L'Union européenne est dans l'œil du cyclone : l'euro, monnaie unique sans gouvernance économique, vacille. Le dispositif de soutien à la Grèce a été adopté dans la douleur et à l'issue d'âpres négociations au cours desquelles le président français aurait menacé de faire sortir son pays de l'euro. Soutien ou non, la potion imposée à Athènes est fort amère. La Grèce traverse, selon les observateurs sur place, une situation sociale extrêmement tendue que certains n'hésitent pas à qualifier de prérévolutionnaire. Pour réduire une dette évaluée à 300 milliards de dollars, soit 115% du PIB, le gouvernement Papandréou a endossé un plan d'austérité d'une rare sévérité, car les diminutions de revenus amputent très brutalement le pouvoir d'achat des salariés. A telle enseigne que d'aucuns estiment que la stabilisation grecque constitue un banc d'essai de la capacité d'absorption sociale des mesures d'ajustement. A leur tour, le Portugal et l'Espagne, dont la dette est de 73% et 56% de leurs PIB respectifs, s'engagent dans des politiques d'austérité qui frappent de plein fouet les fonctionnaires et les salariés. L'Italie, dont le taux d'endettement est voisin de celui de la Grèce, envisage un tour de vis de même nature. Mais ces annonces ne rassurent guère les marchés : les bourses se replient en désordre et les actions des banques sont les premières à pâtir du regain d'inquiétude des investisseurs. Le fantôme de la banque Lehman Brothers hante les marchés. La crise de la dette privée a donc bel et bien muté en crise de la dette souveraine. La dette publique de nombreux pays de la zone euro s'étant fortement dilatée du fait des aides apportées aux banques en 2008 et en 2009, les prêteurs s'inquiètent du risque élevé d'insolvabilité de pays classés parmi les meilleurs risques de la planète. Le plan de stabilisation paneuropéen de 750 milliards d'euros, présenté lundi dernier par les dirigeants de l'UE, ne convainc pas les opérateurs boursiers qui considèrent la désintégration - le mot est de Paul Volcker - de la zone euro comme une hypothèse de travail parfaitement raisonnable. La rigueur budgétaire ne rassure pas les investisseurs, qui savent que l'austérité aura un impact sur une reprise économique bien timide. L'incertitude règne et la panique n'est pas loin, d'autant que d'éminents experts, dont le même Volcker, ancien président de la Federal Reserve et conseiller du président Obama, expriment publiquement leur perplexité devant la situation fragilisée d'une monnaie unique adossée à différentes politiques fiscales. Dans ce contexte, les investisseurs reviennent vers le dollar qui retrouve des couleurs face à l'euro, et vers l'or, suprême valeur refuge, qui bat des records de hausse en atteignant 1.250 dollars l'once. Même la baisse des prix du pétrole ne parvient pas à dérider des spéculateurs qui voient dans le gonflement des réserves de brut le signe d'un tassement de la reprise. La crise du libéralisme, si elle n'est pas rapidement contenue, pourrait plonger l'économie mondiale dans un nouveau cycle de récession aux conséquences politiques imprévisibles. La question qui se pose d'ores et déjà est de savoir qui sauvera de la faillite des Etats qui avaient impétueusement volé au secours des banques au prix de déséquilibres à l'origine de la crise actuelle.