Considéré comme sujet tabou, mais le fait d'attenter à sa propre vie semble faire désormais partie de la vie quotidienne. Huit personnes âgées entre 17 et 53 ans, dont deux femmes, ont mis fin à leur jour durant les deux dernières semaines à Oran, selon des sources du centre hospitalo-universitaire d'Oran. A Douar Belgaid, un jeune de 20 ans a été découvert, pendu dans sa chambre au domicile familial, deux jours plus tard un autre jeune s'est donné la mort également par pendaison dans un bois à El Hassi. A Dar El Hana, au quartier Victor Hugo, un père de famille âgé de 53 ans s'est jeté du 5éme étage, le lendemain un lycéen de 17 ans s'est défenestré à Hai Ennour. La semaine écoulée une quadragénaire est morte deux jours après avoir ingurgité de l'acide. Durant la même semaine, un jeune a été découvert pendu dans une habitation en cours de construction et un autre a été trouvé étranglé avec une ceinture. Un autre cas de suicide est signalé à Mers El Kebir. Les tentatives de suicide sont quant à elles plus importantes. On parle d'une vingtaine de tentatives durant cette même période. Ces chiffres qui donnent froid au dos sont loin de refléter la réalité, puisque nombreux sont les cas qui ne sont pas déclarés par les familles par crainte de la condamnation de la société, vu que le sujet reste tabou. La majorité des familles présentent le suicide en mort accidentelle. Idem pour les tentatives de suicide (dix fois plus nombreuses que l'acte lui-même) qui, hormis les cas d'absorption de barbituriques et donc d'admission à l'hôpital, le reste n'est jamais déclaré. Une enquête menée par le CRASC sur un échantillon de 400 patients accueillis au service des urgences médico-chirurgicales (UMC) de l'hôpital d'Oran a indiqué que 17,3% des femmes justifient leurs actes par «les difficultés de la vie, combinées à la tristesse et au désespoir» contre seulement 12% des hommes. Ces derniers, mettent en avant les problèmes de communication. Les conclusions de l'enquête concernant cette question montrent que les raisons du suicide chez l'homme sont liées aux difficultés matérielles et professionnelles, alors que chez la femme, on se penche vers le côté relationnel et affectif. Les personnes âgées entre 16 et 30 présentent le plus gros chiffre des candidats au suicide. Le sentiment de solitude, les conditions sociales et l'incompréhension de l'entourage ont poussé ces personnes à commettre l'irréparable. Pour mieux expliquer ce phénomène, les spécialistes ont indiqué que l'évolution de la famille algérienne, due essentiellement aux facteurs socioéconomiques a laissé des séquelles apparentes sur la structure de la société. Les effets de ces changements ont été accentués par les affres du terrorisme qui ont profondément traumatisé la société toute entière. D'autres problèmes sociaux, tels que la crise du logement, le chômage, le vide culturel, les problèmes relationnels, les échecs scolaires, la drogue et l'oisiveté, sont venus se greffer à une situation de violence, facteurs qui ont lourdement influé sur les individus. Des organismes algériens estiment par ailleurs que 10.000 personnes tentent de se suicider chaque année en Algérie, dont un millier environ réussissent leurs actes. Lorsque l'envie de mourir se manifeste et se fait pressante, le candidat au suicide use, selon les cas, de moyens susceptibles de rendre son triste projet «concret ». Produits chimiques, barbituriques, chutes volontaires, pendaison, asphyxie au gaz, ainsi que l'emploi d'armes à feu et objets tranchants sont autant de moyens utilisés pour mettre en application l'ultime acte de désespoir.