Le débat sur le port du voile intégral, que certains dans l'Hexagone assimilent à la burqa (afghane) en France, a ainsi interpellé les autorités de l'Institut musulman de la Mosquée de Paris. Selon un communiqué daté de jeudi, le recteur, le docteur Dalil Boubekeur, souligne que «dans le cas du port du voile intégral masquant entièrement le visage de la femme (burqa, niqab ou bourka), il faut savoir qu'il ne s'agit pas d'une prescription religieuse au sens strict du terme». Selon la sourate 33, verset 9 (les Coalisés), «les femmes doivent rabattre sur elles-mêmes un tissu appelé djilbab, qui se traduit par un grand voile, un châle ou un manteau», souligne le recteur de la Grande Mosquée de Paris. Dalil Boubekeur, expliquant les hadiths du prophète (QSSSL) sur le port du voile et la manière de le porter, estime que «le projet de loi portant interdiction du port du voile intégral ne vise pas une prescription religieuse coranique, ni la communauté musulmane en France», ajoutant que (ce projet de loi) «ne vise qu'une pratique ultra-minoritaire dans notre pays. ( .) Elle est jugée officiellement comme non bienvenue en France. Elle contreviendrait au principe constitutionnel de l'Egalité républicaine, renforcée par la loi sur la parité homme/femmes». Le docteur Boubekeur termine son communiqué sur ce projet de loi sur l'interdiction du voile intégral en France en relevant que «la réflexion doit néanmoins porter sur le champ d'application de cette loi à venir, en privilégiant un délai raisonnable de pédagogie». Dans l'hexagone, le débat sur la burqa divise. Autant à droite qu'à gauche, et au sein même de la majorité présidentielle. Devant les attaques frontales de certains députés UMP, le gouvernement Fillon veut décréter l'urgence sur le projet de loi visant à interdire le voile intégral dans l'espace public. Par cette technique qui autorise un examen rapide de la loi anti-burqa au Parlement, le chef du gouvernement français espère que cette loi sera adoptée avant la fin de la session extraordinaire, prévue autour du 20 juillet. Les présidents respectifs de l'Assemblée et du Sénat, Bernard Accoyer et Gérard Larcher, militaient pour un calendrier moins resserré, mais le président français Nicolas Sarkozy a arbitré en faveur du Premier ministre et du président du groupe UMP de l'Assemblée, Jean-François Copé. Pourtant, la machine parlementaire mise en branle par le gouvernement Fillon, poussé par Sarkozy lui-même, passe outre les préventions du Conseil d'Etat français, selon lequel il «est difficile d'interdire le port du voile intégral dans tout l'espace public» en France. Pour autant, la presse française relève que «si le principe de légiférer sur le port de la burqa était acquis, le contenu et la nature du texte n'étaient pas encore tranchés». Désormais, c'est chose faite : mercredi 21 avril, à la sortie du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, a souligné que «l'interdiction du port du voile intégral doit être générale dans tout l'espace public, parce que la dignité de la femme ne se divise pas». Mais le débat s'épaissit avec cette remarque du Conseil d'Etat français : «Une interdiction générale et absolue du port du voile intégral en tant que tel ne pourrait trouver aucun fondement juridique incontestable. Une prohibition de la dissimulation du visage dans l'ensemble de l'espace public se heurterait encore à des risques juridiques sérieux au regard des droits et libertés garantis constitutionnellement et conventionnellement». Bref, le port du voile intégral en France divise, alors même que le gouvernement Fillon veut trancher dans le vif en mettant à exécution sa menace de pondre la fameuse loi sur l'interdiction de la burqa. Enfin, le Conseil d'Etat français a fait remarquer, devant l'insistance du gouvernement Fillon d'aller vers une interdiction du voile intégral, que «seules la sécurité publique et la lutte contre la fraude, renforcées par les exigences propres à certains services publics, seraient de nature à justifier des obligations de maintenir son visage à découvert, soit dans certains lieux, soit pour effectuer certaines démarches». Véritable casse-tête chinois pour Fillon et Sarkozy, et l'ensemble de la classe politique française, beaucoup plus à droite et au sein de l'extrême droite qu'ailleurs.