules 4x4, escortée par des motos Yamaha et avançant tous feux éteints, surgit derrière la dune où étaient retranchés les éléments de la GGF. Refusant d'obtempérer à l'ordre de s'arrêter, les trafiquants ouvrent une rafale sur les éléments des gardes-frontières, obligeant ceux-ci à demander renfort du côté de l'armée. S'ensuit un violent accrochage, au bout duquel les trafiquants abandonnent leurs véhicules, continuant leur course à pied. A la faveur d'une opération de ratissage, ils seront cueillis le lendemain à environ 15 km du seul point d'eau dans cette zone désertique. Il s'agit des accusés M.I.I., L.M. et G.N., qui comparaissaient hier sous les chefs d'accusation de «trafic de drogue et tentative de meurtre». Leurs deux coaccusés qui ont pu s'enfuir, dont T. Othmane alias Chikha, ont été jugés par contumace. Sur place, les forces de l'ordre ont saisi 8.623 kilos de résine de cannabis, 4 kalachnikovs, 1.470 cartouches de 7,72 mm, un appareil de géolocalisation GPS, deux jumelles nocturnes ainsi que d'autres équipements logistiques tels que des jerricans d'essence et des téléphones satellitaires «Thuria». Le représentant du ministère public a requis la réclusion à perpétuité contre les accusés tout en bloc. A l'issue des délibérations, le tribunal a prononcé quatre peines de perpétuité, dont deux par contumace, et un acquittement en faveur de G.N.